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Metz. Opéra-Théâtre de Metz-Métropole. 23-X-2018. Charles Gounod (1818-1893) : Faust, opéra en cinq actes sur un livret de Jules Barbier avec la collaboration de Michel Carré, d’après la légende du même nom et la pièce de Goethe. Mise en scène : Nadine Duffaut. Chorégraphie : Éric Belaud. Décors : Emmanuelle Favre. Costumes : Gérard Audier. Lumières : Philippe Grosperrin. Vidéo : Arthur Colignon. Avec : Chloé Chaume, Marguerite ; Annie Vavrille, Marthe ; Luca Lombardo, Faust (âgé) ; Thomas Bettinger, Faust ; Homero Pérez-Miranda, Méphistophélès ; Guillaume Andrieux, Valentin ; Rémy Mathieu, Siebel ; Benjamin Colin, Wagner. Chœur de l’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole (chef de chœur : Nathalie Marmeuse). Chœur de l’Opéra national de Lorraine (chef de chœur : Merion Powell). Ballet de l’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole (direction : Laurence Bolsigner-May). Orchestre de l’Opéra de Reims, direction : Cyril Englebert
Nouveau concept pour une intéressante relecture de l'opéra de Gounod par la metteure en scène Nadine Duffaut, ardemment défendue par une distribution convaincante et d'une belle homogénéité.
Les mythes ancestraux, on le sait, appellent la relecture et le Faust de Goethe revu par Gounod et ses librettistes n'échappe pas à la règle. On ne s'offusquera donc pas d'une énième transposition, bien au contraire, toute interprétation cohérente, quand elle est servie par un point de vue pertinent qui ne malmène pas le texte, ne pouvant qu'être la bienvenue. Les grands chefs-d'œuvre que la tradition a maintenus au répertoire ont grand besoin, au contraire, d'être rafraîchis de temps en temps. C'est en tout cas ce qu'a fortement ressenti le public messin avec la proposition faite par Nadine Duffaut et ses équipes pour cette nouvelle mise en scène du Faust de Gounod.
L'idée générale est de présenter l'intrigue comme le retour sur sa vie, à la veille de sa mort, opéré par un Faust fatigué et vieillissant, en proie au remords. En lieu et place du pacte signé avec le diable (néanmoins suggéré par la piqûre intraveineuse d'un Faust convalescent…), on verra donc le regard rétrospectif, empli de doutes et d'incompréhension, que jette un personnage désabusé sur les excès, les errements et les erreurs de sa jeunesse. La dimension christique du personnage, maintenue tout au long de l'opéra, est rappelée par la projection sur toile de fond du fameux Christ couronné d'épines du peindre danois Carl Heinrich Bloch. Les différents personnages du drame n'hésitent pas à apparaître au sein même de la toile, rappelant la dimension spirituelle de ce parcours initiatique. L'action, par conséquent, se déroule dans un décor unique, pour ainsi dire désert, dans lequel on reconnaîtra tout au plus, au milieu d'objets épars, le lit de mort de Faust âgé, devenu plus tard dans la soirée, pour la scène du jardin et lors de la nuit de Walpurgis, le lieu de ses luxures. Le même objet représentera à la scène de l'église le prie-Dieu où viendra s'agenouiller Marguerite.
Le parti pris de stylisation souhaité par Nadine Duffaut nous vaut quelques images de toute beauté, notamment en deuxième partie de soirée. La scène de la balançoire, substituée au rouet de la tradition afin d'évoquer la solitude et l'attente de Marguerite dans un décor glacial et hivernal, compte parmi les moments les plus réussis de la soirée. Débarrassées du kitsch que certaines mises en scène ne parviennent pas à gommer entièrement, les scènes de foule sont également bien traitées, et cela quelle que soit l'intention esthétique qui les traverse. Les maquillages outranciers de l'acte II, qui donnent un caractère fantasmatique au propos, cèdent ainsi la place à de vrais costumes de soldats en deuxième partie. Le réalisme de la scène est renforcé encore par la diffusion d'images d'archives captées lors de la Grande Guerre, et la mort de Valentin atteint un caractère poignant qu'elle n'a pas d'habitude. La vidéo est utilisée à bon escient pour se substituer aux éléments « kitsch » de l'ouvrage, comme par exemple le bouquet de fleurs de Siebel, les pétales de Marguerite, etc. Dans l'ensemble, la direction d'acteurs est juste et convaincante, et le succès tient en grande partie au travail d'équipe accompli sur place et dans d'autres lieux. Coproduit avec les Opéras d'Avignon, de Nice, de Marseille, de Massy et de Reims, le spectacle a été donné tout récemment à l'Opéra de Reims.
Le plateau est dans l'ensemble d'une belle homogénéité vocale, aucun des interprètes ne se détachant véritablement du reste de la distribution. Belles prestations ainsi d'Annie Vavrille en Dame Marthe et de Rémy Mathieu en Siebel ; redevenu ténor, le personnage récupère la romance « Si le bonheur à sourire t'invite », qui lui est généralement retirée. Luca Lombardo, davantage spécialisé aujourd'hui dans les rôles de caractère, fait encore belle figure dans son incarnation de Faust âgé. On préférerait presque sa voix, certes légèrement grisonnante, à celle de Thomas Bettinger, vaillante et robuste notamment pour des aigus triomphants, mais au timbre quelque peu dépourvu de charme et de musicalité. Déjà Méphisto à Metz en 2012, Homero Pérez-Miranda continue à impressionner par sa composition à la fois terrifiante et comique du rôle, tout en ayant quelque mal à domestiquer sa voix et son français ; on n'oubliera pas de sitôt le moment où, en fermant le rideau de scène, il jette un voile pudique sur les ébats de Faust et de Marguerite. Cette dernière est incarnée par la soprano Chloé Chaume, laquelle fait valoir un instrument ductile et agréablement timbré, quoiqu'un peu court dans les aigus. La jeune cantatrice, pleinement investie dans ce rôle écrasant, sait néanmoins économiser sa voix et parvient sans encombres jusqu'à la redoutable scène finale.
On aura gardé pour la bonne bouche le Valentin de Guillaume Andrieux, non par pour des moyens vocaux qui ne sont en rien exceptionnels, mais pour la qualité générale de sa prestation : diction exemplaire, phrasés parfaitement maîtrisés et jeu d'acteur sobre et consommé. Sa mort aura été un des grands moments de la soirée. Une fois encore, les chœurs réunis des deux Opéras lorrains auront fait honneur à leurs deux maisons, et l'on accueillait avec bonheur l'Orchestre de l'Opéra de Reims. Précise et efficace, la direction du chef Cyril Englebert rend elle aussi justice à une des plus belles partitions d'orchestre du répertoire lyrique français.
Crédit photographique : Luca Lombardo, Thomas Bettinger, Homero Pérez-Miranda et Rémy Mathieu (photo n°1) ; Chloé Chaume, Luca Lombardo et Rémy Mathieu (photo n°2) ; Guillaume Andrieux et Chloé Chaume (photo n°3) : © Luc Bertau – Opéra-Théâtre de Metz Métropole
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Metz. Opéra-Théâtre de Metz-Métropole. 23-X-2018. Charles Gounod (1818-1893) : Faust, opéra en cinq actes sur un livret de Jules Barbier avec la collaboration de Michel Carré, d’après la légende du même nom et la pièce de Goethe. Mise en scène : Nadine Duffaut. Chorégraphie : Éric Belaud. Décors : Emmanuelle Favre. Costumes : Gérard Audier. Lumières : Philippe Grosperrin. Vidéo : Arthur Colignon. Avec : Chloé Chaume, Marguerite ; Annie Vavrille, Marthe ; Luca Lombardo, Faust (âgé) ; Thomas Bettinger, Faust ; Homero Pérez-Miranda, Méphistophélès ; Guillaume Andrieux, Valentin ; Rémy Mathieu, Siebel ; Benjamin Colin, Wagner. Chœur de l’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole (chef de chœur : Nathalie Marmeuse). Chœur de l’Opéra national de Lorraine (chef de chœur : Merion Powell). Ballet de l’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole (direction : Laurence Bolsigner-May). Orchestre de l’Opéra de Reims, direction : Cyril Englebert