Mirga Gražinytė-Tyla et Gidon Kremer signent un disque majeur de Weinberg
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Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) : Symphonies n° 2 op. 30 et n° 21 op. 152 “Kaddish”. Gidon Kremer, violon, City of Birmingham Orchestra, Kremerata Baltica, Mirga Gražinytė-Tyla, direction. 2 CD Deutsche Grammophon. Enregistré au Studio Ploksteliy de Vilnius en Lituanie et au Symphony Hall de Birmingham, en novembre et décembre 2018. Notice en anglais et en allemand. Durée totale : 89:00
Deutsche GrammophonÀ presque un demi-siècle de distance l'une de l'autre, les Symphonies n° 2 et n° 21 de Mieczysław Weinberg offrent le saisissant portrait d'un compositeur passionnant et dont l'œuvre émerge progressivement de l'oubli.
Les célébrations du centenaire de la naissance du compositeur russe d'origine polonaise ont suscité un regain d'intérêt pour un musicien dont la vie a subi les bouleversements de l'Histoire (le nazisme puis le communisme). Son œuvre – plus de 150 opus – s'est adossé à la culture juive. Il a trouvé plus qu'un soutien auprès d'artistes russes et tout particulièrement de Chostakovitch dont Weinberg fut l'un des rares intimes. En 1942, il composa la première de ses 26 symphonies (dont quatre symphonies de chambre).
Quatre ans plus tard, il acheva sa Symphonie n° 2 pour orchestre à cordes. À première écoute, la partition est une élégie d'inspiration plus nordique que russe, plus néoclassique que romantique. Les interprètes de la Kremerata Baltica tissent un remarquable écheveau de timbres, mesurant chaque intonation, pensant l'œuvre dans sa lente pulsation (plus d'une demi-heure). L'adagio, dont l'épure et le chromatisme aride font songer au finale (reconstitué) de la Symphonie n° 10 de Mahler, impressionne par sa tension. Le finale, allegretto, chargé de menaces, stylise une danse aux lointains accents klezmer. Cette version se révèle en tout point supérieur à celle du Symphonique d'Umea dirigé par Thord Svedlund et qui demeurait la seule disponible.
Les pupitres de Birmingham rejoignent ceux de la Kremerata dans la Symphonie n° 21 “Kaddish”, de 1991. Six mouvements organisent la partition qui fait appel à plusieurs solistes dont un violon (Gidon Kremer), un soprano (la cheffe d'orchestre Mirga Gražinytė-Tyla remplit admirablement ce rôle “complémentaire”), une clarinette (Oliver Janes), un piano (Georgijs Osokins) et une contrebasse (Yuri Gavryliuk). Le Kaddish, prière des morts de la liturgie juive, est dédié aux victimes du Ghetto de Varsovie. Une partie de la famille de Weinberg y aurait disparu. Les thèmes empruntent à la musique du film Notre Père (1989), composée à la demande du réalisateur Boris Yermolaev et qui évoque le drame d'une mère et de son fils retrouvés gelés dans le Ghetto.
Cette partition magnifique parce que d'une puissance expressive intense renoue, elle aussi, avec le postromantisme d'un Mahler et d'un Zemlinsky, l'épure cinglante et sarcastique du dernier Chostakovitch. L'obsession de l'anéantissement, de la mort qui traverse toute l'œuvre de Weinberg prend parfois des allures incantatoires que l'on entendait déjà dans son Requiem (1967). Une incantation qui tente, sans espoir, d'oublier l'impensable et quête la paix jusqu'à la douleur. Les interprètes multiplient les angles d'écoute de cette partition d'une densité expressive sidérante : à la fois requiem, symphonie et cantate de chambre teintée de multiples réminiscences (la bouleversante apparition, dans le finale, de la voix, comme l'écho des âmes mortes et du piano offrant quelques notes de la Ballade n° 1 de Chopin), l'œuvre évoque aussi l'univers klezmer et le mouvement de la caméra. On songe, par exemple, au Violon de Rothschild de Benjamin Fleischmann orchestré par Chostakovitch. Cette symphonie n'avait été gravée qu'une seule fois par le valeureux Orchestre symphonique de Sibérie dirigé par Dmitri Vassiliev (Toccata). Avec le présent enregistrement, nous tenons dorénavant une référence des deux symphonies.
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Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) : Symphonies n° 2 op. 30 et n° 21 op. 152 “Kaddish”. Gidon Kremer, violon, City of Birmingham Orchestra, Kremerata Baltica, Mirga Gražinytė-Tyla, direction. 2 CD Deutsche Grammophon. Enregistré au Studio Ploksteliy de Vilnius en Lituanie et au Symphony Hall de Birmingham, en novembre et décembre 2018. Notice en anglais et en allemand. Durée totale : 89:00
Deutsche Grammophon
Un disque poignant, découvert grâce à votre critique. Que ce soient les œuvres ou les interprétations, elles sont excellentes.