Facettes poétiques de Debussy en mélodies et musique de chambre

Comme dans un concert composé pour un salon de musique plutôt que pour un récital, des mélodies alternent avec des pièces de musique de chambre de Debussy, nous promenant dans sa poésie, sa modernité et sa diversité. À une transcription pour quintette du Prélude à l'après-midi d'un faune, fait écho une création de Tôn-Thât Tiêt, qui lui rend un hommage original.

Dès Nuit d'étoiles, mélodie que Debussy a composée à 18 ans à peine en 1880, on est plongé dans un univers de chatoiement harmonique auquel la voix, à la fois sobre et délicate de Maya Villanueva donne son charme sans ostentation. Son excellente diction est précieuse pour ce répertoire. La succession de pièces de musique de chambre et de mélodies met en valeur toute sorte d'aspects du style debussyste, réunis par un même élan poétique. Chacune d'entre elles mériterait un commentaire, comme le fait l'excellente notice du CD proposée par Mathieu Ferey. On sent Debussy évoluer dans cette période de passage du XIX^e au XX^e siècle, à la fois confronté aux grands courants esthétiques de l'époque et menant son chemin très personnel. Ressortent sa distance parfois ironique, ses moments d'humour, mais aussi ses élans passionnés. Bien sûr, quelques Images, bien rendues par le piano de Romain David, ou les mélodies des Fêtes galantes sur des poèmes de Verlaine, nous touchent parce qu'elles renvoient à ce qui fait souvent aimer Debussy. Mais Pantomime ou l'épure des Trois poèmes de Stéphane Mallarmé, comme la Sonate pour violon et piano, avec Stéphanie Moraly, précise et expressive, ou encore la très belle Sonate pour violoncelle et piano, que Patrick Langot nuance de couleurs parfois sombres, toutes les deux composées pendant la guerre, montrent la diversité de son œuvre.

L'arrangement par Benoît Menut, pour quintette avec piano, du célèbre Prélude à l'après-midi d'un Faune permet d'en saisir le romantisme, au-delà de son inspiration symboliste et de sa réputation de musique impressionniste à laquelle contribuent les timbres des vents dans la partition originale. L'absence de flûte, notamment, est forcément un peu frustrante. Ainsi, l'interprétation évoque davantage les moments où le faune « se laisse aller au soleil enivrant » que les « décors successifs à travers lesquels se meuvent ses désirs et ses rêves ».

Tôn-Thât Tiêt a composé ses Regards dans la brume à la demande du Quintette Syntonia. Dans cet autre univers musical, où l'on reconnaît quelques échos de Debussy, des moments très contrastés créent une atmosphère qui renvoie elle aussi à l'art mallarméen de l'ellipse et des allusions.