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Guillaume Tell à Lyon, la musique au combat

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Lyon. Opéra de Lyon. 05-X-2019. Gioachino Rossini (1792-1868) : Guillaume Tell, opéra en 4 actes sur un livret de Victor Joseph Etienne de Jouy et Hippolyte Louis Florent Bis, d’après la pièce de Friedrich von Schiller. Mise en scène : Tobias Kratzer. Décors et costumes : Rainer Sellmaier. Lumières : Reinhard Traub. Chorégraphie : Demis Volpi. Avec : Nicola Alaimo, Guillaume Tell ; Arnold, John Osborn ; Jane Archibald, Mathilde ; Jean Teitgen, Gesler ; Enkelejda Shkoza, Hedwige ; Jennifer Courcier, Jemmy ; Tomislav Lavoie, Melcthal ; Grégoire Mour, Rodolphe ; Patrick Bolleire, Walter Furst ; Philippe Talbot, Ruodi ; Antoine Saint-Espes, Leuthold ; Kwang Soun Kim, un chasseur. Chœur de l’Opéra de Lyon (chef de chœur : Johannes Knecht). Orchestre de l’Opéra de Lyon, direction : Daniele Rustioni

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Parés de leurs armes construites à la va-vite en détruisant des instruments de musique, les Suisses sortent victorieux de ce Guillaume Tell grâce à leur meilleur allié : à la tête d'un orchestre de l'Opéra de Lyon flamboyant.

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Dès 1829, le dernier opéra de Rossini, déjà annoncé comme tel à l'époque, remporta plus un succès d'estime qu'une véritable effervescence du public comme des institutions qui l'accueillirent dans leur théâtre. Guillaume Tell subit coupes sur coupes et demeura malgré tout au répertoire de l'Opéra jusqu'en 1932. Depuis, l'opéra se fait rare, le plus souvent chanté en italien qu'en français, et encore le plus souvent entaillé. C'est la version dans la langue de qu'a choisi l'Opéra de Lyon pour sa première production lyrique de la saison.

La rareté de cet opéra très politique, modèle du grand opéra nouveau-né, se justifie par sa durée (4h30 dans son intégralité) et par la performance vocale nécessitant une distribution solide et aguerrie. Pour répondre à la première difficulté, le chef et le metteur en scène choisissent d'effectuer un peu de coupures, mais rien de déterminant afin de maintenir la proportion de l'œuvre en 3h30 de musique. De cette manière, les spectateurs peuvent apprécier la qualité de la chorégraphie de Demis Volpi qui exalte pleinement la grâce de la partition, interprétée par les danseurs professionnels de l'Opéra durant les ballets de l'ouvrage. Ils retrouvent aussi le trio et la prière d'Hedwige au quatrième acte, cette réinsertion étant même l'une des originalités de cette production.

Pour répondre à la deuxième difficulté soulevée, la distribution vocale tient toutes ses promesses. Chaque protagoniste maintient tout au long de la représentation une qualité de la déclamation de la langue française, particulièrement dans les récitatifs. L'effet est tonitruant avec le chant magistral de (Ruodi) qui ouvre la soirée. Dans le rôle-titre, est devenu une référence, hier aux Chorégies, ce soir acclamé à juste titre avec le célèbre « Sois immobile ». Le baryton donne à ce rôle toute la complexité nécessaire, entre la bravoure d'un chef et la douceur d'un père. Ses limites perçues quelquefois en haut de la tessiture font écho au positionnement que lui donne cette mise en scène : au lieu d'un leader emblématique, c'est à une simple incarnation du peuple à laquelle on a à faire, la stature du personnage devenant moindre pour laisser la place à un autre personnage central.

A ses côtés, Enkelejda Shkosa est également familière du rôle de l'épouse Hedwige, la mezzo ne déméritant ni par sa projection sereine, ni par la majestuosité de son legato. Mais des deux héroïnes constamment présentes sur scène, c'est la candeur de la soprano qui se distingue particulièrement. D'abord parce qu'elle accompagne la petite tête blonde dont elle est la voix, le très jeune acteur incarnant le fils de Guillaume Tell se révélant particulièrement touchant par la maîtrise de son jeu tout comme par sa jeunesse évidente. Ensuite parce que sa voix légère et flexible dénote dans cet univers pesant par sa violence.

Le plateau est complété par les belles couleurs vocales du soprano de (Mathilde) dont la ligne de chant est irrésistiblement teintée de lyrisme mélancolique dans sa romance au début du deuxième acte, et de la virtuosité toute napolitaine de son second air ; et d'un autre habitué en la personne de , ténor idéal pour les aigus affolants du rôle d'Arnold, menés avec une élégance et un charisme savoureux. Tous sont portés par l'énergie exaltante de la fosse où les contrastes des dynamiques et la clarté des textures sont le maître-mot de la lecture de , dont seul l'équilibre avec le plateau et un tantinet malmené. L'excellence des cordes tout comme celle des solistes de l'orchestre rivalise avec un chœur « maison » ne manquant ni de mordant, ni de caractère. Cette lecture de haut voltige suscite une adhésion pleine et entière.

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C'est ce chœur que choisit de mettre en avant au point d'en faire le personnage principal dans sa vision de l'œuvre, tout en laissant beaucoup de place à la musique de Rossini. Tout dans sa démarche n'est qu'abstraction et suggestion afin de modeler un discours qui se veut intemporel. La perpétuelle ironie du metteur en scène se perçoit dans les costumes et les attitudes des Habsbourg, fortement inspirés par le gang du film de Stanley Kubrick, Orange Mécanique, tout comme la violence exacerbée : Melchtal () se faisant arracher l'oreille et crever les yeux sur le devant de la scène. Cette conception, marquée par un décor sommaire et une esthétique en noir et blanc, peut facilement amener à une distanciation qu'on pourrait lui reprocher. C'est sans compter la verve du peuple suisse qui est armé de haches, de boucliers et d'arbalètes, tous construits « à vue » avec des instruments de musique (bois, cordes et cuivres) initialement détruits sous nos yeux : la violence toujours.

Crédits photographiques : © Opéra de Lyon

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Lyon. Opéra de Lyon. 05-X-2019. Gioachino Rossini (1792-1868) : Guillaume Tell, opéra en 4 actes sur un livret de Victor Joseph Etienne de Jouy et Hippolyte Louis Florent Bis, d’après la pièce de Friedrich von Schiller. Mise en scène : Tobias Kratzer. Décors et costumes : Rainer Sellmaier. Lumières : Reinhard Traub. Chorégraphie : Demis Volpi. Avec : Nicola Alaimo, Guillaume Tell ; Arnold, John Osborn ; Jane Archibald, Mathilde ; Jean Teitgen, Gesler ; Enkelejda Shkoza, Hedwige ; Jennifer Courcier, Jemmy ; Tomislav Lavoie, Melcthal ; Grégoire Mour, Rodolphe ; Patrick Bolleire, Walter Furst ; Philippe Talbot, Ruodi ; Antoine Saint-Espes, Leuthold ; Kwang Soun Kim, un chasseur. Chœur de l’Opéra de Lyon (chef de chœur : Johannes Knecht). Orchestre de l’Opéra de Lyon, direction : Daniele Rustioni

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