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Essen. PACT Zollverein. 30-VIII-2019. Bacchae – Prelude to a Purge. Chorégraphie : Marlene Monteiro Freitas. Décor et lumières : Yannick Fouassier. Avec : Andreas Merk, Betty Tchomanga, Cookie, Cláudio Silva, Flora Détraz, Gonçalo Marques, Guillaume Gardey de Soos, Johannes Krieger, Lander Patrick, Marlene Monteiro Freitas, Miguel Filipe, Tomás Moital, Yaw Tembe
Les Bacchantes sont au cœur d'une pièce ambitieuse mais inutilement étirée.
Les Bacchantes, la pièce d'Euripide que les mélomanes connaissent au moins par Les Bassarides de Henze est à l'origine de la pièce de Marlene Monteiro Freitas, créée en 2017 à Lisbonne et donnée ici au PACT Zollverein, un des pôles centraux de la danse contemporaine dans la Ruhr. Elle en a retenu avant tout la transe des Bacchantes prises par l'ivresse dionysiaque : le plaisir, l'effacement des limites, la découverte de sensations nouvelles y ont une part essentielle, et la chorégraphe mobilise avec gourmandise et humour le vocabulaire de la fête contemporaine, y compris avec la musique offerte par cinq trompettistes étroitement intégrés dans le spectacle. Mais, même si elle s'y complaît parfois un peu trop longtemps, la pièce n'est pas une utopie sixties nourrie aux substances hallucinogènes : dès le début de la pièce, les maquillages et les costumes sont trop outrés pour ne pas dégager un certain malaise, et l'officiant du culte dionysiaque, en chanteur de charme un peu passé, n'inspire pas la confiance et l'abandon.
Le spectacle est habile : tout en mettant en évidence la face sombre de l'injonction contemporaine au plaisir, il ne renonce pas à tout ce qui peut divertir le spectateur : de saynète en saynète, le rythme est soutenu, l'inventivité constante – le principal accessoire scénique est une série de pupitres à partitions, jamais utilisés comme tels, mais transformés en fusils de chasse, en rames, en canes, et même utilisés pour des usages que la bienséance nous défend de nommer ici. La musique elle-même, qui n'est pas sans rappeler les fanfares joyeuses d'un carnaval au début de la pièce, se perd en un solo torturé, en des sons qui n'ont plus la sûreté d'une courbe mélodique. Une vidéo montre un accouchement, mais c'est la mort de Didon dans l'opéra de Purcell qui est diffusée à ce moment : les signes qui défont l'exubérance entraînante de beaucoup de passages ne manquent pas. Prélude à une purge, tel est le sous-titre de la pièce : une purge, c'est dans le vocabulaire de la médecine ancienne une purification, mais le mot a des sens plus douloureux et plus violents, et la pièce d'Euridipe s'achève par le châtiment implacable de ceux qui n'ont pas su honorer Dionysos. Les corps eux-mêmes n'expriment guère le plaisir, tout au plus sa quête, et ils expriment encore moins la communauté : pendant une bonne partie de la pièce, chacun est seul dans son parcours. Il y a de l'humour dans le grotesque des visages, mais l'humour, la liberté formelle, la vitalité qui séduit les spectateurs sont des leurres.
Le propos du spectacle, cependant, met du temps à se construire, et deux heures et quart de spectacle n'en disent pas forcément plus que cinquante minutes. Le meilleur exemple en est sans doute le Boléro de Ravel qui clôture la pièce, avec renfort des trompettes, musique de transe par excellence, qui s'achève sur une catastrophe ; c'est un choix musical un peu trop évident pour porter entièrement ses fruits, surtout qu'il intervient à un moment où la chorégraphe ne peut que répéter ce qu'elle a déjà développé dans les deux heures précédentes.
Crédits photographiques © Laurent Philippe
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Essen. PACT Zollverein. 30-VIII-2019. Bacchae – Prelude to a Purge. Chorégraphie : Marlene Monteiro Freitas. Décor et lumières : Yannick Fouassier. Avec : Andreas Merk, Betty Tchomanga, Cookie, Cláudio Silva, Flora Détraz, Gonçalo Marques, Guillaume Gardey de Soos, Johannes Krieger, Lander Patrick, Marlene Monteiro Freitas, Miguel Filipe, Tomás Moital, Yaw Tembe