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Que serait Hector Berlioz sans les berliozistes ?

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Hector Berlioz – 1869-2019 – 150 ans de passions. Ouvrage collectif sous la direction de Emmanuel Reibel et Alban Ramaut. Préface de John Eliot Gardiner. Editions Aedam Musicae. 356 pages. 30 €. Dépôt légal : avril 2019

 

Que serait sans les berlioziens et les berliozistes ? Les célébrations du cent-cinquantième anniversaire de la disparition du bouillant compositeur sont l'occasion d'étudier et comprendre le travail de ceux qui, génération après génération, œuvrent à sa reconnaissance. 

Berlioz - 150 ans de passions« Dieu me garde de mes amis, mes ennemis je m'en charge ». Cette formule attribuée à Antigonos II, roi de la Macédoine antique, Berlioz l'aurait sans doute volontiers faite sienne s'il avait su de quelle manière on l'a défendu post-mortem, de l'hommage curieux du berliozien Charles Malherbe, premier grand collectionneur de ses autographes (il posséda le manuscrit de la Fantastique et estima lors du centenaire de 1903 que Berlioz était un « génie incomplet », ce qui lui attira les foudres des berliozistes) aux coupures perpétrées sans discontinuer par l'Opéra de Paris sur les Troyens et jusqu'à la nouvelle production de 2019 de Dmitri Tcherniakov.

Il est quasi inévitable quand on parle de Berlioz de souligner son combat de toute une vie pour tenter de faire reconnaître son œuvre et son génie, et d'insister sur la difficulté qu'a rencontrée sa musique pour être pleinement appréciée. Cet ouvrage collectif se détourne (un peu) du compositeur pour éclairer ceux qui ont travaillé avec passion(s) à sa reconnaissance. Comme tout patchwork de textes, le résultat est d'un intérêt inégal, le travail impressionnant sur les questions quantitatives (nombre d'enregistrements et de livres, musiciens ayant le plus interprété Berlioz, nombre de lieux et de monuments dédiés au compositeur) ne permettant pas de percer le mystère de la fascination pour le compositeur.

Plus signifiants sont les textes historiques, ceux consacrés aux premiers collectionneurs comme Charles Malherbe et aux premiers musicologues comme le bibliothécaire Henri Lavoix. Celui-ci, auteur d'ouvrages d'histoire de la musique, sut prédire dès 1878 qu'une fois l'éblouissement wagnérien passé, on saurait attribuer à Berlioz (et non à Wagner) l'origine de la révolution musicale opérée au XIXᵉ siècle.

Un autre aspect essentiel et nouveau de cet ouvrage est que, tout officiel qu'il soit puisqu'il dispose du tampon « Berlioz 2019 », il sait regarder en face les récupérations politiques dont Berlioz a fait l'objet, d'abord de la IIIᵉ République contre l'Allemagne prussienne, puis plus tard par l'Allemagne nazie durant l'Occupation. Le texte de Yannick Simon (auteur de La musique à Paris sous l'Occupation, Fayard) sur cette période généralement occultée par les institutions françaises, démontre que l'on peut parler de sujets difficiles de manière directe mais nuancée. D'autres textes retiennent l'intérêt, tel celui sur la postérité de Berlioz en Russie et URSS, ou comment les compositeurs après 1950 – notamment l'école spectrale – se sont nourris de l'héritage berliozien.

Parmi les déceptions, on a connu Pierre-René Serna en berlioziste bien plus incisif que dans son panorama de trente années de mises en scène auxquelles il a pu assister de par le monde. Le sujet aurait pu être drolatique et passionnant, il est assez superficiel. Gageons que l'auteur a manqué de place, et que cela l'a freiné dans son élan. On retrouve heureusement sa verve dans son tout récent Café Berlioz (Bleu Nuit). Le texte retraçant les relations entre Berlioz et l'Opéra de Paris de 1869 à 2019 avait aussi un énorme potentiel. Malheureusement, le poids politique écrasant de cette institution et de ses rendez-vous manqués avec Berlioz était trop lourd et l'auteure historienne – qui a déjà la confiance de la Philharmonie de Paris – n'a pu échapper à dessiner une trajectoire simple et hagiographique qui est d'ailleurs énoncée dans le titre de l'article : « du rejet à la consécration ». Une plume anglaise aurait sans doute apporté un regard plus distancié, indispensable sur un sujet aussi complexe et brûlant.

Cet ouvrage d'approfondissement sur la passion berliozienne constitue, pour ses qualités comme pour ses limites, une précieuse photographie de la famille spirituelle du compositeur depuis 1869.

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Hector Berlioz – 1869-2019 – 150 ans de passions. Ouvrage collectif sous la direction de Emmanuel Reibel et Alban Ramaut. Préface de John Eliot Gardiner. Editions Aedam Musicae. 356 pages. 30 €. Dépôt légal : avril 2019

 
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1 commentaire sur “Que serait Hector Berlioz sans les berliozistes ?”

  • Michel LONCIN dit :

    Il est patent que, de son vivant, et en dépit de « cabales », Berlioz fut RECONNU comme un des plus grands compositeurs vivant … PARTOUT en Europe (pays germaniques, l’Allemagne n’étant pas encore unifiée, Angleterre, Autriche-Hongrie, Russie) et en butte à l’incompréhension dans sa propre patrie … Ses « bulletins de victoire » (pour que Paris le sache, disait-il) ont, au contraire, excité la HARGNE chauvine nationale … et son engagement « politique » (royalisme louis-philippard puis bonapartisme), violemment opposé au « choléra républicain », lui ont valu le REJET de la France … « de la république » !!!
    Ses restes mortels demeurent HEUREUSEMENT au cimetière de Montmartre, avec ses deux femmes, et non au Panthéon … ce « pourrissoir officiel du régime », a pu écrire Romain Rolland … Ils devaient y être transféré en 2003 mais le … « projet » a été rapporté sine die … Sans doute, la … « république » se souvient-elle de l’engagement violemment anti républicain du plus GRAND compositeur français avant Debussy …

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