Il y a dans ce roman de Christine Féret-Fleury quatre femmes sans ombre, de celles qu'on a dépouillé de leur humanité.
Tout d'abord celle de Richard Strauss, bien sûr, l'impératrice de ie Die Frau ohne Schatten, mais aussi une riche héritière lyonnaise, et puis une cheffe d'orchestre prometteuse, née au Rwanda, qui, petite fille, a échappé au massacre, et qui, incapable du moindre sentiment après avoir vu sa famille exterminée sous ses yeux, ne se consacre qu'à la musique, et enfin Elle.
Qui est-Elle ? Ses mentors lui ont tout volé, jusqu'à son identité. Durant ces 252 pages, elle ne parle d'Elle qu'à la deuxième personne du singulier. Elle sait brouiller les pistes, changer d'apparence, d'habitudes, d'accent, en un tour de main. Elle tient un petit bistro à l'ancienne dans un quartier chic parisien, où sa cuisine est réputée fameuse, et où elle régale également sa clientèle d'art lyrique, dont elle fait tourner les CD derrière le comptoir. Car c'est sa seule faiblesse, qui semble bien inoffensive : elle est folle d'opéras et de mélodies vocales. Elle a fait insonoriser une pièce de son appartement pour, une fois le service terminé, écouter en toute tranquillité les œuvres de son compositeur fétiche, Richard Strauss. Elle se déplace dans le monde entier, qu'importe le coût, pour entendre la moindre de ses œuvres. C'est la seule chose qui lui soit autorisée. L'amour, l'attachement à l'autre, lui est complètement interdit, sous peine de sévères sanctions. Car bien entendu le restaurant n'est qu'une couverture, elle est formée, depuis sa plus tendre enfance, au métier de tueuse à gage.
Mais voilà qu'un jour, ses commanditaires posent un contrat sur cette jeune cheffe d'orchestre noire, dont elle est fan au point de la suivre partout, assise à la meilleure place, partition sur les genoux. Pourquoi ? Et quelle va être sa réaction ?
Christine Féret-Fleury a une centaine de livres à son actif, dont la plupart pour la jeunesse, mais elle a aussi, après des études de lettres, effectué quelques années de recherche universitaire autour des rapports texte/musique dans l'opéra. c'est dire qu'elle sait tricoter une action, et connaît bien aussi l'univers lyrique.
Un polar bien troussé avec de l'opéra dedans, que demander de plus pour les vacances ?
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La femme sans ombre. Christine Féret-Fleury. Denoël. 252 pages.17,80 €. Avril 2019
Denoël