Aux Musicales de Blanchardeau, focus sur le programme de musique de chambre pour une édition baptisée « De Vienne à Saint-Pétersbourg ».
Pour la seconde édition conçue par Cornelia Lindenbaum-Desdoigts, Adam Laloum succède à Jean-Marc Luisada comme parrain de la soirée de mise en valeur des jeunes talents. Il ouvre la séance avec une interprétation sombre et quasi-schumannienne de l'adagio de la Sonate D 958 de Schubert. Il laisse très vite la place au piano très sûr de Pierre Gasnier, accompagnateur du violon très affirmé d'Hugo Meder dans la Sonate de Mozart KV 379 ciselée, puis de la clarinette ductile et chaleureuse d'Alexandre Morard dans les caressantes Fantasiestücke de Schumann. Arzhel Rouxel exécute la Ballade n° 2 de Lizst avec calme et une science des grommellements et des silences. On retrouvera ces même qualités d'un jeu extrêmement fin, profond, au service des élans de la Sonate de Mozart KV 576. Le volatile Trio opus 157 B de Darius Milhaud, réunissant clarinette, violon et piano, referme la soirée.
Trois jours après, en la Chapelle de Ker-Maria-an-Isquit, les aguerris Eric Le Sage, Paul Meyer et Claudio Bohórquez interprétent, lové entre les Trios n° 4 op. 11 « Gassenhauer » et WoO 38 (la réduction du Septuor op. 20) de Beethoven, le Trio op. 114 de Brahms. Un programme très classique, qui permet de goûter l'élégance d'une musique, le jeu goûteux de trois grands artistes : la clarinette de Paul Meyer, une des plus belles du monde, le piano ample et rond et bienveillant d'Éric Le Sage, le violoncelle rugueux et puissant de Claudio Bohórquez.
Retour à l'église Notre-Dame de la Soumission pour ce qui restera probablement comme le sommet du festival : le violon de Pierre Fouchenneret, veillé par le piano de Romain Descharmes. Fouchenneret n'est pas le plus médiatisé de nos violonistes mais c'est assurément un des meilleurs. Après la séduisante Sonate de Janáček (le piano cristallin de Descharmes dans la Ballada), Fouchenneret, les yeux noyés d'émotion, l'âme comme plongée dans la beauté du son, s'impose en maître dès l'adagio molto de la Sonate op. 12 n° 3 de Beethoven, noté con molto espressionne. Aussi à l'aise dans Beethoven (dont ils ont gravé une intégrale pour le label Aparté), dans la brève Sonate posthume de Ravel, que dans l'opus 108 de Brahms, le jeu entre l'intime et le symphonique des deux artistes jouant avec brio sur la dynamique, donne le sentiment pénétrant d'avoir fait exploser le cadre de la pure musique de chambre.
La veille de leur prise de fonction à la tête du Festival de quatuor à cordes du Lubéron, les Zaïde (avec un nouveau premier violon Amanda Favier) sont de retour aux Musicales. Les miniatures des Trois pièces de Stravinsky permettent aux quatre musiciennes d'affirmer leur style : une transparence des lignes telle que l'on peut décider de suivre sans accroc celle de l'une ou de l'autre. La pureté sonore ainsi obtenue fait merveille dans le Quatuor de Fanny Mendelssohn, sœur du compositeur reléguée dans l'ombre d'une époque où les femmes n'étaient pas censées composer. Quel plaisir de découvrir enfin la montée en puissance de l'œuvre, d'abord délicate, jusqu'à la force de conviction d'un allegro molto vivace final à la polyphonie complexe. La jeune fille et la mort, très attendue sous les doigts des Zaïde, ensemble de 10 ans d'âge qui décide en 2019 d'affronter cet Everest du genre. Les tumultueux mouvements extrêmes nous ont semblé encore perfectibles, les interprètes gérant en revanche admirablement la dynamique et les nuances du bouleversant Andante con moto autour de la merveilleuse colonne vertébrale du violoncelle de Juliette Salmona.
Crédits photographiques : photo 1 © Philippe Le Goux ; photo 2 © Odile Delaune