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Gina Bachauer ou l’art français d’une pianiste grecque

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« Gina Bachauer – The rare recordings”. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Toccata, Adagio et fugue BWV 564 (arr. Busoni) ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concertos pour piano n°24 K. 491 et n° 26 K. 537 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) :, Concerto n°5 « L’empereur » ; Franz Liszt (1811-1886) : Funérailles, Rapsodie n°12, Rapsodie espagnole (arr. Busoni) ; Edvard Grieg (1843-1907) : Concerto pour piano ; Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n° 2 ; Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Concerto pour piano n° 2 ; Gabriel Fauré (1845-1924) : Ballade pour piano et orchestre op. 19 ; Claude Debussy (1862-1918) : Pour le piano ; Maurice Ravel (1875-1937) : Gaspard de la nuit. Gina Bachauer, piano. The London Orchestra, Alec Sherman, London Symphony Orchestra, Stanislaw Skrowaczewski, BBC Symphony Orchestra, Basil Cameron. 4 CD Profil Hänssler. Enregistrements entre 1949 et 1962 à Londres. Notice bilingue Allemand Anglais (brève biographie de Gina Bachauer). Durée totale : 286:00

 
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« , the rare recordings » ? Voire.

Gina Bachauer_The Rare Recordings_ProfilLa plupart auront déjà paru en CD, des albums célébrissimes pour Mercury – son impétueux diptyque Empereur de Beethoven-Deuxième de Brahms mené avec rigueur par – aux sessions londoniennes pour His Master's Voice, en effet peu distribuées jusqu'à 2007 lorsque EMI Classics les réédita dans un double album de sa collection « Les Rarissimes ».

Profil ajoute les gravures de 1949 – transcendante Toccata, Adagio et Fugue dans la parure de Busoni (avec dans l'Adagio ce phrasé hors du temps où chaque note est en résonance, Bachauer entendait la complexité harmonique comme peu de pianistes), et deux Liszt dont une stupéfiante Rhapsodie hongroise n° 12 ainsi que la plus tardive Rhapsodie espagnole (1951, là encore dans le décor de Busoni), disque qui fit la première célébrité de Bachauer aux États-Unis. Le Concerto de Grieg, en concert au Proms en 1961, documente son art vigoureux, toujours plus volcanique en public. Ensemble composite donc, qui n'est finalement pas dominé par les Mercury où se fait jour derrière la formidable santé de ce jeu athlétique le souci d'un certain classicisme (le discours hautain de Skrowaczewski n'y est pas pour peu), mais bien par les EMI des années 1950. Les deux concertos de Mozart (24, 26) avec Alec Sherman, son époux à la ville, étonnent par leur retenue, leur discours modeste. Bachauer y mesure son grand clavier pour chanter sereinement, manière admirable qui prenait le contre-pied des pianistes de la génération précédente, trop soucieux de faire entendre chez l'ultime Mozart déjà le jeune Beethoven.

La part française, splendide, révèle toute la palette de son jeu de timbres, la maîtrise des couleurs et une technique transcendante qui fait ses dix doigts absolument égaux en termes de puissance et de vélocité. Le grand style néoclassique qu'elle déploie dans le Concerto n° 2 de Saint-Saëns rappelle qu'elle fut une des plus brillantes élèves de la classe de Cortot à l'École Normale de Musique. Sa Ballade de Fauré, jouée sans mollesse mais non sans rêve, répond à celle, justement légendaire, de Marguerite Long par des timbres plus profus, un clavier joué plus large. Pourtant c'est chez les modernes que son génie éclate : Pour le piano devient sous ses doigts un manifeste radical, violent, emporté, d'une plénitude harmonique stupéfiante, et pour son impérissable Gaspard de la nuit, elle convoque tout un arsenal de nuances, creuse son clavier, poétise les timbres – son Gibet implacable est un modèle – et libère dans Scarbo une énergie démoniaque. Elle reviendra à Gaspard de la nuit pour Wilma Cozart-Fine, les micros de Mercury captant à merveille son piano (et John Gielguld lui lisant les poèmes d'Aloysius Bertrand), mais le souffle de sa première gravure ne s'y retrouvera pas. Ne serait-ce que pour celui-ci, ce coffret Profil est impérissable.

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