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Chants aztèques et musique mexicaine d’aujourd’hui avec Vincent Lhermet

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Georgina Derbez (née en 1964) : Symphonia. Itzam Zapata (né en 1989) : Huehuecóyotl. Ana Lara (née en 1959) : La suplicante. Javier Torres Maldonado (né en 1968) : Lachrymosa I. Alejandro Romero (né en 1970) : El sitio que le he prestado al aire. Jorge Torres Sáenz (né en 1968) : Cold wind garden. Victor Ibarra (né en 1978) : … de nadie es su casa la tierra. Cantos de Nezahualcóyoti I, II, III, IV, V. Vincent Lhermet, accordéon. Astrid Hadad, narrador (espagnol) ; Christian Rojas, narrador (Náhuati). 1 CD Tempus Clásico. Enregistré dans la salle Silvestre Revueltas de los Estudios Churubusco. Notice en espagnol, français et anglais. Durée : 64:00

 
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Au départ du projet il y a la musique, celle pour accordéon de sept compositrices et compositeurs mexicains jouée sous les doigts de . Au final, une forme tressée de treize numéros alternant accordéon et « cuicatl », ces chants aztèques de source immémoriale mis en résonance avec la musique mexicaine d'aujourd'hui.

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C'est le nahuatlato Christian Rojas, parlant le nahuatl, cette langue sonore et colorée qui est encore vivace aujourd'hui, qui « entonne » le Chant de Nezahualcóyotl au début de l'enregistrement : sorte de rituel de mort en cinq parties que l'on peut lire dans la pochette du disque en nahuatl, en espagnol et en français : « Toi mon prince, toi, Nezahualcóyotl / tu te rends au Mictlan [le pays des morts] / au Quenomanica, dans l'au-delà définitif ». Ce superbe Canto est le 46ème poème des Cantares mexicanos, le seul recueil transcrit au XVIe siècle en caractères latins et préservé aujourd'hui. Dans l'enregistrement, il est également dit en espagnol par Astrid Hadad, qui relaie Christian Rojas d'une partie à l'autre de ce long poème tressé avec la musique.

Parmi les sept pièces pour accordéon jouées par , trois sont de 2018, composées pour ce projet et adressées à l'interprète. Huehuecóyotl est l'une des divinités des arts, de la musique et de la danse cérémonielle dans la mythologie aztèque nous dit le compositeur . Des couleurs et de l'articulation du matériau instrumental émanent la fraicheur et la vitalité de la langue nahuatl. Une dimension théâtrale et narrative sous-tend cette musique tout en aspérités. El sitio que le he prestado al aire d' emprunte son titre à un vers du poème de Jaime Sabines (1926-1999), No es que muera de amor (Ce n'est pas d'amour que je meurs, je me meurs de toi). La musique met à l'épreuve le corps (voix, souffle) de l'accordéoniste et toutes les capacités de son instrument (bellow shake, jeu en stéréophonie) dans un espace d'affrontement et de tension fébrile. Une certaine violence sourd dans …de nadie es su casa la tierra de :  « les morts se battaient pour la libération de leur âme », nous dit-il, s'agissant de la mythologie aztèque qu'il explore dans une pièce aussi puissante qu'onirique : gestes musclés et textures compactes éprouvent l'instrument aux marges de ses possibilités.

Symphonia (2006) de et La supplicante (2008) d' ont toutes deux été écrites pour l'accordéoniste allemande Eva Zöllner. Louvoyant entre la ligne et son épaisseur polyphonique, Derbez cherche dans la sonorité de l'instrument la qualité de la voix, fragile, tremblée, humaine, que l'on finit par entendre à la fin de la pièce. Dans la même veine stylistique, Supplicante est une méditation tendue qui nous met à l'écoute du son, de ses vibrations, battements et autre résonance finement restitués par l'accordéoniste. Les sonorités de Cold wind garden tirent vers l'orgue à bouche shô du Japon, aussi éruptives dans le grave qu'évanescentes dans le médium aigu. La pièce, dédiée à la mémoire de , s'inscrit dans le temps long et immersif de l'Orient. De , Lacrymosa (2001) est l'œuvre la plus courte et la plus ancienne de l'enregistrement, écrite pour tout instrument aérophone à clavier, précise le compositeur : musique d'ondes très simple et très pure, comme celle d'un générateur de son mais plus incarnée et plus vibrante sous le doigté sensible de et la féérie de son registre lumineux.

Incantation livresque et poétique du sonore se croisent et interfèrent de manière étonnante, au sein d'un espace ritualisant où Vincent Lhermet semble endosser le rôle du Shaman.

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