Evgeny Kissin et Robert Trevino pour la première fois à la Philharmonie
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Paris. Philharmonie de Paris. 18-IX-2019. Robert Schumann (1810-1846) : Genoveva, Ouverture. Franz Liszt (1811-1886) : Concerto pour piano n°2 en la majeur, S.125. Evgeny Kissin, piano. Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°11 en sol majeur op. 103 « L’année 1905 ». Orchestre de Paris, direction : Robert Trevino
Pour sa prise de baguette devant l'Orchestre de Paris, le chef américain Robert Trevino dirige dans la masse l'Ouverture de Genoveva de Robert Schumann et la Symphonie n° 11 « L'Année 1905 » de Chostakovitch autour d'un Concerto pour piano n° 2 de Liszt dépassionné sous les doigts d'Evgeny Kissin.
Alors qu'il s'apprête à exécuter l'Ouverture de Genoveva, l'Orchestre de Paris présente déjà cinquante cordes, là où beaucoup de chefs n'oseraient plus aujourd'hui exposer qu'au maximum une quarantaine d'entre elles. Et pour cause, Robert Trevino débute dans la touffeur de l'orchestre pour épaissir au fur et à mesure la pièce au lieu de l'alléger et de la faire briller dans sa coda.
Il maintient le même effectif pour un Concerto pour piano n° 2 de Franz Liszt pour lequel le compositeur taille la part belle à l'orchestre, alors qu'il est dans la période d'écriture de ses poèmes symphoniques et de sa Faust Symphonie. L'accompagnement ne cherche ici jamais à prendre le dessus, mais limite toute effusion par un bloc compact, toujours sur un seul plan, tant sonore que dynamique. Les six sections de l'ouvrage sont donc agglomérées sans drame ni ferveur, avec des cordes savonneuses autant que grasses. Evgeny Kissin entre pour la première fois à la Philharmonie de Paris et bénéficie d'un accueil particulièrement chaleureux au milieu d'une salle remplie deux soirs de suite, bien qu'il y livre l'une des prestations les moins passionnées. Car lui non plus ne recherche ni effusion ni frénésie dans cette partie qu'il maîtrise avec une agilité déconcertante. Sans bataille des mains, la tête ne souhaite pas non plus combattre le moindre sentiment, et c'est de manière brute, sans même s'attacher à laisser la primeur au splendide solo de violoncelle d'Éric Picard, qu'il traite toute son interprétation. Les applaudissements nourris le rendent généreux avec trois bis, d'abord en restant chez Liszt avec un Rêve d'amour bien peu sensible, puis une Valse posthume de Chopin sans magie et une Valse opus 39 n°15 de Brahms du même acabit.
Robert Trevino revient ensuite devant un orchestre encore plus épais pour interpréter la Symphonie n° 11 « L'année 1905 » de Dimitri Chostakovitch. L'adagio introductif, La Place du Palais, installe dans la lenteur un climat ténu, maintenu du début à la fin de l'œuvre sans que l'on sache s'il est vraiment inspiré par le chef, ou juste adapté a minima à la lenteur des cordes, comme on pourrait jouer l'Adagio de Barber. Le chef qui a gagné le Concours Svetlanov en 2010 rappelle étonnamment de dos la carrure massive du mentor, de sa large nuque à sa crinière noire, plus tard passée au gris. Mais à l'inverse du génie russe, Trevino n'a pas subi la période sombre de l'URSS et il n'a jamais dans cette oeuvre à exprimer autre chose qu'une lecture primaire mesure après mesure, avec un ensemble dont ressort l'excellent timbalier, la petite harmonie et les trombones, la deuxième trompette nous intéressant plus que les soli de la première. Le forte permanent limite toute nuance et maintient à nouveau toute la partition sur un seul plan sonore, sans aucune tension révolutionnaire lors des fusillades et massacres du 9 Janvier, ni angoisse lors des parties intimistes. Le Tocsin démontre certes une très bonne maîtrise des masses, surtout pour une première prise en main de la formation parisienne, mais à l'encontre de toute dimension littéraire ou ardente de l'œuvre, même lorsque les cloches, superbes mais trop claires, n'en finissent plus de résonner pour clore la symphonie.
Crédits photographiques : © M. Benguigui
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Paris. Philharmonie de Paris. 18-IX-2019. Robert Schumann (1810-1846) : Genoveva, Ouverture. Franz Liszt (1811-1886) : Concerto pour piano n°2 en la majeur, S.125. Evgeny Kissin, piano. Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°11 en sol majeur op. 103 « L’année 1905 ». Orchestre de Paris, direction : Robert Trevino
Il faut décidément être savoyard (ou suisse) pour bien préparer la fondue.
Il ne faut pas forcément être russe pour bien interpréter Chostakovitch. Certes, les versions discographiques des chefs d’orchestres et solistes ayant connu Chostakovitch et traversé avec lui à la fois les horreurs du nazisme et du stalinisme sont irremplaçables et ont valeur de document historique: Mravinski, Kondrachine, Oistrakh,Rojdestvensky , Rostropovitch, , etc…regardez le formidable enregistrement de la 10e symphonie par Karajan avec les Berliner philharmoniker, que Chostakovitch lui même considérait comme le meilleur, ou la rageuse 14e symphonie dirigée en public à Aldeburgh en première occidentale par Benjamin Britten, ami de Chostakovitch et dédicataire de l’oeuvre, avec l’English chamber orchestra et Galina Vichnevskaya. On trouve aussi de nombreuses versions extraordinaires dans la première intégrale des symphonies réalisée hors URSS sous la direction de Bernard Haitink: encore une 14e très tragique avec Dietrich Fischer Dieskau et une torrentielle 13e symphonie « Baby Yar » inégalée à ce jour. La filiation avec Mahler y est plus mise en évidence, ce qui est juste.