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L’humour en musique selon Gerard Hoffnung

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Entre provocations et jeux d’esprit, entre malice et comique, entre pieds de nez et parodie, entre espièglerie et burlesque, les musiques anciennes jusqu’à celle du XXIe siècle s’agrémentent de traits d’humour parfois salvateurs, parfois hilarants, souvent étonnants. Pour accéder au dossier complet : L’humour en musique

 
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Dans la mémoire collective des mélomanes, Gerard Hoffnung occupe une place particulière, rendu célèbre par ses dessins humoristiques et pour plusieurs séries de concerts hilarants au Royal Festival hall de Londres au cours des années 50. Son style excentrique et décalé, respectueux toutefois envers la musique classique, en fait un phénomène unique dans le paysage artistique du XXᵉ siècle.

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Artiste atypique, Gerard Hoffnung est né à Berlin en 1925. A l'âge de 14 ans, il partit avec ses parents s'installer à Londres où il devint professeur de dessin à la Standford Scholl dès 1945. Son art de dessinateur se tourne alors vers la caricature en même temps qu'il se rapproche de la musique, comme producteur radiophonique et joueur de trombone confirmé, capable d'interpréter le concerto de Vaughan Williams. Ce qui reste de ce personnage étonnant est le fait d'avoir organisé dans la grande salle du Royal Festival de Londres plusieurs séries de concerts entre 1956 et 1958 présentant des œuvres classiques caricaturées de manière subtile, grâce à une pléiade de musiciens professionnels. Ces concerts, enregistrés et diffusés sous licence EMI furent repris au début des années 70 par Harmonia Mundi qui les immergea dans son catalogue classique, à la grande stupéfaction de la plupart des mélomanes. L'impact était de taille : dessins et musiques réunis en un même humour décapant et inédit.

Chaque dessin représente tour à tour ce qui caractérise le monde de la musique classique : un cinquantaine d'attitudes ciblées montrant un chef d'orchestre en situation de suivre une indication donnée par la partition depuis le plus petit « con delicatezza » jusqu'au « molto vigoroso » en passant par le « doloroso » ou le « giocoso » des plus sentimentaux. Il y a là quelques traits de génie que l'on retrouve un peu plus loin avec d'autres musiciens de l'orchestre jouant sur des instruments improbables, contrebasse piccolo ou autre tuba à cordes, bien sûr introuvables, sauf dans l'imagination d'Hoffnung. La qualité des caricatures, l'attitude de chaque musicien en fait un catalogue qui n'a pas d'équivalent. Poursuivant cet inventaire, quelques chanteurs à la grâce parfois aléatoire illustrent cocassement leurs tessitures et autres tics. Les pianistes et les violonistes ne sont pas en reste avec quelques trouvailles mémorables.

 

20191005_120706L'auditeur y passe, même, avec des attitudes calquées sur de petites portées musicales offrant un instantané subi ou amusé. Cette facette de l'art de Gerard Hoffnung serait finalement peu de chose, si ce personnage n'avait pas concrétisé cette première approche par quelques travaux pratiques, en organisant des concerts où ses délires pourraient prendre corps. Bien qu'Allemand de naissance, Hoffnung eut très vite acquit les clefs de l'humour anglais, décalées et suffisamment excentriques comme il se doit. Réunir dans une grande salle londonienne une phalange de musiciens confirmés fut à chaque fois un challenge que seul un public britannique pouvait soutenir à l'époque. Ainsi, proposer à un parterre curieux d'œuvres du répertoire classique revisitées ici de manière géniale et réécrites en quelque sorte pour la circonstance sous une toute autre forme relevait de rêves dignes d'Alice au pays des merveilles. Un véritable festival dans tous les sens du terme.

Certaines de ces pièces sont restées célèbres et font partie depuis longtemps d'incontournables plaisanteries musicales de notre temps. L'ouverture Léonore n°4 de Beethoven est un exemple extraordinaire de ces transformations géniales, qui passeraient presque devant les originaux tant elles marquent les esprits. Une fameuse fanfare en coulisse ne cesse d'intervenir à plusieurs reprises avant l'heure, mais au tout premier rang, jusqu'à ce qu'arrive enfin le moment adéquat où on l'attend vraiment à l'arrière plan, et là… silence radio ! Autant de gags huilés et faisant mouche à chaque fois. Preuves en sont les rires fournis de l'assistance qui aident à la reconstitution visuelle de ces instants assez uniques. Autre exemple célèbre avec le deuxième mouvement de la Symphonie n° 94 « la surprise » de arrangé par Donald Swann. L'orchestre débute le thème pianissimo jusqu'au célèbre accord forte qui réveille l'auditoire. Ici, l'effet est décuplé et accompagné de bruits nombreux et variés, d'instruments qui tombent et de percussions qui s'affolent. Par la suite, une phrase aiguë des premiers violons jouée un ton trop haut déclenche l'hilarité de la salle. Le chef fait reprendre sans succès les violons toujours trop haut, ce qui lui donne l'idée aussitôt de faire jouer ce passage un ton de plus à l'ensemble de l'orchestre, hélas les pauvres premiers violons se décalent encore un ton plus haut, créant un surenchère dans les rangs de l'orchestre et des spectateurs. Ailleurs il présente un concerto pour tuyau d'arrosage et orchestre soit disant de Leopold Mozart où le corniste Dennis Brain branche un entonnoir à un simple tube en plastique relié à une embouchure de cor, ou encore ce Concerto popolare pour piano « pour achever tous les autres » de Franz Rezinstein qui débute comme celui de Tchaïkovski mais où le pianiste attaque à son entrée avec celui de Grieg. Un choc que les musiciens vont encaisser peu à peu pour faire sur le champ un mixage des deux œuvres et même introduire d'autres concerti du répertoire en guise de sauvetage. Tout cela, en improvisation apparente, est évidemment soigneusement et méticuleusement préparé à l'avance, mais l'illusion est totale tant les musiciens semblent détendus et aguerris à tout éventualité : du grand art !

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Pour de telles réussites, Gerard Hoffnung avait demandé à plusieurs compositeurs de son temps une collaboration étroite. Herbert Hoover, ou furent de l'équipe pour monter des programmes ambitieux et de grande classe. Lors de ces concerts, l'orgue installé dans cette grande salle prit part à la fête. Une trace mémorable demeure celle de L'orage de Jacques Lemmens, pièce de caractère symphonique à l'image de la Symphonie pastorale de Beethoven. Après un terrible orage retentissant de fusées d'éclairs et de tonnerres assourdissants, vient enfin l'accalmie sur jeux doux ondulants de voix célestes quand intervient, imprévu, un rossignol à eau qui déclenche un immense éclat de rire général de l'auditoire, plus fort encore que l'orage qui avait précédé.

Hoffnung fut un personnage de légende au point que ses excentricités les plus extrêmes pouvaient paraitre crédibles, étant finalement le seul à en pouvoir imaginer de telles. Il revendiquait une grande expressivité dans son art de dessinateur ou de musicien, sans pouvoir rien y faire d'autre, encore un trait d'humour très britannique. Il est le reflet d'une espèce d'exagération surréaliste, comme d'autres l'ont développé plus tard, on pense à (1929-2017), lui aussi graphiste et compositeur.

Malheureusement Gerard Hoffnung mourut prématurément en 1959 à l'âge de 34 ans.
Sa veuve Annetta a perpétué son travail et son œuvre au sein de la maison Hoffnung apparentée à un salon littéraire. De nombreux concerts ont été organisés par la suite dans l'esprit de leur concepteur. Les recueils de dessins ainsi que les fameux concerts du Royal Festival hall de Londres sont encore accessibles, ce qui permet de connaitre plus profondément ce qui apparait aujourd'hui comme un phénomène unique au XX siècle. De nos jours, on pense aux grands rassemblements propres à cet esprit outre-Manche comme les Proms réunis au Royal Albert Hall, ou l'humour et la démesure sont rarement absents des concerts festifs qui y sont proposés.

Crédits photographiques : © Editions Jean-Claude Lattès et Harmonia Mundi

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