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À Genève, une Aïda à la sauce anglaise

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Genève. Grand Théâtre de Genève. 15-X-2019. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Aida, opéra en quatre actes sur un livret de Antonio Ghislanzoni. Mise en scène : Phelim McDermott. Décors : Tom Pye. Costumes : Kevin Pollard. Lumières : Simon Trottet. Chorégraphie : Basil Twist. Avec : Serena Farnocchia, Aida ; Najmiddin Mavlyanov, Radamès ; Maria Smirnova, Amneris ; Alexei Markov, Amonasro ; Liang Li, Ramfis ; Donald Thomson, Il Re ; Denzil Delaere, Un Messaggero ; Claire de Sévigné, Sacerdotessa. Chœur et Chœur complémentaire du Grand Théâtre de Genève (chef de chœur : Alan Woodbridge). Direction musicale : Antonino Fogliani

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Tiède réception du public à l'issue de cette Aïda de Giuseppe Verdi que la mise en scène de revisite dans un décor et des costumes hasardeux à mille lieues de toute réalité historique.

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A la sortie de l'opéra, les spectateurs reçoivent un petit opuscule édité par la Fondation Gandur pour l'Art. Une trentaine de pages richement illustrées qui nous apprend plus sur les personnages qui peuplent l'opéra de Verdi que dans le programme de la soirée, et plus encore que dans le spectacle lui-même. Parce qu'en effet, côté Égypte et ses pharaons, on se perd en conjectures quant aux sources inspiratrices du metteur en scène britannique . Les quelques égyptologues présents ont dû s'étouffer à la vue de cette Égypte de bazar. Même la pauvre Aïda, quand bien même elle est une esclave éthiopienne, n'aurait pas reconnu un seul de ses maîtres d'alors. Devant une pas tout à fait pyramide ni tout à fait obélisque, comment s'y retrouver avec un messager costumé comme un aviateur de ligne une cape de feuille d'or couvrant les épaules de son veston, des soldats ressemblant à une bande de Robocop ? Des prisonniers semblant revenir d'une journée de récolte de patates alors que Radamès arbore fièrement un pantalon des « bleus » de la Guerre 14-18 ? Un roi, chauve au crâne peint d'or, en toge blanche et ses gens du peuple coiffés de feutres à-la-Bogart complétant le tableau des protagonistes ? Jusqu'à cette prêtresse issue d'Alice au Pays des Merveilles, sous la robe de voiles rouges écarlate de laquelle s'extirpe un groupe d'acrobates de cirque plus incongrus qu'une troupe d'éléphants roses. Et les voici qui se dandinent, qui dansent lascivement autour de quatre cercueils de soldats tombés au combat avant de s'agripper les uns aux autres pour former l'arc de triomphe d'un Radamès rentrant victorieux de ses batailles. Du disparate, des pièces rapportées comme sorties de la boîte à jouets d'un enfant. Des personnages qu'il aurait ensuite alignés pour se raconter une histoire que lui seul comprendrait.

De pages en pages, le programme de la soirée s'épanche sur la signature de la Convention de Genève de 1949, sur les conflits du Moyen Orient, les massacres de civils, une bien pensance qui laissent imaginer que l'approche scénique de cette Aïda s'imprégnerait d'humanité. Au lieu de cela, sans direction d'acteurs, les enjeux de chacun restent confinés dans la convention la plus élémentaire.

Avec dans la fosse, l'Orchestre de la Suisse Romande appréciable dans les pianissimo de l'ouverture et dans l'accompagnement des chanteurs qui est dirigé de manière peu musicale dans les tutti par un pas très inspiré.

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Restent les chanteurs. Malheureusement, à l'exception du baryton (Amonasro), aucun des interprètes n'a le style requis pour l'interprétation verdienne. Dès son apparition, en trois notes, le baryton transforme l'ambiance scénique. La diction, l'intention du texte vous met immédiatement dans une authenticité du discours que les autres protagonistes ne sont pas parvenus à offrir jusque-là. Non pas qu'ils chantent mal, mais en se contentant d'exposer la mélodie, leur chant ne raconte rien. Ainsi le ténor (Radamès) quoique possédant toute la tessiture voulue, manque sensiblement de force, de projection vocale pour le rôle. S'il est très certainement un excellent Cavaradossi de Tosca un tel phrasé n'est aucunement convaincant pour le glorieux Radamès d'Aïda. A ses côtés, la soprano (Aida) dispense de superbement filés pianissimo mais restent-ils audibles au-delà de la première galerie ? La voix de la soprano manque délibérément d'autorité pour convaincre dans ce rôle. Peut-être que l'environnement de ses trop paisibles collègues l'a-t-elle gênée parce qu'elle s'est soudain révélée beaucoup plus investie dans la scène du Nil où l'évidence d' l'a projetée dans un magnifique duo. Leur « Ciel ! mio padre !… Rivedrai le foreste imbalsamate » reste l'un des plus beaux moments de cette soirée. Quant à la mezzo-soprano (Amneris), elle jouit d'un instrument impressionnant mais qui aurait besoin d'être canalisé dans une expressivité théâtrale plus aboutie. Avec sa puissance vocale, elle occupe le devant de la scène mais sans direction d'acteur elle devient bientôt une caricature malheureuse d'elle-même. Des autres protagonistes, on retiendra la grosse voix de la basse Liang Li (Ramfis) conférant lourdeur à son personnage, et le charme discret de celle de la soprano Claire de Sévigné (Sacerdotessa).

Crédit photographique : © Samuel Rubio / Grand Théâtre de Genève

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