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Bernadette Lespinard. Les passions du chœur, la musique chorale et ses pratiques en France 1800-1950. Editions Fayard. 679 p. 29 €. Mai 2018.
Les passions du chœur de Bernadette Lespinard constitue une somme sur 150 ans d'histoire sociale et politique du chant choral en France, qui donne à comprendre la pratique chorale d'aujourd'hui.
Alors que les ministres de l'Éducation Nationale et de la Culture ont présenté en décembre 2017 un plan visant à développer le chant choral dans tous les établissements scolaires à l'horizon 2019, promesse bien ambitieuse, la musicologue Bernadette Lespinard, qui fut professeur au CNR de Grenoble de 1968 à 2002, publie aux éditions Fayard un livre volumineux « Les passions du chœur » sous- titré « La musique chorale et ses pratiques en France 1800-1950 ».
Il s'agit d'une histoire sociale et politique du chant choral au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle. Une période donc antérieure à l'accès par le plus grand nombre à la musique par la radio, le disque et à fortiori Internet, l'écoute pouvant servir de déclencheur dans le souhait de pratiquer la musique, les musiciens amateurs constituant par ailleurs une part non négligeable du public des lieux et salles de concert.
Divisé en cinq grandes parties, le livre de Bernadette Lespinard se lit aisément et a l'avantage de ne pas se limiter à Paris, s'attardant souvent sur les pratiques chorales dans des villes de province, Lyon et Strasbourg en particulier. Au cours de la période étudiée qui débute au lendemain de la Révolution française et ses conséquences regrettables dans le domaine musical (licenciement de la Chapelle du roi en avril 1791, anticléricalisme alors que la musique chorale est jusqu'à cette époque confinée dans le répertoire religieux des maîtrises de garçons), c'est la naissance de tout un répertoire profane, souvent monumental, qui ponctue la vie politique et sociale. La musique chorale devient alors étendard des idées politiques au gré des affres de l'histoire, des changements de régimes tout au long de la période. Ce goût du monumental, des effectifs pléthoriques se manifestera également dans le répertoire religieux (Lesueur, Cherubini).
Les maîtrises renaissent difficilement dès le début du XIXe siècle, mais seront à nouveau touchées par la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat. Le XIXe siècle est par ailleurs marqué par la restauration du chant grégorien (Solesmes), par les compositeurs « néo-renaissants » comme Saint-Saëns, Gounod et Franck, par le développement d'un répertoire avec orchestre lié à la naissance de l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire (1828). C'est aussi la redécouverte de compositeurs du passé (Palestrina, Bach), dans le sillage d'écoles privées : Ecole Niedermeyer (1853), Schola Cantorum (1896), tout comme la constitution d'un répertoire d'oratorios, de psaumes, motets, de messes (Fauré, Ropartz, Milhaud, Honegger, Poulenc, Messiaen, Duruflé) et de chansons populaires harmonisées.
Dès 1830 se pose la question de l'enseignement du chant choral à l'école : malgré des volontés, des utopies, la concrétisation de manière massive et efficace par les pouvoirs publics se fait rare. Bernadette Lespinard insiste en outre sur les mouvements populaires comme le mouvement orphéonique à destination des ouvriers et employés au XIXe siècle, la Fédération musicale populaire à partir du Front populaire, mais aussi les mouvements de jeunesse dans la France occupée.
Il faudra attendre l'après-Seconde Guerre mondiale pour que se développe progressivement la professionnalisation des chœurs et des chefs de chœur, tout comme l'enseignement musical à l'école et l'enseignement spécialisé à grande échelle.
Si tous les chapitres, tous les sujets ne sont pas du même intérêt, cette publication n'en est pas moins de premier ordre pour connaître le paysage français du chant choral amateur qui a permis l'éclosion ultérieure de formations telles que la Maîtrise de Radio France, le Chœur de l'Orchestre de Paris, les chorales franco-allemandes de Bernard Lallement, les chœurs successifs de Philippe Caillard, l'ensemble vocal Audite Nova puis le Chœur d'Oratorio de Paris de Jean Sourisse, le Chœur régional Vittoria d'Ile-de-France de Michel Piquemal et tant d'autres.
Un ouvrage synthétique qui malgré son épaisseur ne trouve guère d'équivalent sur le sujet et en fait une parution salutaire et précieuse.
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Bernadette Lespinard. Les passions du chœur, la musique chorale et ses pratiques en France 1800-1950. Editions Fayard. 679 p. 29 €. Mai 2018.
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