Mendelssohn et Schumann par Andris Nelsons à la Philharmonie de Paris
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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 22-I-2019. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Ruy Blas, ouverture en ut mineur op. 95 ; Symphonie n° 4 en la majeur op. 90 dite « Italienne ». Robert Schumann (1810-1856) : Symphonie n° 2 en ut majeur op. 61. Gewandhausorchester Leipzig, direction : Andris Nelsons
Pour ce deuxième concert à Paris dans le cadre de sa tournée européenne, le Gewandhausorchester Leipzig met en miroir la Symphonie n° 4 dite « Italienne » de Mendelssohn et la Symphonie n° 2 de Schumann. L'interprétation originale d'Andris Nelsons interroge et séduit, en clarifiant Schumann et en densifiant Mendelssohn.
L'Ouverture de Ruy Blas de Mendelssohn donne le ton d'un concert qui retrouve, ce soir encore, une phalange saxonne de haute tenue, où théâtralité est le maître mot sous la baguette d'Andris Nelsons qui mêle, avec un même bonheur, contrastes et nuances, lyrisme et drame dans un phrasé très descriptif.
La Symphonie n° 2 de Robert Schumann, composée en 1846 est une œuvre écrite dans des conditions difficiles correspondant au début de la maladie du compositeur. Créée la même année par Mendelssohn, elle oscille entre douleur et victoire, joie et résignation, avec un constant souci de rigueur dans la construction, objectivé par enchaînement des thèmes entre les différents mouvements. On a souvent reproché à Schumann la lourdeur et la densité de son orchestration. Critique bien retenue par le chef qui s'applique à clarifier et à alléger en permanence le discours, afin d'aviver les couleurs et rendre audibles tous les plans sonores, sans sacrifier la dynamique et la cohésion de l'ensemble. Le premier mouvement, Allegro, débute dans une sérénité toute religieuse qui rappelle Bach. Les cuivres y sont prédominants, se déployant sans lourdeur parmi les autres pupitres, parfaitement individualisés et équilibrés. Le Scherzo où se distinguent violons et hautbois évoque Mendelssohn par l'alacrité et la clarté des dialogues. L'Adagio séduit par son caractère méditatif sans pathos excessif, par le sublime legato des cordes, par l'ampleur des vagues orchestrales et par la rondeur des bois. Le Final, tout empreint d'allégresse, alterne tension et détente dans une fantaisie de thèmes, savamment exposés par la direction précise et ô combien attentive d'Andris Nelsons.
La Symphonie n° 4 dite « Italienne » de Felix Mendelssohn occupe la deuxième partie du concert. Composée en 1833, inspirée d'un séjour en Italie, plusieurs fois révisée, cette « Italienne » fournit un des plus beaux exemples de la veine radieuse et brillante des compositions de Mendelssohn. Une légèreté lumineuse, une dentelle orchestrale entachée d'une certaine superficialité insouciante que Nelsons tempère en densifiant son interprétation qu'il entoure d'une sombre clarté, plus crépusculaire que rayonnante. Le mouvement initial Allegro favorise la dynamique, tout en soulignant les contrastes et les nuances avec des crescendos parfaitement dosés. L'Andante est mené, ici, avec une certaine austérité quasi religieuse, se déployant dans les teintes sombres des bassons et altos rappelant la Marche des pèlerins dans Harold en Italie de Berlioz. Le Menuet suivant regagne un peu de lumière au son chantant des cordes et des bois, dans un style galant qui peu à peu s'épaissit pour s'achever dans un souffle annonçant le Nocturne du Songe d'une nuit d'été. Le Presto conclut cette interprétation en demi-teinte sur une rythmique franche et obstinée de saltarello et de tarentelle, intriqués dans un irrésistible tourbillon.
Un concert enthousiasmant qui, à l'instar de celui de la veille, confirme l'évidente complicité du chef letton avec son nouvel orchestre saxon.
Crédit photographique : Andris Nelsons © Marco Borggreve
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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 22-I-2019. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Ruy Blas, ouverture en ut mineur op. 95 ; Symphonie n° 4 en la majeur op. 90 dite « Italienne ». Robert Schumann (1810-1856) : Symphonie n° 2 en ut majeur op. 61. Gewandhausorchester Leipzig, direction : Andris Nelsons
On peut s’étonner, à lire le commentaire, qu’il faille « clarifier » la 2ème Symphonie de Robert Schumann écrite, de l’aveu même du compositeur, dans une période sombre de sa vie, en une première période de grave dépression : « Je crains qu’on puisse deviner mon état de fatigue en écoutant cette musique. J’ai commencé à devenir un peu plus moi-même au cours de la rédaction des derniers mouvements et j’étais certainement en meilleure forme à l’achèvement de mon œuvre. Cela me rappelle une période sombre de ma vie », écrivit-il à un ami …
L’intervalle de 5te (Do-Sol) aux trompettes (tandis que se traîne la reptation d’une phrase dépressive à souhait aux cordes), omniprésent à l’ouverture d’un premier mouvement de lutte, résulte de premières hallucinations auditives qui devait avoir raison de Schumann … Cette 5te reviendra dans le Scherzo, véritable « fuite en avant » d’angoisse, épargnera la prière, la supplique même de l’Adagio avant que de triompher dans cette école d’énergie salvatrice (frappante évocation du mouvement conclusif de « l’Ouverture-Scherzo-Finale »), cette sublimation de la Volonté qu’est le Finale où la « Victoire » est acquise grâce au thème de la « Bien-aimée lointaine » de Beethoven soit … un nouveau témoignage de l’Amour à Clara …