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La Côte-Saint-André. Église Saint-André. 28-VIII-2019. Charles Gounod (1818-1893) : L’absent. Claude Debussy (1862-1918) : La Flûte de Pan ; La Chevelure. Karol Beffa (né en 1973) : Six mélodies ; Improvisations. Reynaldo Hahn (1874-1947) : À Chloris. Albane Carrère, mezzo-soprano ; Karol Beffa, piano
Cour du Château Louis XI. 28-VIII-2019. Hector Berlioz (1803-1869) : Roméo et Juliette, symphonie dramatique. Yulia Matochkina, mezzo-soprano ; Alexander Mikhailkov, ténor ; Mikhail Petrenko, basse. Orchestre et Chœur du Théâtre Mariinsky, direction : Valery Gergiev
Église Saint-André. 29-VIII-2019. Jean-Pierre Drouet (né en 1935) : Où danse le vent ? Hector Berlioz : Symphonie fantastique. Quatuor Aeolina, accordéons
Cour du Château Louis XI. 29-VIII-2019. Hector Berlioz : Benvenuto Cellini, opéra en deux actes sur un livret de Léon de Wailly et Auguste Barbier. Chorégraphie : Noa Naamat. Costumes : Sarah Denise Cordery. Rick Fischer, lumières. Avec : Michael Spyres, Benvenuto Cellini ; Sophia Burgos, Teresa ; Maurizio Muraro, Balducci ; Lionel Lhote, Fieramosca ; Tareq Nazmi, Le Pape Clément VII ; Adèle Charvet, Ascanio ; Vincent Delhoume, Francesco ; Ashley Riches, Bernardino ; Peter Davoren, le Cabaretier ; Alex Ashworth, Pompeo. Duncan Meadows (comédien), Persée. Monteverdi Choir et Orchestre Révolutionnaire et Romantique, direction : John Eliot Gardiner
En 2019, La Côte a des allures de Colline verte. Ici comme là-bas, dans une rue, un musée, derrière un Cheval de Troie grandeur nature ou une taverne, on croise tout à loisir des artistes comme Gergiev, Gardiner ou Michael Spyres venus servir la cause du grand compositeur.
La virtuosité de Roméo et Juliette
Pour la « Symphonie dramatique » de Berlioz, que Valery Gergiev enregistra avec le LSO, Bruno Messina a invité le chef avec son Orchestre du Mariinski. Un ensemble impressionnant de cohésion, ainsi qu'on peut s'en rendre compte dès le tempo fiévreux de l'introduction. Le Prologue en impose, avec le français irréprochable d'un chœur attentif à la moindre consonne et le velours de la mezzo Yulia Matochkina. Même assurance chez le ténor Alexander Mikhailkov, même s'il trébuche sur « l'écuroille » de l'impossible Scherzetto de Mab. Le Bal, avec des percussions sûres de leur effet, est étourdissant, suivi par des « Ohé Capulet bonsoir, bonsoir », dont la lisibilité en remontrerait à plus d'un enregistrement de référence. Tant de virtuosité achoppe cependant sur une Scène d'amour quelque peu privée de son climax, mais fait à nouveau merveille dans le Scherzo, dont les dissonances sont d'un modernisme sidérant. Le Finale, si difficile en terme d'équilibre et de graduation, ne produit pas tout à fait l'effet attendu, la faute à la prestation un peu erratique d'un Mikhail Petrenko démonstratif mais surtout à la gestion de l'ultime péroraison : la partition se conclut assez brutalement, comme à la surprise du chef lui-même, dont le geste paraît inachevé.
La revanche de Benvenuto Cellini
Comme le rappelle Bruno Messina, le premier opéra de Berlioz est celui qui lui a fermé pour toujours les portes de l'Opéra de Paris. La capitale saigne aujourd'hui encore de la violence de cette scène originelle. Les stigmates des dernières productions parisiennes en font foi : les Troyens amputés jusqu'à l'os, Béatrice et Bénédict snobé par une mise en espace (la remarquable démonstration du Français Laurent Pelly pour Glyndebourne faisait pourtant plus que l'affaire).
Berlioz a dû remanier Benvenuto Cellini à chacune des quatorze représentations données de son vivant : à Paris en 1838, à Weimar en 1852 (où ses amis Lizst et Von Bülow l'ont quasiment fait à sa place), à Londres en 1853. Nonobstant les doutes que l'on puisse encore avoir quant au deuxième acte, il apparaît que Benvenuto, vrai casse-tête pour les chefs, les metteurs en scène, et même les berlioziens égarés entre les versions, était, à quelques détails près, génial dès le départ, ainsi que le prouve l'interprétation qu'en donne John Eliot Gardiner, la première sur instruments d'époque. Trois ans seulement après la version Roth : pour Benvenuto, une des œuvres les plus mal-aimées de Berlioz, il fallait enfoncer le clou.
Chef et cordes aiguës donnent l'Ouverture debout. Les protagonistes envahissent ensuite le plateau au grè d'une dramaturgie excellemment « chorégraphiée » par Noa Naamat, jusqu'à l'apparition finale d'un véritable Persée (plus chaste que l'original). S'appuyant sur la version originale dite Paris I, sans les dialogues parlés que des Anglais « bien intentionnés » (dont Colin Davis, hélas) avaient cru bon d'écrire pour une reprise londonienne dans l'esprit opéra-comique originel, Gardiner n'a de cesse de démontrer, avec son Orchestre révolutionnaire et romantique, que la complexité de Benvenuto était tout simplement en avance sur temps. L'inspiration, les trouvailles et le bouillonnement créatif de la partition contredisent ceux qui, un peu légèrement, relèguent Benvenuto derrière Troyens, Béatrice et Damnation.
La distribution est quasi-idéale. Par cœur pour tous. Dans les rôles secondaires brille le Bernardino d'Ashley Riches, un spectacle à lui seul, mais aussi le Francesco de Vincent Delhoume, le Cabaretier de Peter Davoren, le Pompeo d'Alex Ashworth. Adèle Charvet impose un Ascanio d'un bel ambitus vocal. Le Pape Clément de Tareq Nazmi, bien égratigné par la mise en scène qui en fait un prélat tiré d'une sieste qu'on dirait perpétuelle, est solidement campé. Maurizio Muraro ressuscite à bien des égards le souvenir de Jules Bastin qui fut un Balducci marquant. Lionel Lhote croque un Fieramosca grandiose, hilarant, toujours compréhensible. Le rôle de Teresa n'est pas des plus faciles : Sophia Burgos, pour qui Gardiner remplace la sérieuse Romance par la délicieuse Cavatine, dessine une Teresa légère et gracieuse de ligne, mais floue de diction, un peu dépassée dans les ensembles. Quant à Michael Spyres, il perce la surface d'un personnage trop souvent hâbleur de sa prégnante humanité. Il est Benvenuto comme il fut Faust naguère à la même place. L'élégance du français, l'évidence de l'endurance, la grande beauté du timbre, en font l'interprète idéal du héros berliozien type. Le Monteverdi Choir, des plus gâtés par la partition, confond par son aisance comme par sa puissance.
Albane, Karol, et Aeolina
On ne saurait manquer non plus, à La Côte, les concerts de 17 heures à l'Église Saint-André. Le 28 août, c'est la merveilleuse Albane Carrère, accompagnée par Karol Beffa qui, de Gounod à Hahn, décline la descendance mélodiste française de Berlioz, jusqu'à… Karol Beffa lui-même, dont les Six mélodies sautent avec bonheur à pieds joints par-dessus Darmstadt. Le public est invité par le pianiste à proposer des thèmes d'improvisation : on passe entre autres du Spectre de la rose à une Isolde et Mélisande (cette dernière se voyant quelque peu écrasée par sa consœur allemande), et à une bouleversante Passacaille de Bach… Le concert se clôt sur le bis d'une reprise judicieuse d'À Chloris de Reynaldo Hahn, le genre de pièce dont l'on frémit à l'idée que l'on aurait pu mourir avant d'avoir connu un pareil bijou !
Le lendemain nous convie à l'intrigante mise en condition d'Où danse le vent de Jean-Pierre Drouet, préalable à une ahurissante version (Thibault Trosset) de la Fantastique par les accordéons du Quatuor Aeolina (aeolina était le premier nom de cet instrument soumis aux effets du dieu des vents). Tout y est : les trémolos, les timbales, et même les cloches. « On peut tout jouer avec l'accordéon », disait Yvette Horner. D'autant plus avec quatre !
Même si l'An II des célébrations autour de Berlioz fête les 150 ans de sa disparition, c'est assurément la vie qui l'emporte dans sa ville natale, où se retrouvent aujourd'hui,autour du compositeur français, berlioziens (et « berliozistes ») venus du monde entier grâce au « travail de Troyen » de Bruno Messina.
Crédits photographiques : © Bruno Moussier
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Cour du Château Louis XI. 29-VIII-2019. Hector Berlioz : Benvenuto Cellini, opéra en deux actes sur un livret de Léon de Wailly et Auguste Barbier. Chorégraphie : Noa Naamat. Costumes : Sarah Denise Cordery. Rick Fischer, lumières. Avec : Michael Spyres, Benvenuto Cellini ; Sophia Burgos, Teresa ; Maurizio Muraro, Balducci ; Lionel Lhote, Fieramosca ; Tareq Nazmi, Le Pape Clément VII ; Adèle Charvet, Ascanio ; Vincent Delhoume, Francesco ; Ashley Riches, Bernardino ; Peter Davoren, le Cabaretier ; Alex Ashworth, Pompeo. Duncan Meadows (comédien), Persée. Monteverdi Choir et Orchestre Révolutionnaire et Romantique, direction : John Eliot Gardiner
Dans son admirable « Berlioz », Henry Barraud, dans son impartiale analyse de la version originelle, conclut à son prophétisme et condamne sans ambages celle de 1852 dite « de Weimar » par laquelle Liszt, avec l’assentiment d’un Berlioz autodestructeur, réputé « sauveur » de l’œuvre, n’a fait que massacrer un opéra incroyablement en avance sur son temps (comme tant d’œuvre du plus grand – et quasi SEUL ! – compositeur romantique français) et qui annonce « Les Maîtres chanteurs » de Wagner (ne jamais oublier qu’à l’origine, l’œuvre était initialement destinée à l’Opéra-comique) !!! C’est la version dite « de Paris », tombée le 10 septembre 1838, qui DEVRAIT s’imposer !!!
On ne comprend pas … on ne comprend absolument pas que, depuis 180 ans, aux SEULES exception de l’Ouverture et PLUS ENCORE celle, FLAMBOYANTE dite « du Carnaval Romain » (la scène proprement dite, une des plus difficiles à mettre en place, et qui causa sans doute la chute de l’ouvrage, me fait irrésistiblement penser à celle décrite par Alexandre Dumas dans son « Comte de Monte Cristo » !), JUSTICE n’ait toujours pas été rendue à ce chef d’œuvre des chefs d’œuvres auprès duquel maints autres opéras auraient dû depuis longtemps être jetés à la poubelle des souvenirs !!! « Benvenuto Cellini », c’est le Berlioz, « héros romantique », au sommet de son art des années ’30 … En dépit de leurs beautés intrinsèques, le classicisme des « Troyens … la « nostalgie » de Béatrice et Benedict ne le rejoindront pas !!!