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Mille et un enseignements de la Nilsson

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La Nilsson, My Life in Opera. Birgit Nilsson. Préface de Georg Solti. Traduit de l’ allemand par Doris Jung Popper. Verlag für modern Kunst. 2ème édition. 308 pages. 34 €. En anglais. 2018

 
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Cette autobiographie de Madame Bertil Niklasson, à la scène, rédigée en suédois, traduite en danois, puis en allemand, puis en anglais, est solide, franche, directe, jamais abrupte, spontanée et spirituelle. Sans détours, sans fard, sans références accessoires ou superflues à Marx, Freud ou Jésus… Va droit au but donc, et fait mouche. 

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Disons-le d'emblée : Madame Nilsson possède une mémoire étonnante, sidérante, des faits et gestes d'une carrière abondamment remplie. Ou bien alors elle dispose d'un bloc-notes dans lequel elle a consigné jour après jour, dates, lieux, concerts, opéras, casts complets d'une existence finalement phénoménale. Sans omission aucune, sans oubli aucun. Dès 1946. On est séduit par cette liste sans fin des villes qu'elle fréquente (Bayreuth, Vienne, Rome, Glyndebourne, Munich, Buenos Aires, San Francisco, Chicago, Milan, Venise, Parme, etc.), par la liste de ses “accompagnateurs”, trente-trois en tout, (Fritz Busch, Hindemith, Sawallisch, Jochum, Ehrling, Keilberth, Steinberg, Knappertsbusch, Klobucar, Karajan, Prêtre, Maazel, Solti, Krips), par ces plateaux de rêve, interminables, et qu'elle énumère avec zèle et diligence : Leonie Rysanek, Wolfgang Windgassen (avec qui elle chantera Tristan plus de 90 fois !), Ruth Hesse, James King, Regina Resnik, Irene Dalis, sa meilleure Brangäne dira-t-elle, Hans Hotter, Walter Berry, Grace Hoffman, Hans Hopf… En 1977, une Frau avec Leonie Rysanek, Ruth Hesse, James King, Walter Berry. Un Lohengrin, avec Windgassen, Varnay, Uhde, Fischer-Dieskau. Pour tous, Nilsson a un mot aimable, hormis deux exceptions, Madame Nilsson ayant la dent dure contre Herbert von Karajan et Sir Rudolf Bing.

Les quatorze chapitres de ce livre La Nilsson, My Life in Opera, se succèdent allègrement, en ordre chronologique, interrompus uniquement par endroits par quelques cris du cœur qu'il lui faut exprimer illico presto (les débuts au MET, chapitre 1, par exemple) ou par quelque rancœur à dire fissa (Karajan, Bing). Quelques pages fascinantes sur une jeunesse à la dure, puis ce sera la chorale du village voisin. S'enchaînent les leçons de “chant” d'Albert Runbäck et Ragnar Blennow entre autres. Puis la Royal Academy de Stockholm à laquelle elle consacre un chapitre entier et où elle étudia de 1941 à 1946. Elle débuta à l'Opéra de Stockholm dans un Freischütz dirigé par Leo Blech, suivi par un Macbeth dont le Macbeth est cette fois Sigurd Björling dirigé par Fritz Busch. « The rest is history », comme elle l'écrit.

Le texte est agrémenté de portraits, courtois, attentionnés, parfois taquins, parfois incisifs, voire perfides. Celui de Wieland Wagner dont elle affectionne les mises en scène ; celui de Franco Corelli avec ses contre-ut à n'en plus finir ; celui de Winifred Wagner et d'Astrid Varnay. Il est égayé de descriptions tranchantes et spontanées : Bayreuth, par exemple, dont elle déteste le froid, les pluies, les horaires, et cet Abendbrot de 90 minutes ; Rome et l'Italie qu'elle apprend à apprécier malgré ses publics fantasques et capricieux ; Vienne qu'elle adore et où elle sévira 28 ans. Il est pimenté de mille anecdotes incisives et mordantes : la disparition de Ramón Vinay entre les actes I et II d'un Tannhäuser bien mouvementé ; l'arrivée à Zürich où on l'attend pour une Forza alors qu'elle croyait y chanter un Ballo ; la comparaison, à Vienne, cocasse, de ses cordes vocales avec celles de Christa Ludwig par un certain Dr. Kürsten, spécialiste de la chose.

s'élève également fermement contre la toute puissance de certains metteurs en scène, en égratigne quelques-uns, et consacre un chapitre entier à ses fans et ”fanas”. Elle enrichit également son texte d'analyses percutantes des rôles de Senta (qu'elle déteste) Isolde, Elisabeth (qu'elle déteste) et Turandot. Nous sommes à la fête. Confidences, qui n'en sont plus, et aveux surgissent alors de toutes parts. Nilsson remémore ainsi avec amour et nostalgie ses cours d'escrime à la Royal Academy de Musique de Stockholm, sa première Salomé et ses deux mois de répétitions, la Liu de Leontyne Price, une Donna Anna à Buenos Aires, avec George London et Lisa della Casa, une Walküre à Vienne (Ludwig Suthaus, Leonie Rysanek, Gottlob Frick, Hans Hotter, Jean Madeira…), le Cavaradossi de Gigli, une Missa Solemnis dirigée par Erich Kleiber, ses collègues et professeurs, toujours à l'Académie Royale de Musique de Stockholm, Günther Rennert, Karl Böhm et son départ précipité de Vienne… Pour en conclure avec un dernier concert en 1984.

Un ton, fait d'éclats, de contrariétés, d'emportements, mais aussi de calmes plats, de spleen et de tendresse, un style, alerte et leste, d'une vivacité enjouée, d'une gaieté pétillante, accroissent, comme si besoin l'était encore, l'immense régal que nous éprouvons de bout en bout à lire cette superbe autobiographie qui se conclut par une excellente discographie.

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La Nilsson, My Life in Opera. Birgit Nilsson. Préface de Georg Solti. Traduit de l’ allemand par Doris Jung Popper. Verlag für modern Kunst. 2ème édition. 308 pages. 34 €. En anglais. 2018

 
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