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Famous Father Girl, portrait puissamment abouti de Leonard Bernstein

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Famous Father Girl. A Memoir of Growing Up Bernstein. Jamie Bernstein. HarperCollins. 385 pages. 28,99 $. En anglais. 2018

 
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Dès  les premières lignes  de ce Famous Father Girl. A Memoir of Growing Up Bernstein, titre passablement inélégant, voire franchement indigeste, le lecteur découvre vite la petite Jamie, fille ainée (suivront Henry, le chien, puis Alexander et Nina) de Felicia et Leonard – que nous appellerons ici, comme tout un chacun LB.

jamie bernstein harper collinsElle aussi, les yeux violemment écarquillés tel un enfant de Margaret Keane, appréhende de jour en jour, pas à pas, un monde enchanté, voire féerique, fait  d'appartements somptueux, tels ces trois que possède Daddy au Dakota, 72e rue-Central Park West (excusez du peu !), où habitent, où ont habité, Lauren Bacall, Betty pour les Bernstein, José Ferrer, , John Lennon, Yoko Ono, Rudolf Noureev etc., etc.,  un monde fait de voitures de luxe et de chauffeurs, bien sûr zélés et hautement vigilants, de nurses et cuisinières aux accents exotiques (Felicia exige que la famille parle anglais à la maison, espagnol à la cuisine), assidues, empressées (Julia restera plus de cinquante ans au service des Bernstein). Un monde insolite, souvent excentrique, souvent rocambolesque, hors normes, auquel il faudra bien que Jamie s'accoutume.

Elle échafaude alors, articule, ajuste sans cesse, une série de portraits, de « photographies » dont la plus saisissante sera, bien sûr, celle de LB, daddy adoré, vénéré qui l'étonne constamment, la bouscule, et l'effraie. Elle n'aura avec lui, en tout et pour tout, dans leur vie, qu'une seule conversation « sérieuse », vite avortée tant le sujet y est personnel. De son père elle dépeint, d'une palette chaude et touchante, un personnage insaisissable, indéfinissable. Qui vit d'alcool, de sexe, de cigarettes, de mille petites pilules orange ou bleues, qui se lève à quatre heures de l' après-midi, petit-déjeune à 21 heures, impose à toute la maisonnée ses frasques et fredaines. On ne compte plus le nombre infini de ses “assistants”… dans le désordre, Tommy, Harry, Jeff, Bobby Ted, Mark, Matt, dont il tombe amoureux à la suite et que Jamie rencontre au petit déjeuner (celui de 9 heures). L'un d'eux,  Charlie Harmon, qui aura duré quatre ans, vient d'ailleurs de publier, pour célébrer le centenaire de la naissance de LB, un On the Road and Off the record with : My Years  with the Exasperating Genius (encore un titre sobre et mesuré !) bourré de ragots et de commérages… Mais passons !

Excentricités, démesures, hystéries collectives et folies ( comment  ne pas évoquer la vie  des Durrell à Corfou ?), dans ce livre de près de 400 pages, tout y est : le Dakota, Cape Cod, Fairfield, Tanglewood, les amis et leurs visites, , Adolph Green, le président Kennedy, William Styron, , Rostro, les deuils (Kennedy, Marc  Blitzstein, John  Lennon, tous trois assassinés, Blitzstein à la Martinique, Lennon devant l'entrée du Dakota), le ski, la voile, les dîners-en-ville et les réceptions du tout New York, Karajan, Eliette, le New York Phil., Vienne, les douze épis de maïs dont il fait son dîner, les racines (Samuel et Jennie, Bar Mitzvah d'Alexander), les projets avortés (ce “musical” sur  un texte de Brecht), les Black Panthers (Tom Wolfe parlera de Radical Chic), les conférences d'Harvard, les séries télévisées destinées aux enfants, la maladie et la mort de Felicia, évoquées avec pudeur (“deuil et remords” dira Jamie), l'enregistrement de West Side Story et “l'affaire” Carreras, les causes humanitaires, son  dossier (plus de 800 pages) assemblé par le FBI, M.T.T. (), Jamie, Dudamel, Il Sistema, derniers jours et moments,  tout y est. Le père, l'époux, l' amant, le chef, le compositeur. Tout y est dit.

Ce sont aussi les portraits, les “photographies” de Felicia, de Copland, de Nina, d'Alexander, de Mike Nichols, de Dick Avedon, de et Julius Frantz,  de Lillian Hellman, Harry Kraut, Tommy Cothran, crayonnés avec tact et sensibilité, qui nous éclairent encore plus, comme si besoin l'était, sur LB et nous le font découvrir encore plus (E.M. Forster parlerait cette fois de “round character”).

Les livres sur Bernstein sont légions, on le sait (Machart, Keller, Simeone, Seldes, Cott, Burton, Peyser…). Celui-ci nous l'ausculte à vif, au scalpel, sans concessions,  mais aussi, lorsqu'il le faut,  avec délicatesse et circonspection, sensibilité, élégance, retenue, prudence, tact, bref, avec amour. Un livre émouvant, qui se lit d'un trait, écrit par celle  qui, avec Felicia, Madame Maestro, connaissait le mieux Bernstein.

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