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Journal intime. Robert et Clara Schumann. Traduction et édition : Yves Hucher. Préface : Brigitte François-Sappey. Édition Buchet-Chastel. 342 p. 20 €. Mars 2019
Le journal intime de Robert et Clara Schumann est réédité dans sa traduction française. Un témoignage captivant des plus belles années du couple musicien.
Robert Schumann avait donné un amusant surnom à l'être supérieur que formait son union avec Clara : « Raro », ClaRARObert. En 1840, les jeunes époux entamèrent non sans solennité un Journal de raison, qui dura jusqu'en 1843. C'est un témoignage des années de bonheur conjugal et parental, non dénué de considérations prosaïques, traduisant une vie somme toute assez bourgeoise. Seul le conflit avec le père Wieck, dont on connaît l'opposition au mariage, porte une ombre au tableau, jusqu'à leur réconciliation.
L'activité musicale est au cœur de leur quotidien : les compositions de Robert et les créations, les concerts et tournées de la pianiste, et surtout leurs séances complices de déchiffrage au piano tout particulièrement de Bach et Beethoven. Chez Clara, la difficulté à trouver un équilibre entre les activités artistiques et la vie de famille est palpable. Celle-ci doit faire preuve de volonté pour poursuivre le piano. Quant à la composition, elle l'abandonne rapidement, à l'exception de quelques présents pour son mari : « … s'occuper des enfants, d'un mari perdu dans ses rêveries, cela ne se concilie guère avec la composition » note Robert avec clairvoyance. Quant à Robert Schumann, il reste finalement assez secret : de l'acte créateur du compositeur, le journal s'en tient surtout aux faits ; de ses tourments de l'âme, nous ne connaîtrons que le témoignage de Clara et ses filles. L'intimité du journal a ses limites, et le lecteur doit faire ses conjectures. Enfin, les rencontres et amitiés y sont très présentes : Mendelssohn, le plus proche ami et le parrain de Marie, leur aînée, mais aussi Liszt, qui nous vaut quelques pages savoureuses de Clara, ou encore la cantatrice suédoise Jenny Lind.
Le journal est précédé et prolongé de textes choisis, regroupés en chapitres et précédés d'éclairantes introductions. Ils replacent ainsi le journal dans l'histoire du couple depuis l'enfance jusqu'au-delà de la mort de Robert Schumann. Les écrits de Robert Schumann destinés à ses enfants, comme le Petit livre pour nos enfants et les Conseils écrits aux jeunes musiciens de Robert pour son Album pour la jeunesse, donnent aussi un aperçu du rôle paternel, certes très tendre mais ancré dans l'époque.
L'ouvrage n'est pas une édition scientifique à proprement parler : aucune source mentionnée (le journal est conservé au musée Robert Schumann de Zwickau), pas de bibliographie, peu de commentaires critiques. Sa lecture n'en reste pas moins passionnante. Le style de Robert, dont on connaît les qualités d'écriture notamment par la Neue Zeitschrift dür Musik, et celui, sincère et simple de Clara, sont d'une lecture très agréable dans la traduction d'Yves Hucher. La préface de Brigitte François-Sappey et l'introduction de l'édition originale de 1967 par l'académicien Marcel Brion viennent enrichir cet opus.
Dans les derniers chapitres, après des pages déchirantes sur la disparition de son mari, Clara résume son amour inconditionnel : « À vrai dire, mon bonheur s'est éteint avec lui »… Un roman n'aurait pas mieux dit.
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Journal intime. Robert et Clara Schumann. Traduction et édition : Yves Hucher. Préface : Brigitte François-Sappey. Édition Buchet-Chastel. 342 p. 20 €. Mars 2019
Buchet Chastel
« À vrai dire, mon bonheur s’est éteint avec lui »… On se demande alors pourquoi Clara n’a pas, durant 23 mois, « daigné » UNE SEULE fois honorer de sa visite Robert qui s’est finalement laissé mourir dans son asile d’Endenich (elle ne le fera qu’à l’heure de la mort du reclus) … quand Brahms, lui, les multipliait …