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Le Siegfried toujours incroyable d’Andreas Schager

En Siegfried et plus particulièrement dans Siegfried, le style d' offre aujourd'hui à Hambourg une interprétation incroyable, d'une puissance aussi intacte au début qu'au final, après plus de quatre heures d'opéra. Plus aboutie encore qu'à Munich en 2013, la direction de soutient l'action et caractérise d'impressionnants préludes.

Dans le cadre de deux reprises en répertoire de l'intégralité de la Tétralogie de Wagner à Hambourg cette saison, après une Walkyrie intéressante s'étoffe un Siegfried porté tant par la direction de que la distribution et la scène. Le rendu en fosse expose parfois la fatigue d'un orchestre extrêmement sollicité en cette fin d'année, ce dimanche pour le troisième soir d'affilée dirigé par le directeur musical des lieux. Pourtant, le résultat profite largement de la culture wagnérienne du chef et de son traitement spécifique du matériau musical. Ressortent de fantastiques moments grâce à d'inédits agencements des masses, ainsi qu'un traitement très singulier et particulièrement intelligent des préludes.

Pour ce volet comme pour Götterdämmerung, le ténor a été invité à reprendre un rôle pour lequel son chant puissant convient à merveille. Ni ses derniers Tristan, ni ses Parsifal n'ont convaincu par ce style trop forcé et jamais affiné. Pourtant l'on commençait à croire à un léger assagissement après le Parsifal de début de saison précédente ici à Hambourg. Mais Siegfried n'est pas un fin garçon, surtout dans l'opéra qui porte son nom. Alors plus encore qu'en Rienzi ou Tannhäuser, et peut-être mieux qu'à Berlin et Wiesbaden (sans avoir pu comparer avec Leipzig où nous n'étions pas), s'amuse comme un enfant. Il utilise son incroyable puissance aussi facilement à son entrée qu'en fin de soirée. Plus que la dernière scène, efficace mais assez peu émotive –  surtout avec une dépassée tant par le volume du héros que par la partition la plus haute des trois Brünnhilde du Ring –  Schager dynamise tout le premier acte et magnifie ensuite les duos dans lesquels il bat Fafner puis le Wanderer .

offre la même qualité de prestation que dans Die Walküre et garde l'ascendant statutaire sur le plateau ; bien que propose un Alberich parfaitement tenu et non caricaturé comme on le voit parfois, à l'instar du Mime adapté de Jürgen Sacher dans les deux premiers actes. L'entrée de au début du III montre le charisme de cette mezzo-soprano tutélaire, ici déesse de la sagesse, plus maîtresse de la profondeur de ses graves que des tremblements de la partie haute de sa tessiture. Alexander Roslavets reste aussi invisible que le dragon qu'il présente, caché dans un reptilarium dont il a détruit la vitre, dans un feuillage dense à l'image de celui de l'enclos des velociraptors de Jurassic Park. À cet acte comme au précédent, Siegfried joue avec l'Oiseau, très jolie voix claire d', qui lui apparait toujours en miroir dans les mêmes habits, en reproduisant face à lui exactement les mêmes mouvements.

Encore mieux travaillée que les deux premiers opéras du Ring, la mise en scène de présente à l'acte I un entrepôt fait d'objets usagers, dont Schager développe superbement l'utilisation. Notamment en ôtant le matelas du lit et le tambour de la machine à laver afin de refabriquer Nothung, dans une partie pour laquelle il se montre presque aussi parfait dans la justesse des coups de marteau que son aîné Stephen Gould. Le dernier acte exhibe une immense bibliothèque, dont une partie s'affaisse avec la colère du Wanderer, avant de revenir à un décor simplifié, celui du dernier acte du troisième volet donné l'avant-veille, pour récupérer la Walkyrie endormie depuis des années. Passé relativement inaperçu à sa création, ce Ring mérite véritablement le détour, surtout avec une telle équipe musicale.

Crédits photographiques : © Monika Rittershaus

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