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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 23-XI-2019. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Sérénade pour cordes op. 48 ; Variations sur un thème rococo ; Symphonie n° 5. Gautier Capuçon, violoncelle. Czech Philharmonic, direction : Semyon Bychkov
24-XI-2019. Piotr Ilitch Tchaïkovski : Concerto pour violon ; Symphonie n° 6 dite « Pathétique ». Renaud Capuçon, violon. Czech Philharmonic, direction : Semyon Bychkov
Récemment nommé en 2018 à la tête du Czech Philharmonic, Semyon Bychkov poursuit son « Tchaïkovski Project » entrepris dès 2016 visant à réaliser, en concert comme au disque, une intégrale de l'œuvre du compositeur russe. Projet titanesque qui se poursuit aujourd'hui avec ces deux concerts donnés à la Philharmonie de Paris.
Dans cette intégrale ayant déjà donné matière à plusieurs enregistrements discographiques regroupés récemment dans un coffret de 7 CDs publié par le label Decca, les concertos pour cordes demeurent, jusqu'à ce jour, les grands absents, expliquant sans doute l'attente importante du public autourde ces deux concerts qui présentent notamment les Variations sur un thème rococo et le non moins célèbre Concerto pour violon avec les frères Capuçon en solistes, appariés respectivement à la Symphonie n° 5 et Symphonie n° 6.
Après une Sérénade pour cordes qui déçoit quelque peu par la densité et la profondeur excessive des cordes graves, conférant au discours une pesanteur mal venue, contraire à l'esprit de l'œuvre, ce premier concert voit l'entrée en lice du violoncelliste Gautier Capuçon pour une admirable interprétation des Variations sur un thème rococo. Dans cette composition, comme dans la précédente, Tchaïkovski marque son attachement au style galant du XVIIIᵉ siècle, en construisant autour d'un thème classique plein de grâce un ensemble de variations. Gautier Capuçon nous en livre une lecture immédiatement convaincante où le lyrisme poignant de la valse le dispute à la virtuosité sans faille de la cadence acrobatique.
Mais le grand moment de cette première soirée restera indiscutablement la Symphonie n° 5, deuxième volet de la trilogie du fatum, dont Semyon Bychkov et le Czech Philharmonic donnent une interprétation mémorable, dans la droite ligne de l'incontournable Mvravinski, portée de bout en bout par un souffle épique oscillant entre enthousiasme et désolation. On ne sait qu'admirer le plus de la qualité orchestrale ou de la justesse de ton de la direction. Ouvert par les archets lugubres des contrebasses, l'Adagio-Allegro inaugural se déploie bientôt sur un phrasé alternant fièvre, lyrisme, et drame dans une grande variabilité de tempi, de nuances et de contrastes. Le discours clair magnifie toutes les performances solistiques (petite harmonie et timbales) comme les nombreux contre-chants. L'Adagio se distingue surtout par la complainte pathétique du cor solo qui pousse la désolation à son comble en exhalant un lyrisme chargé de menaces, tandis que l'Allegro moderato en forme de valse n'est guère plus rassurant dans son dialogue entre cordes et petite harmonie. Le Finale par son grand crescendo, ses timbales véhémentes et ses fanfares de cuivres nous laisse sur une interrogation face au destin, victoire ou résignation, une question existentielle d'importance qui sera résolue dans l'ultime Symphonie n° 6.
Le second concert entre d'emblée dans le vif du sujet avec le Concerto pour violon interprété par Renaud Capuçon. Si la trilogie symphonique du fatum est constamment teintée d'ambivalence et hantée par la présence du destin, ce concerto, a contrario, affiche clairement son optimisme communicatif. Renaud Capuçon, hélas, en livre une interprétation très scolaire dénuée d'une quelconque émotion, réduite à un simple exercice de virtuosité souvent approximative. La Mort d'Orphée, extraite d'Orphée et Eurydice de Gluck transcrite pour violon, achève dans la platitude cette morne première partie.
La Symphonie n° 6 dite « Pathétique » occupe à elle seule la seconde partie. Comme la veille pour la cinquième, Semyon Bychkov en livre une lecture très convaincante, bien que moins homogène dans son ensemble par les accents romantiques qui en atténuent parfois le dramatisme. Très théâtral, le premier mouvement affirme avec éclat ses contrastes entre l'Adagio lugubre (basson, cordes graves) et le terrifiant Allegro chargé de drame et d'urgence (fanfares de cuivres et timbales). Si la Valse déçoit quelque peu par sa fadeur un peu monolithique, l'Allegro Molto Vivace retrouve toute sa vitalité et sa tension dionysiaque dans un formidable crescendo recrutant toutes les forces orchestrales, avant que l'Adagio final, véritable lamento où se mêlent la complainte des cordes, les sombres cantilènes du basson et du cor et les menaces cuivrées ne scelle définitivement la victoire du destin dans une acceptation résignée et prémonitoire !
Avec ces deux concerts, Semyon Bychkov et le Czech Philharmonic, continuent à s'affirmer avec brio comme de nouvelles références dans la musique de Tchaïkovski… à la condition expresse de choisir avec plus de discernement les solistes partenaires !
Crédits photographiques : Semyon Bychkov © Chris Chritodoulou ; Gautier Capuçon © Julien Mignot ; Renaud Capuçon © Jean-François Leclercq
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J’ai « en mémoire » les interprétations de Valery Gergiev et l’orchestre du Mariinski à la salle Pleyel, en janvier 2010 … EXTRAORDINAIRE !!!
Les interprétations que vous évoquez sont parues en CD, sous le label du Théâtre Mariinsky.