Flûtes, botanique et mathématiques avec Alain Louvier
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Alain Louvier (né en 1945) : Herbier 7 pour flûte et clavecin ; Qu’est devenu ce bel œil? pour flûte et bande, d’après Claude Lejeune ; Neuf carrés pour quatre flûtes et dix diapositives ; Promenade pour flûte en sol et piano ; Herbier 1 pour deux flûtes. Alain Louvier, clavecin ; François Veilhan, Élise Patou, Françoise Ducos, Myriam Chiapparin, flûtes. 1 CD Triton TRIHORT 565. Enregistré à l’Auditorium Marcel Duruflé à Meudon, en avril 2018. Livret en français. 67:00
TritonCet album monographique, consacré à la musique pour flûtes d'Alain Louvier, réunit cinq pièces qui n'ont encore jamais fait l'objet d'un enregistrement. Aux côtés des flûtes de François Veilhan et son ensemble Campsis, le clavecin et le piano sont tenus par le compositeur en personne.
Compositeur, chef d'orchestre, pédagogue et directeur honoraire de plusieurs institutions musicales, Alain Louvier est également botaniste, capable, nous dit-il, d'identifier chaque plante qui s'offre à sa vue lors de ses promenades. On ne s'étonnera donc pas de retrouver l'univers des végétaux au cœur de son inspiration de musicien : ainsi sept Herbiers ont-ils vu le jour de 2004 à 2018, écrits pour un dispositif instrumental chaque fois renouvelé. Les Herbiers 1 (pour deux flûtes) et 7 (pour flûte et clavecin) ont en commun le fait qu'ils forment un cycle. Herbier 7 (2018), la pièce la plus récente de l'album, débute l'enregistrement quand Herbier 1 le referme. C'est le choix de la plante et son aspect plastique qui génèrent l'écriture de ce dernier, avec, comme seule contrainte, la volonté de débuter chaque pièce du cycle sur la même note ré. L'invention et l'humour sont à l'œuvre dans ces miniatures renouvelant d'autant l'intérêt de l'écoute : profil élégant et lignes ployantes des deux flûtes (François Veilhan et Élise Patou) dans Cytise, rythme libre pour la Dame d'onze heures (Ornithogale), souffle et slaps étranges dans Onagre. Aussi court que rafraichissant, Perce-neige convoque deux piccolos alertes tandis qu'un mode en quarts de ton colore subtilement les lignes d'Onagre. L'intérêt d'Alain Louvier pour la microphonie (son « Clavier non tempéré » en témoigne aisément) se manifeste avec plus d'envergure encore dans Herbier 7 où le clavecin est soumis à une scordatura : sept touches du clavier supérieur ont été baissées d'un quart de ton. Comme son maître Messiaen le fait avec les oiseaux, Louvier décrit avec le même attachement sentimental les plantes (Sycomore, Roseau, Ébène du Mozambique, Bambou, etc.) qu'il a voulu traduire musicalement. Chaque commentaire est accompagné, dans la notice du CD, d'une photo en couleur. Après Sycomore où flûte et clavecin sont chevillés au corps, Roseau nous fixe dans l'oreille les intervalles de « grande tierce » ou encore de « quarte majeure » joués par les instruments. C'est le jeu luthé du clavecin qui est requis dans le début de Bambou faisant résonner ses harmonies étranges. Poirier est une véritable « pièce de clavecin en concert » comme l'entendait Rameau, l'instrument faisant valoir toute l'étendue de ses sonorités. Même élan virtuose dans Genevrier avec le piccolo. La glissade facétieuse in fine provient du clavecin, via un mode de jeu breveté par Alain Louvier.
Qu'est devenu ce bel œil? est une pièce mixte pour flûte et bande (1976). La partie électroacoustique est réalisée avec les moyens analogiques de l'époque, à savoir quatre magnétophones Revox diffusant huit pistes préenregistrées par le compositeur : sons instrumentaux (dont un piano en quarts de ton) et bruits de nature confèrent un environnement très poétique à la flûte de François Veilhan qui cite et paraphrase la célèbre chanson de Claude Le Jeune et son curieux profil chromatique.
Promenade pour flûte en sol et piano relève du théâtral musical dont le présent enregistrement ne peut restituer toute l'envergure scénique. Imaginons donc un flûtiste (François Veilhan toujours) déambulant sur la scène et autour du piano en donnant parfois de la voix. Au piano et à ses accessoires (baguettes diverses, sifflet, balles de ping-pong, etc.), le compositeur exécute, quant à lui, trois de ses Préludes pour les cordes de l'instrument. Dans ce contexte sonore semi-aléatoire, la performance finement conduite réserve à l'auditeur plus d'une surprise.
Alain Louvier a vint-neuf ans lorsqu'il écrit Neuf Carrés, à la demande de Pierre-Yves Artaud. L'œuvre hautement spéculative (tout est minutieusement expliqué dans la pochette du CD) est conçue pour quatre flûtistes jouant de toutes les flûtes (du piccolo à la flûte basse) et dix diapositives. Le projet mêle en effet géométrie plane et musique, graphismes et données mathématiques à l'appui. Louvier souhaite que les « figures-mères » qu'il a lui-même élaborées soient projetées durant l'exécution. La contrainte est souvent le meilleur des stimulants pour s'aventurer hors des sentiers battus. Aussi, l'imaginaire sonore est-il sollicité et tous les ressorts de l'écriture à quatre flûtes, microtonalité comprise, dans cette traduction musicale rigoureuse ouvrant un espace acoustique insoupçonné. Il est restitué avec un engagement de tous les instants et une énergie communicative par les membres du quatuor Campsis, servis par un enregistrement d'une qualité optimale.
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