Frédéric Aurier, jeune compositeur français d’aujourd’hui
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Créations souvent confidentielles, univers élitiste peu représenté dans les cursus des conservatoires et bien trop absent des programmes de l’éducation musicale dans les écoles… Difficile pour un spectateur lambda de percevoir les nouveaux langages de la musique et de la danse contemporaines ainsi que ses nouveaux acteurs. Quels sont aujourd’hui les jeunes compositeurs et chorégraphes de notre pays qui vont nourrir la création musicale et chorégraphique de demain ? ResMusica propose une série de portraits de cette nouvelle génération de compositeurs et chorégraphes français qui, portés par une ferveur créatrice, ont encore tout à démontrer. Pour accéder au dossier complet : Jeunes compositeurs et chorégraphes français d’aujourd’hui
Né en Auvergne en 1976 et prix du CNSM de Lyon dans la classe de Roland Dugareil, Frédéric Aurier est d'abord connu comme membre du Quatuor Béla, créé en 2006 et voué à la musique contemporaine. Lui-même se définit comme violoniste avant tout. Et c'est directement sur l'instrument que, tout jeune, il a commencé à se frotter aux partitions de notre temps.
Sa rencontre avec un autre violoniste, Jean-François Vrod, avec lequel il joue dans le trio La Soustraction des Fleurs, lui a donné le goût également de la musique populaire traditionnelle. Contemporain en tant qu'interprète, il s'est senti tout à fait légitime pour passer de l'autre côté du miroir. Parfaitement autodidacte, n'ayant jamais pris un véritable cours de composition, il a appris ce métier sur le tas, en transposant, réécrivant et accompagnant, ce qui explique son style ou geste libre, étranger à toute école. Pas de méthode exclusive non plus : il peut chercher l'inspiration directement en jouant ou en passant par le truchement de l'écriture. C'est un compositeur patient, très ouvert – aux différents répertoires, à la danse, à la voix, au théâtre – et qui vit de rencontres. Le Mur d'Hadrien (2013), commande d'État pour quatuor à cordes et double chœur (CD Béla Label BL03), lui a apporté une reconnaissance méritée. Beau symbole que ce mur, synonyme de frontière, pour un musicien qui précisément s'est affranchi de tout catéchisme !
“Une marche de nuit dans la nature”
Son expression traduit bien sa façon de concevoir la composition. Et, comme il le souligne lui-même, Frédéric Aurier est son premier auditeur, ce qui, au-delà de l'évidence, est une indication importante, puisque l'écoute, la surprise donc, et l'auditeur priment la théorie, la forme arrêtée et plus largement le dogme. Même, si nos oreilles, paresseuses par nature et formatées par la tradition ainsi que les productions commerciales, recherchent le plus souvent leur confort, il y a un plaisir intense à se laisser guider par son ouïe comme unique boussole et à s'émerveiller de la nouveauté. Écouter avant de comprendre : tout est là pour ce compositeur ! C'est ainsi par exemple qu'il cherche à échapper à la perception d'un temps linéaire, celui que donne la cohérence de la partition, où tout se déploie visuellement et où le temps est assimilé à l'espace. Frédéric Aurier préfère parler pour ses pièces de paysages musicaux (certes, il s'agit encore d'une métaphore spatiale…), avec ruptures et densités contrastées qui créent un climat d'étrangeté. C'est ce qui est en jeu dans les très lentes Impressions d'Afrique (2007) pour quatuor à cordes, pièce plus évocatrice que narrative, et aussi dans Le Mur d'Hadrien, où la musique “raconte” à sa façon, en conservant sa part de mystère.
La création ancrée dans la tradition
On l'a compris : l'inspiration de Frédéric Aurier est multiple. Finalement, ce qui compte, c'est le son. Loin de rejeter les héritages (le Bartók ethnomusicologue et assimilateur du vocabulaire populaire hongrois dans ses propres œuvres l'impressionne beaucoup), il ne cherche pas à innover à tout prix : ce qu'il veut, c'est continuer de creuser un sillon déjà ouvert tout en accueillant les influences actuelles qui lui semblent intéressantes. Voilà pourquoi il rêve d'écrire des polyphonies en micro-intervalles pour un public qui ne jugerait plus les notes comme vraies ou fausses. En 2016 fut donné au théâtre de la Croix-Rousse à Lyon le spectacle Violes, Trompes et Tambours, dont il signait la mise en scène. Ce spectacle, fruit de l'association du Quatuor Béla et du Trio Jean-Louis, issu du jazz, aboutit à un art nouveau, synthèse hétérogène de sources diverses (musique amplifiée, bruitiste, ancienne et extra-européenne). L'énergie et la jubilation innervent cet opus. Frédéric Aurier aime aussi la voix et le théâtre musical, comme il le prouve avec Mabinogion (2016) pour quatuor (Béla) et voix (Élise Caron), conte puisant dans la tradition galloise sur un livret d'Arthur Lestrange, ainsi que Borg et Théa (2016), opéra pour récitants, chœur d'enfants, quatuor à cordes, violon traditionnel et percussions.
Musicien à la croisée des chemins, Frédéric Aurier ne se prend jamais plus au sérieux qu'il ne faut ; ainsi Borg et Théa, « épopée du futur » (l'humanité doit survivre à une catastrophe écologique) composée par La Soustraction des Fleurs, s'enracine-t-elle dans l'univers des contes, mêlant onirisme et burlesque. Aujourd'hui, Frédéric Aurier projette d'écrire pour un instrumentarium inédit, à savoir un orchestrion, un piano mécanique, une vielle à roue, un nyckelharpa, un gramophone, des violons, des trompettes, etc. Tout un programme pour un compositeur immergé dans la vie musicale du présent et qui vit son travail comme un artisanat.
Crédits photographiques : Frédéric Aurier © François Lacour
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