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Germaine Tailleferre, une personnalité conquérante

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Georges Auric, Germaine Tailleferre, Francis Poulenc, Louis Durey, Darius Milhaud, Arthur Honegger : six musiciens, six amis de la même génération partageant des idéaux communs, réunis autour de Jean Cocteau. Pour accéder au dossier complet : Le Groupe des Six

 

Pour quelles raisons s'intéresser à  ? Parce que c'est la seule femme du «  » ?

TailleferreOn aimerait dire que non, mais sa carrière de compositrice atteste surtout d'une personnalité conquérante qui dépassera les a priori pour se forger un avenir épanouissant. Sa présence féminine dans un groupe d'hommes au début du XXe siècle est surtout le signe d'un art aiguisé, trop peu connu encore aujourd'hui.

Une femme de caractère ? Assurément !

Et dès son plus jeune âge. Rien de plus étonnant quand on constate que l'artiste a évolué tout au long de sa carrière musicale de la même manière que ses collègues masculins. De la même manière ? Certainement pas. C'est bien plus de difficultés et de barrières qu'a dû franchir en tant que femme, musicienne et compositrice. Mais bien plus que l'atteinte d'un positionnement d'égal à égal, est allée bien plus loin en orientant son art vers un langage musical avant-gardiste. Faire plus, faire mieux, faire différemment, voilà la démarche de tout précurseur quel qu'il soit. Germaine Tailleferre est de ceux-là alors qu'aujourd'hui, le souvenir de l'artiste semble se limiter au seul visage féminin du « Groupe des Six. »

Un combat de chaque instant afin de vivre pleinement sa destinée. Cette émancipation, à l'âge de douze ans, sera sa motivation pour changer de nom, son père, Monsieur Taillefesse, s'opposant farouchement à toute étude musicale. Peu importe ! Soutenue par sa mère qui lui apprend les bases du piano, Germaine entre au Conservatoire de Paris en 1904, le début de brillantes études. Faire plus. Et vite. En effet, il n'a pas fallu deux ans à la jeune fille pour obtenir sa première médaille de solfège, succès qui s'enchaine avec un premier prix d'harmonie, un premier prix de contrepoint et un premier prix d'accompagnement. Les barrières paternelles se diluent sans s'effacer totalement face à ces reconnaissances « officielles » du talent de Germaine, Monsieur Taillefesse ne finançant toujours pas les études de la jeune musicienne. Faire plus. Encore. Technicienne reconnue, Germaine Tailleferre ne cherche pourtant pas à embrasser par la suite une carrière dans l'enseignement.

Des barrières paternelles qui deviendront maritales, les deux maris de Germaine Tailleferre portant peu d'intérêt au talent musical de leur compagne. Le premier, Ralph Barton, caricaturiste, lui fit connaître son ami Charlie Chaplin qui proposa à Germaine une collaboration musicale au cinéma, que Barton refusa catégoriquement. Le second, Jean Lageat, juriste, lui donna une fille. Pour lui aussi, la musique passait au second plan. Mais Germaine, tout comme avec son père, ne laisse pas les hommes de son entourage décider à sa place. Son premier divorce sera officialisé en avril 1931, suivi du suicide de son ex-mari un mois plus tard ; le second sera proclamé en 1955.

Faire différemment, une obligation pour une reconnaissance

Technicienne confirmée, ses études au Conservatoire n'ont pourtant pas donné toutes les cartes en main à Germaine Tailleferre pour embrasser une carrière de compositrice. Ce sera donc ses rencontres qui la forgeront, dont la première avec en 1912 qui lui donne confiance en son talent et lui ouvre la voie vers une musique inscrite pleinement dans son époque. Maurice Ravel se révèle aussi un important conseiller tant en matière d'écriture que d'orchestration, les musiciens alliant musique et amitié naturellement. Pourtant, l'admiration de Germaine Tailleferre pour la musique de Couperin, Bach ou Mozart est connue, les textures baroques de son Concerto n°1 pour piano (1923) l'affirment tout comme son ballet néoclassique pour le Ballet Suédois Le Marchand d'oiseaux (1923) ; mais son intégration dans un cercle de jeunes compositeurs réunis autour d'Erik Satie et est le départ pour une grande aventure musicale contemporaine.

Un départ remarqué en 1917 grâce à sa pièce pour deux pianos, Jeux de plein air pour deux pianos et orchestre, qui fera considérer la jeune femme auprès d'Erik Satie comme « sa sœur en musique. » Cette pièce est proposée lors du premier concert des « Nouveaux Jeunes », les musiciens de « fausses notes », le 15 janvier 1918, avec aussi sa Sonatine pour quatuor à cordes. Des « Nouveaux Jeunes » qui comptaient dans leurs rangs Guillaume Apollinaire et Pablo Picasso, Paul Eluard et Fernand Léger, Louis Aragon et Georges Braque entre autres. Les « Nouveaux Jeunes » deviennent le «  » avec , , , , et Germaine Tailleferre. Cette collaboration musicale étroite sera marquée par une œuvre collective en 1920, Les mariés de la Tour Eiffel, dont Germaine Tailleferre compose deux numéros, Valse des dépêches et Quadrille.

La sensibilité néo-classique de Germaine Tailleferre se diffuse dans toutes ses œuvres (plus de 175 partitions à son catalogue) même si son écriture se caractérise avant tout par sa clarté grâce à des mélodies à consonances populaires et à des rythmes affirmés. Son Concertino pour harpe et orchestre (1927) fait toutefois des incursions impressionnistes alors que sa Sonate pour clarinette, en 1954, s'aventure vers l'écriture sérielle et que son opéra La Petite Sirène expérimente le dodécaphonisme.

L'œuvre de Germaine Tailleferre aborde tous les genres : la musique de chambre (Sonate champêtre, 1972), deux concertos pour piano, un concertino pour harpe et orchestre (1927), un Concerto grosso pour deux pianos, huit voix solistes, un quatuor de saxophones et orchestre (1931) un concerto pour violon et orchestre (1937), trois études pour piano et orchestre… Mais c'est aussi des ballets comme Le Marchand d'oiseaux (1923), Paris-Magie (1948) et Quadrille (1949), ainsi que de nombreuses musiques de film et des opéras : Zoulaïna, opéra-comique de 1931 ; Il était un petit navire, opéra-comique de 1951 ; Du style galant au style méchant, cinq opéras de poche de 1955 ; La Petite Sirène, opéra de 1957 ; Le Maître, opéra de chambre de 1959… sans compter les nombreuses œuvres pour piano et petits ensembles.

Ce n'est qu'à la fin de sa vie que Germaine Tailleferre se consacre à l'enseignement, d'abord à la Schola Cantorum puis à l'École alsacienne de Paris. Mais à 89 ans, la musicienne compose toujours (Concerto de la fidélité pour voix aiguë et orchestre). L'élégance et la légèreté de son langage musical, associées à ses titres pleins d'humour (Pancarte pour une porte d'entrée), peuvent faire passer Germaine Tailleferre comme une artiste frivole sans prétention. Au début du XXe siècle, elle est surtout une compositrice libre et indépendante qui a combattu à chaque instant afin de vivre son destin.

Crédit photographique : image libre de droit

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