Décevante version du Voyage d’hiver

Servie par des interprètes peu imaginatifs, cette nouvelle version du Winterreise suscitera peu d'adeptes. Était-il utile, pour un jeune chanteur non dénué de qualités, de se lancer dans un tel monument du répertoire ?

On peut être un chanteur d'opéra valeureux, qui fait les beaux soirs d'une maison de répertoire, sans pour autant être en capacité de renouveler un discours musical lorsqu'on interprète une des œuvres les plus exigeantes du répertoire vocal. Tel est un peu le cas de la basse Jan Martiník, en poste actuellement au Staatsoper Unter den Linden de Berlin. La voix est belle et agréablement timbrée, la palette dynamique appréciable, et l'on ne doute à aucun moment que l'interprète est tout à fait capable de rendre justice aux rôles qu'il interprète sur scène dans ses murs : Sarastro de La Flûte, Colline de La Bohème, Zuniga dans Carmen, etc. L'incapacité du chanteur à varier l'expression et à produire une construction et une progression dramatiques au cours de ces pièces est malheureusement rédhibitoire, et dans le cadre d'une discographie foisonnante, marquée par les plus grands chanteurs de mélodies toutes catégories vocales confondues, on voit mal l'intérêt d'une telle réalisation. Le piano de David Mareček, tout juste correct, suscite lui aussi la plus grande indifférence.

Les nombreuses photos accompagnant la pochette montrent les deux interprètes partant, munis chacun de leur sac à dos, en route pour une promenade hivernale à travers une forêt de Bohème. Était-ce un moyen de suggérer l'adjectif qu'inspire l'écoute de ce CD ? Tristement prosaïque…