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La Valette, la capitale de Malte, résonne au son de la musique baroque durant deux semaines en janvier tous les ans. 2019 est l'année de la septième édition d'un festival international dont la force réside dans la fusion entre un patrimoine historique et un répertoire musical en totale symbiose.
Directement inspirée de l'architecture, la musique baroque trouve sa pleine magie au sein de La Valette, ville baroque fortifiée dont la première pierre a été posée en 1566 et qui regorge d'églises, de palais et de musées typiques de cette période glorieuse de l'île de Malte, soit 320 monuments sur une superficie de 55 hectares, concentration exceptionnelle qui permit à la ville son intégration en 1980 dans la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Les 6 600 habitants de la ville voient arriver chaque année en janvier, de nombreux amoureux de la musique baroque, avides d'une programmation musicale entièrement dédiée à ce répertoire, dans un lieu idéal pour présenter sa diversité. Le directeur artistique du festival, Kenneth Zammit Tabona, a su durant ces sept années, faire venir des artistes baroques de premier plan comme les contre-ténors Max Emanuel Cenčić et Iestyn Davies, la soprano Carolyn Sampson ou le ténor Nicholas Mulroy, mais aussi des chefs d'orchestre comme Harry Bicket, Steven Devine, Hervé Niquet et Leonardo García Alarcón. Porté par une reconnaissance internationale, Kenneth Zammit Tabona siège aujourd'hui au conseil d'administration du Réseau Européen de Musique Ancienne (REMA). Le festival international baroque de La Valette est également pourvu de son propre ensemble instrumental, le Valletta Inernational Baroque Ensemble (VIBE), dont l'objectif est de faire évoluer ces instrumentistes vers le plus haut niveau de la musique baroque durant les deux concerts proposés à chaque édition.
Ad honestam populi oblectationem
L'un des bâtiments incontournables du festival est le Teatru Manoel, le théâtre national de Malte. Lieu du concert d'ouverture et de clôture du festival, le théâtre Manoel peut accueillir 623 spectateurs lors des neuf concerts programmés cette année en son sein. Entièrement construit en bois et décoré à la feuille d'or, ce théâtre à l'italienne de trois étages de loges et pourvu d'une élégante salle baroque au lustre impressionnant, permet d'offrir depuis 1731, un « divertissement honnête » au grand public, devise inscrite au-dessus de l'entrée principale du théâtre (« Ad honestam populi oblectationem »).
Mais le chef d'œuvre de l'art baroque de la ville reste indéniablement la co-cathédrale Saint-Jean et son intérieur époustouflant passé sa façade sobre voire austère. Ses piliers et ses murs tous recouverts d'or, ses œuvres de Caravage, son sol constitué de 400 pierres tombales ornées de blason des chevaliers morts à Malte, sa voûte entièrement recouverte de fresques représentant la vie de saint Jean-Baptiste, ses huit chapelles dédiées à une langue de l'ordre des chevaliers de Saint-Jean (Auvergne, Aragon, Castille, León et Portugal, Anglo-Bavière, Provence, France, Italie, Allemagne, et la Chapelle Notre-Dame de Philermos), émerveillent le visiteur qui pourra y apprécier dans les prochains jours les Variations Goldberg par l'organiste Hansjörg Albrecht, ou encore la Passion selon saint Matthieu BWV 244 par l'Orchestre du siècle des Lumières et son directeur John Butt.
D'autres scènes du festival valent de la même manière un détour tels que l'Oratoire du crucifix et ses traits baroques typiques qui préservent l'image miraculeuse de Jésus Rédempteur, ou que des lieux plus surprenants pour un festival de musique comme le Musée maritime de Malte, la Bibliothèque nationale ou encore le Musée d'Archéologie et son salon richement orné.
Une programmation imaginative
L'attractivité du festival tient également dans l'implication de son directeur artistique vers les redécouvertes et bien d'autres propositions en dehors des sentiers battus. En 2015, les festivaliers ont ainsi pu apprécier l'oratorio Il Diluvio Universale de Michelangelo Falvetti, compositeur sicilien du XVIIe siècle totalement oublié de nos jours. Étonnamment, la troisième édition du festival en 2015 avait également pu offrir une belle vitrine à la musique contemporaine inspirée du langage baroque notamment le Concerto pour flûte de Lukas Foss (1922-2009). En 2016, Richard Strauss et Ottorino Respighi comptaient dans les rangs des compositeurs programmés.
S'inscrivant dans la même démarche, en 2019, la soirée « Barock'n' Roll » fera entendre des chansons de Chuck Berry, Elvis Presley, Ray Charles et du « Vivaldi Metal » grâce à l'Ensemble Matheus et son directeur Jean-Christophe Spinosi, grands habitués d'expériences musicales inédites. Plus tard dans le mois, ce seront Anton Webern (1883-1945), Richard Strauss (1864-1949), Dimitri Mitropoulos (1896-1960) et Michalis Economou (né en 1973), les « inspirés du baroque », qui feront la richesse d'une soirée menée par l'Orchestre Philharmonique de Malte, alors que la musique contemporaine se mêlera aux œuvres de Johann Sebastian Bach au grand salon du Musée d'archéologie de la ville, avec une transcription du Contrepoint à New York de Steve Reich (né en 1936), un extrait de Recitation Book de David Maslanka (né en 1943) et Mémoire de Danses de Nepomuk de Marcelo Zarvos (né en 1969). Les festivaliers pourront aussi (re)découvrir l'œuvre du compositeur et organiste espagnol baroque, Sebastián Durón (1660-1716), ou la Venus & Adonis de Johann Christoph Pepusch (1667-1752).
La nouveauté du festival est la possibilité cette année de rencontrer certains artistes lors d'un repas organisé juste après le concert, nouvelle offre attestant surtout de la vitalité et de la variété d'un festival qui se rend aussi dans d'autres lieux typiques du patrimoine baroque maltais (Mdina, Birgu, Senglea, Rabat, Ghaxaq, Qrendi et Zejtun), afin de maintenir son rayonnement international.
Crédits photographiques : Théâtre Manoel © Tatjana Ostojić ; Co-cathédrale Saint Jean © Valletta International Baroque Festival ; Kenneth Zammit Tabona © Ray Attard