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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 5-X-2018. Richard Wagner (1813-1883) : Prélude et Mort d’Isolde ; Arnold Schoenberg (1874-1951) : La Nuit transfigurée ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n° 7 en mi majeur. Philharmonia Orchestra, direction : Esa-Pekka Salonen
Pour leur traditionnel passage à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, Esa-Pekka Salonen et le Philharmonia Orchestra livrent au public parisien un concert de belle tenue, très apollinien, où manque toutefois le frisson dionysiaque.
Tandis qu'à la même heure un autre Finlandais, Mikko Franck, fait swinguer la Philharmonie de Paris en célébrant Bernstein, c'est dans la salle de l'avenue Montaigne, bien peu remplie, qu'Esa-Pekka Salonen déroule un programme tout entier construit à l'ombre de Richard Wagner.
À tout seigneur, tout honneur, le Prélude et la Mort d'Isolde ouvre la soirée sur le célébrissime accord qui marquera à jamais l'histoire de la musique puisqu'il ouvrira la voie à l'atonalité et à la musique nouvelle de la seconde école de Vienne. Le charismatique chef connait son Wagner sur le bout des doigts comme en témoigne l'attaque douloureuse du Prélude par les magnifiques violoncelles, dans un climat tout imprégné d'une attente, bientôt habitée par un crescendo orchestral que Salonen porte jusqu'à l'incandescence par une dynamique implacable avant que ne s'élève le Liebestod, superbement conduit mais manquant un peu d'émotion et de sensualité pour nous convaincre totalement.
Connaissant l'excellence des cordes du Philharmonia, on ne s'étonnera pas que Salonen ait choisi la version pour orchestre à cordes de la Nuit transfigurée de Schoenberg. Une partition qui appartient encore à la période dite tonale du compositeur viennois mais qui annonce clairement par ses écarts harmoniques son évolution ultérieure. Il serait vain de chercher dans cette pièce inspirée d'un poème de Richard Dehmel une quelconque musique à programme ; il s'agit à l'évidence de musique pure et envoûtante débordant de lyrisme où l'on apprécie tout particulièrement le sublime legato des cordes, la densité de leur sonorité, ainsi que la clarté de la mise en place et la tension de la dynamique.
Il y a peut être plus de réserves à émettre concernant la Symphonie n° 7 d'Anton Bruckner qui conclut la soirée. Une œuvre contemporaine de la mort de Wagner, qui se veut une sorte d'hommage posthume rendu au maître de Bayreuth. Des critiques qui tiennent, en premier lieu, à l'acoustique de la salle qui supporte mal les grands appels de cuivres, mais également à une certaine hétérogénéité parmi les pupitres du Philharmonia et notamment dans celui des trompettes et des trombones dont les sonorités volontiers criardes produisent un cruel et douloureux contraste avec la douceur des cordes ou la rondeur des tubas wagnériens. Le premier mouvement Allegro Moderato séduit par le lyrisme éperdu des cordes, par la véhémence des cors et le relief du phrasé. Le second mouvement Adagio fait la part belle aux superbes tubas wagnériens et aux cordes graves pour instituer un climat de déploration pathétique auquel succède bientôt une consolation presque galante. Le Scherzo oppose cordes et cuivres suivant une progression rythmique très marquée, précédant un Final qui frôle, hélas, la caricature par la violence excessive des appels de cuivre qui prennent des allures de fanfare grandiloquente. Le subtil équilibre de la péroraison brucknérienne en est ainsi rompu.
Crédit photographique : Esa-Pekka Salonen © Todd Rosenberg
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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 5-X-2018. Richard Wagner (1813-1883) : Prélude et Mort d’Isolde ; Arnold Schoenberg (1874-1951) : La Nuit transfigurée ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n° 7 en mi majeur. Philharmonia Orchestra, direction : Esa-Pekka Salonen
On peut s’étonner de la critique « des trompettes et des trombones dont les sonorités volontiers criardes produisent un cruel et douloureux » … de « la violence excessive des appels de cuivre qui prennent des allures de fanfare grandiloquente » … Il suffit de considérer la partition en les exigences dynamiques clairement définies desdites trompettes et des dits trombones notamment dans l’extraordinaire Coda du 1er mouvement (considérer avec quel art dans le déploiement des voix Bruckner fait sonner l’accord de Mi Majeur, les climax de l’Adagio – apothéose de gloire de l’accord parfait d’Ut Majeur – et du Finale et la Coda du même Finale) … et se souvenir que l’orchestration de Bruckner « vient de l’orgue », s’opposent aux fondus et doublures à la manière wagnérienne (ce qui suffit à condamner l’ineptie de cette vision d’un Bruckner qui serait un « wagnérien ») et opposent les instruments « par famille » …