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Anna Bolena à Liège, belle prise de rôle pour Olga Peretyatko

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Liège. Opéra Royal de Wallonie-Liège. 11-IV-2019. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Anna Bolena, opera seria en deux actes. Mise en scène : Stefano Mazzonis di Pralafera. Décors : Gary McCann. Costumes : Fernand Ruiz. Lumières : Franco Marri. Avec : Olga Peretyatko, Anna Bolena ; Sofia Soloviy, Giovanna Seymour ; Celso Albelo, Lord Riccardo Percy ; Marko Mimica, Enrico VIII ; Francesca Ascioti, Smeton ; Luciano Montanaro, Lord Rochefort ; Maxime Melnik, Sir Hervey. Chœur de l’Opéra Royal de Wallonie (chef des chœurs : Pierre Iodice). Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie, direction : Giampaolo Bisanti

Plateau de luxe, magie des costumes et des décors. Tradition et modernité peuvent parfois faire bon ménage.

O. Peretyatko © Opéra Royal de Wallonie-Liège

À l'époque du « eurotrash » et des relectures en tout genre, il est presque culotté de proposer une mise en scène qui respecte à la lettre les indications figurant sur le livret et sur la partition. C'est pourtant le choix qui a été fait, pour cette nouvelle production liégeoise d'Anna Bolena, par le metteur en scène , également directeur général et artistique de l'Opéra Royal de Liège Wallonie. Dans un tel contexte les nombreux costumes – et les protagonistes en changent à chaque apparition ! – rivalisent d'élégance, de classe et de somptuosité. On ne boudera pas le plaisir d'assister à un si beau défilé de mode de la période élisabéthaine même si, pour être tout à fait perfectionniste, on aurait peut-être souhaité davantage d'unité dans les tons et les couleurs. Les décors de Gary McCann sont à l'avenant, et à la magnificence des intérieurs Tudor, d'une austère beauté, s'ajoute celle des scènes d'extérieur, comme par exemple au premier acte la forêt qui sert de terrain de chasse à Henry et à sa cour : chiens tenus en laisse, arbalètes, seaux pour récupérer la venaison, végétation automnale luxuriante, tout y est ! La magie des éclairages contribue à la splendeur de ce grandiose spectacle pour l'œil.

Mais qu'on se garde d'ironiser, car le respect de la tradition n'empêche ni un réel travail sur la direction d'acteurs, ni une réflexion de fond sur le poids du contexte historique d'un épisode central de l'histoire de l'Angleterre, de l'Europe et des religions. La présence d'Elisabeth Ière enfant, dont le livret ne mentionne pas qu'elle était la fille d'Ann Boleyn, plane sur le plateau de la première scène à la dernière. Et le rappel constant des différents contextes rejaillit fortement sur la responsabilité dans l'action des différents personnages du drame, et partant sur leur vraisemblance et sur leur profondeur psychologiques. La scène de copulation, particulièrement crue, sur laquelle s'ouvre le premier tableau en dit long sur les réelles motivations des uns et des autres, et aucun des personnages ne ressort entièrement blanchi d'une histoire où s'entremêlent passions, ambitions, trahisons et remords, autant de sentiments et d'états d'âme qu'assaisonne une inextinguible soif de pouvoir.

M. Mimica - O. Peretyatko - C. Albelo © Opéra Royal de Wallonie-Liège
Le plateau réuni sur la scène de l'Opéra Royal de Liège Wallonie, qui fait se croiser de jeunes talents et des artistes confirmés, est de la plus grande qualité. On saluera chez les petits rôles le très beau Sir Hervey du prometteur Maxime Melnik, ainsi que la voix ronde et chaude du Smeton de la ravissante ; deux chanteurs formés au baroque qu'on a plaisir à retrouver dans un ouvrage du premier romantisme italien. Belle prestation également de en Lord Rochefort, le frère incestueux d'Ann Boleyn comme le laisse entendre la mise en scène… Campant un Henry VIII encore jeune et élégant, le Croate fait valoir des graves abyssaux et une assez belle ligne de chant qui confère à ce personnage en proie à la passion amoureuse une certaine noblesse et dignité. Vocalement, le chanteur est néanmoins surclassé par le Percy du ténor espagnol , une des valeurs sûres dans le petit monde des ténors belcantistes. La beauté de ses phrasés, sa technique impeccable du legato et l'insolence de ses aigus, dont il semble avoir une réserve inépuisable, en font assurément un interprète de grand luxe. On aura moins aimé la Giovanna assez fruste de l'Ukrainienne Sofia Soloviy, grande voix richement timbrée mais peu adaptée à la ligne belcantiste en raison notamment d'un certain nombre de stridences dans le haut comme dans le milieu du registre. Comme on pouvait s'y attendre la grande triomphatrice de la soirée est la soprano russe . Nous avons pu exprimer dans nos colonnes quelques réserves sur la qualité et la pureté de l'instrument, notamment lorsqu'il était confiné au studio d'enregistrement. Ces quelques défauts d'émission, même s'ils sont perceptibles, ne sont rien au théâtre où l'engagement total de l'actrice, la beauté de la femme et la projection de la voix l'emportent largement sur tout le reste. Rompue aux règles du bel canto – et l'on ne sait que trop que les grandes belcantistes de l'histoire étaient loin d'avoir toutes un instrument parfait –, la jeune cantatrice a enflammé la salle par la longueur de sa voix, la force de ses accents et la subtilité des coloris dont elle pare sa voix dans les phrases les plus éthérées. Une incarnation marquante qui laisse espérer de belles prises de rôle pour les années à venir.

Les chœurs et l'orchestre de l'Opéra Royal de Liège Wallonie ont pu paraître raides et mécaniques en début de soirée. Avec la magie du spectacle et l'adhésion croissante du public le discours musical s'est peu à peu déroulé avec davantage de fluidité pour terminer sur une scène finale d'anthologie. Beau succès d'ensemble, qui semble rappeler que la tradition a du bon et que, pas plus que les spectacles « trash » ou revisités, elle ne signifie pas nécessairement la mort de l'opéra et du spectacle lyrique.

Crédit photographique : © Opéra Royal de Liège Wallonie

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Liège. Opéra Royal de Wallonie-Liège. 11-IV-2019. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Anna Bolena, opera seria en deux actes. Mise en scène : Stefano Mazzonis di Pralafera. Décors : Gary McCann. Costumes : Fernand Ruiz. Lumières : Franco Marri. Avec : Olga Peretyatko, Anna Bolena ; Sofia Soloviy, Giovanna Seymour ; Celso Albelo, Lord Riccardo Percy ; Marko Mimica, Enrico VIII ; Francesca Ascioti, Smeton ; Luciano Montanaro, Lord Rochefort ; Maxime Melnik, Sir Hervey. Chœur de l’Opéra Royal de Wallonie (chef des chœurs : Pierre Iodice). Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie, direction : Giampaolo Bisanti

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