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Luxembourg. Philharmonie. 2-X-2019. Maurice Ravel (1875-1937) : Concerto en sol pour piano et orchestre. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Roméo et Juliette, musique de ballet (extraits). Hélène Grimaud, piano ; MusicaEterna, direction : Teodor Currentzis
Le concerto en sol de Ravel passionne, les extraits du Roméo et Juliette de Prokofiev un peu moins.
Malade et remplacé à Stuttgart, voilà Teodor Currentzis rétabli à Luxembourg, et avec son propre orchestre. Cette fois, ce sont deux œuvres des années 1930 qui sont au programme.
Le Concerto en sol réussit bien à ces deux explorateurs que sont Hélène Grimaud et Teodor Currentzis. Il faut, c'est certain, suspendre un temps ses habitudes d'écoute pour apprécier leur proposition : les déhanchements jazz, les éclats de couleur à l'orchestre, l'atmosphère « gaie et brillante » que Ravel y décrivait ne sont pas à l'ordre du jour, et les ravéliens les plus révérencieux n'y trouveront pas leur compte. L'orchestre paraît même presque en retrait, avec des sonorités comme dépolies ; c'est le piano qui est au premier plan, et ce que propose Hélène Grimaud est sensationnel, pas seulement par l'époustouflante maîtrise technique dont elle fait montre. Le dernier mouvement pétille autant qu'il le faut, mais la poésie des deux premiers, expressive sans une once de sentimentalité, d'une simplicité de ton radicale, témoigne avec force de ce que la technique peut quand elle a l'humilité de se mettre au service de la musique. Si ce concert était un disque, il faudrait le déconseiller à ceux qui veulent découvrir l'œuvre, mais il est bien heureux que de telles interprétations existent à côté des approches plus classiques.
Après cette courte première partie, Currentzis présente une longue suite d'extraits du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev, non pas des suites préexistantes, mais une sélection personnelle qui n'est pas sans poser problème. Elle commence certes par l'introduction de l'acte I pour se finir par la mort des héros, mais elle construit un parcours personnel qui ne suit pas le ballet original et privilégie trop souvent les passages les plus extérieurs de la partition. On peut compter sur Currentzis, et sur son orchestre qui n'a que peu d'égaux dans la précision, la cohésion d'ensemble et l'engagement de ses membres, pour donner au combat de l'acte I toute la théâtralité nécessaire, mais ils y ajoutent une noirceur fiévreuse qui lui donne un relief particulièrement marquant. La danse avec mandoline de l'acte II est un grand moment d'humour musical, les différents moments de réjouissance populaire ont un allant irrésistible. Certes.
Et pourtant une frustration finit par s'installer : tant de brio, tant de fièvre, ce surinvestissement du moindre accent de la partition peuvent se comprendre sur la durée d'un bis récapitulant toutes les qualités des musiciens, mais près d'une heure de musique à ce régime ne sont pas une bonne idée, d'autant que Currentzis dirige constamment dans les extrêmes de la dynamique ; même les passages plus doux, du reste, auraient mérité une respiration un peu plus ample.
Crédit photographiques © Sébastien Grébille
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