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Une théorie du « musiquer » par Christopher Small

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Christopher Small (1927-2011) : Musiquer. Traduit de l’anglais par Jedediah Sklower. La Rue Musicale – Philharmonie de Paris. 441 p. 16,90 €. Avril 2019

 
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Performance, langage des gestes, rituel : autant de termes phares autour desquels se focalise le propos de Christopher Small pour définir et théoriser le concept du « Musiquer », dans un ouvrage de 1998 qui vient d’être traduit en français.

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« Musicking », participe présent ou gérondif du verbe anglais to music, est, comme sa traduction française « Musiquer », un néologisme adopté par Christopher Small, qu’on ne doit pas confondre avec l’expression « faire de la musique ». Pour Small, la musique n’existe que dans l’instant et le lieu de sa performance ; encore faut-il entendre le mot performance dans son acception anglaise, désignant tout à la fois l’action de jouer (ou de chanter, de danser…) et l’ensemble des relations tissées par cette action même avec les participants. « Musiquer » n’est donc pas un terme qui prend en compte la qualité du jeu de l’interprète, sa fidélité au texte et à l’époque où il est écrit, choses d’ailleurs carrément dédaignées par ce porte-parole de la contre-culture des années 1960.

« Musiquer » doit être une expérience collective, qui permette à chacun de tisser des relations au monde. Aussi Small scrute-t-il avec un œil critique « le monde de la musique concertante (entendez symphonique) occidentale », ses lieux de concert, sa politique de programmation (« un monde musical mercantile et non participatif »), la place du chef d’orchestre, la sacralisation de la chose écrite, autant de situations, on l’aura compris, qui risquent de mettre en péril le « musiquer ».

L’auteur plaide davantage pour une expérience musicale où la pratique de l’improvisation, la liberté de l’interprétation et l’action participative (dans les musiques du monde notamment qu’il connait bien) autorisent cette rencontre humaine qu’il appelle de ses vœux. « Toute performance, y compris le concert symphonique, devrait en dernière instance être jugé en fonction de sa capacité à créer un ensemble de relations conformes aux idéaux des participants et à permettre à ceux-ci de les éprouver », explique-t-il. « Musiquer » est un acte social (voire politique), poursuit-il, où le langage des gestes relève du collectif, autrement dit du rituel. Le terme fait l’objet d’une analyse plus poussée, en relation avec le mythe, dans l’un des trois Interludes (La mère de tous les arts) intégrés à la quinzaine de chapitres envisagés. « Musiquer » enfin, est un outil d’exploration, d’affirmation et de célébration, une affaire sérieuse, insiste-t-il, à travers laquelle nous nous construisons. On ne saurait trop adhérer à cette « charte artistique » baignée d’utopie, même si le propos de Small semble bien souvent un peu daté. La situation décrite par l’auteur en 1998, concernant « le monde de la musique concertante occidentale » notamment, a bel et bien évolué, grâce notamment aux actions et concerts participatifs menés au sein des ensembles et orchestres, où enfants, parents, amateurs et mélomanes peuvent aujourd’hui « musiquer » et ressentir, espérons-le, à travers la performance, cette force secrète qui tout à la fois les relie au monde et conforte leur identité.

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