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De la Russie à l’Occident. Mémoires musicaux et autres souvenirs. Nathan Milstein et Solomon Volkov. Editions Buchet Chastel, Paris. 368 pages. 23 euros. 2018
Les souvenirs des grands musiciens sont parfois décevants ; ceux de Nathan Milstein ne font pas exception car le violoniste russe ne s'élève guère au-dessus de l'anecdote et ne nous apprend rien sur son art. C'est dommage, même si ce livre n'est pas sans intérêt.
Réédition d'un livre paru en 1990 des souvenirs de Nathan Milstein, mis en forme, sans qu'il soit précisé dans quelle mesure, par le très contesté Solomon Volkov à qui l'on doit un témoignage sur Chostachovitch qui suscita une intense polémique.
Soyons clair d'emblée : ce livre n'apprend rien sur l'art de Milstein. Il retrace la vie et la carrière du musicien russe, de ses débuts à Odessa à sa gloire après l'émigration, survenue en même temps que celle de son grand partenaire de concerts, Vladimir Horowitz. On y côtoie tous les grands musiciens avec lesquels Milstein a travaillé, compositeurs essentiellement russes mais pas uniquement (Ysaÿe y tient une part de choix).
Les jugements du violoniste, admirateur inconditionnel de Rachmaninov (dont il semble pourtant négliger curieusement les rares œuvres écrites pour le violon comme les morceaux opus 6 ou les deux trios), très critique vis à vis de la personnalité de Stravinsky, voire injuste vis à vis de Prokofiev, dont il juge toutes les partitions écrites après le retour en Russie sans valeur (Roméo et Juliette, les trois dernières symphonies ou les sonates de guerre pour piano sans valeur ?) sont souvent à l'emporte-pièce.
Farouchement anti-communiste, Milstein manifeste en revanche une réelle indulgence pour le régime hitlérien et les musiciens allemands qui ont rejoint le parti nazi, comme Karajan, faisant un parallèle avec Oistrakh et Kogan qui avaient eux-mêmes rejoint le parti communiste sous Staline.
Il n'hésite pas à soutenir qu'un bon orchestre pourrait très bien jouer sans chef, profession qu'il tient en peu d'estime, à l'exception de rares chefs comme Furtwängler. Il est vrai que, Rachmaninov et Balanchine exceptés, il ne témoigne guère de sympathie pour les grandes personnalités artistiques qu'il a côtoyées.
Paradoxe, Milstein qui fut l'un des plus grands violonistes de son siècle, un interprète de Bach notamment absolument majeur, ne ressort pas vraiment grandi d'un tel livre. On s'étonne aussi de son peu d'intérêt pour le violon en tant qu'instrument, et de sa relative indifférence pour la lutherie. Enfin, de nombreuses fautes de nom ou de traduction auraient pu être évitées par une relecture attentive (Roger Desormier au lieu de Desormières, les quatre dernières chansons de Strauss, etc.).
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De la Russie à l’Occident. Mémoires musicaux et autres souvenirs. Nathan Milstein et Solomon Volkov. Editions Buchet Chastel, Paris. 368 pages. 23 euros. 2018
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