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Paris. Festival Manifeste. 1-VI-2019
Le Centquatre-Paris.17h30. Pascal Dusapin (né en 1955) : Lullaby Experience, expérience scénique pour ensemble instrumental et électronique. Mise en scène : Claus Guth ; décors et scénographie : Étienne Pluss ; Lumière : Olaf Winter ; Thierry Coduys : réalisation dispositif électroacoustique et mixage Ircam. Jérôme Nika : collaboration informatique musicale Ircam. Johanna Berger, La jeune fille ; Renate Bahm, la mère ; Nami Miwa, ballerine ; Amadeus Pawlica, conférencier ; Micha B. Rudolph, homme ; Paul Lorenger, clown ; Markus Rockenbach, homme aux échasses. Ensemble Modern
Centre Pompidou. Grande salle. 21h. Simon Steen-Andersen (né en 1976) : Run Time Error pour vidéo, ensemble instrumental et électronique ; Black Box Music pour percussionniste, vidéo et électronique live. Håkon Stene : percussion/boîte amplifiée ; Ensemble Moderne ; Simon Steen-Andersen : vidéo et électronique live
Haut et bas voltages pour l'ouverture de Manifeste, le festival de l'Ircam, avec deux spectacles invitant l'Ensemble Modern de Francfort : Pascal Dusapin et son nuage de berceuses nous attendrissent au Centquatre quand Simon Steen-Andersen nous électrise au Centre Pompidou.
« J'ai toujours été poursuivi par l'enfance » confie Pascal Dusapin, s'agissant de la genèse de Lullaby Experience, le concert-installation donné en création française au Centquatre. Le spectacle tourne durant deux jours et accueille petits et grands pour une cinquantaine de minutes immersives, où le public peut déambuler sur un parterre de plumes blanches où trône un lit géant…
L'idée était de collecter, par le biais d'une application sur smartphone, des berceuses de tous les pays et de toutes les langues (1032 fredons ont été recueillies au total !) qui ont été découpées, analysées, montées et mixées par les techniciens de l'Ircam sous la houlette du compositeur, sans pour autant les traiter ni les transformer. Ainsi s'est constitué ce « nuage chantant » selon les termes de Dusapin, où les mélodies, murmures, chuchotements, grains de voix et langues diverses colorent et nourrissent un flux sonore aussi étrange que poétique. Car, si le montage laisse émerger certaines comptines bien connues, la superposition des voix et le mélange des phonèmes font naître un méta-langage totalement inouï.
Côté mise en scène, Claus Guth, que l'on avait beaucoup apprécié dans Bérénice de Michael Jarrell, élabore un scénario autour des peurs de l'enfant, de ses rêves et de ses cauchemars, avec quelques figures emblématiques rattachées au monde des petits : un clown un rien effrayant (Paul Laurenger) qui fait de la balançoire, une ballerine quasi contorsionniste (Nami Miwa), les parents de la petite fille (Johanna Berger) et l'homme aux échasses qui la fait trembler de peur. Chacun fait son numéro, entre réalité et onirisme, selon un déroulement en quatre scènes arbitrées par un « Monsieur loyal ». Ce dernier invite le public à « essayer » le lit, position centrale la plus confortable pour bénéficier de la spatialisation en temps réel de Thierry Coduys, aux manettes de la console de projection. S'ajoute aux dimensions scénique et sonore la présence bienvenue, au sein du public, des huit musiciens de l'Ensemble Modern (cordes et vents), dont la partie instrumentale, aussi discrète que sensible, infiltre progressivement la texture des voix enregistrées et lui confère une autre sensualité : telle cette dernière scène superbe où le ton monte sensiblement, liant dans un maelström très plastique les deux sources sonores enchevêtrées.
On retrouve l'Ensemble Modern en soirée, au Centre Pompidou cette fois, dans un concert « hors champ », mêlant tout autant les dimensions visuelle, scénique et sonore, avec, au centre du dispositif, le compositeur danois Simon Steen-Andersen.
Il est encore mal connu en France, même si Pierre Roullier, dont il faut saluer les talents de découvreur, l'a invité en résidence auprès de l'ensemble 2e2m dès 2014. Fixé aujourd'hui à Berlin où il mène une carrière internationale, Steen-Andersen développe depuis une vingtaine d'années, avec un imaginaire et une énergie phénoménales, le concept de musique audiovisuelle, qu'il faut distinguer de celui de musique à l'image ; son but étant, via la vidéo et l'amplification, de montrer le geste et ses interférences avec le matériau sonore, en le théâtralisant. Tel est le projet des deux œuvres étonnantes mises à l'affiche.
Pièce fétiche du compositeur où il se met lui-même en scène, Run Time Error (2009-2019) est un work in progress donné ce soir en création française. Sur un écran géant défilent les images d'une vidéo pré-enregistrée où le compositeur est filmé, un micro et une baguette à la main, sillonnant à vive allure, et comme un percussionniste fou, les sous-sols d'une ancienne usine de voitures à Rüsselsheim (dans la banlieue de Francfort), dont il scrute en virtuose, l'humour aidant, tout le potentiel sonore. Mais on reconnaît également les espaces de l'Ircam et du Centre Pompidou que Steen-Andersen a tenu à intégrer dans son film, à l'occasion de Manifeste.
Pour l'heure, entouré par les musiciens tout terrain de l'Ensemble Modern (ils figurent également dans la vidéo), le compositeur est au centre du plateau, avec deux joysticks dans les mains. La performance, convoquant un dispositif sonore stéréo, consiste à retravailler en direct les images du film projeté sur deux canaux, en les manipulant telle « une invention à deux voix », avec accélération, ralentissement, retour en arrière et autant d'événements bruités liés à ces allers-retours. Sollicités à certains moments du film par le compositeur, les interprètes à l'affût vont réagir à ce qu'ils entendent et « musicaliser » ces objets du quotidien, faisant de la performance une expérience musicale en soi. Le résultat ne laisse de surprendre et d'impressionner.
Sans transition, les musiciens se sont installés sur le devant du plateau pour l'œuvre suivante, laissant deviner en fond de scène une boîte noire à travers laquelle un percussionniste à passer ses deux avants-bras. Dans Black Box Music, la vidéo est live, donnant à voir sur grand écran l'intérieur de ce qui s'apparente à un petit théâtre de marionnettes, avec un rideau rouge qui s'ouvre et se referme périodiquement, sous le geste énergique du performer-chef d'orchestre (Håkon Stene virtuose). Les mains de ce dernier sont censées diriger les trois groupes instrumentaux, exécutant un « ballet » aussi étrange que cocasse, dans une relation plutôt musclée entre le geste et la réponse des musiciens. Dans les scènes suivantes, la boîte noire amplifiée devient instrument de musique, avec le jeu des diapasons d'abord puis les éléments d'un décor mobile (l'action du ventilateur est centrale !), minutieusement réglés par les mains du performer et dont les instruments périphériques répercutent et amplifient les manifestations sonores.jusqu'au chaos général, «comme dans les concerts de rock» souligne le compositeur.
Frère en ironie de Kagel et son théâtre musical, Steen-Andersen aime adopter une position critique vis à vis des genres et des conventions musicaux, pour mieux les détourner – les « pirater », dit-il – avec amour… avec humour.
Crédits photographiques : © Ircam Manifeste
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Paris. Festival Manifeste. 1-VI-2019
Le Centquatre-Paris.17h30. Pascal Dusapin (né en 1955) : Lullaby Experience, expérience scénique pour ensemble instrumental et électronique. Mise en scène : Claus Guth ; décors et scénographie : Étienne Pluss ; Lumière : Olaf Winter ; Thierry Coduys : réalisation dispositif électroacoustique et mixage Ircam. Jérôme Nika : collaboration informatique musicale Ircam. Johanna Berger, La jeune fille ; Renate Bahm, la mère ; Nami Miwa, ballerine ; Amadeus Pawlica, conférencier ; Micha B. Rudolph, homme ; Paul Lorenger, clown ; Markus Rockenbach, homme aux échasses. Ensemble Modern
Centre Pompidou. Grande salle. 21h. Simon Steen-Andersen (né en 1976) : Run Time Error pour vidéo, ensemble instrumental et électronique ; Black Box Music pour percussionniste, vidéo et électronique live. Håkon Stene : percussion/boîte amplifiée ; Ensemble Moderne ; Simon Steen-Andersen : vidéo et électronique live