Chaillot : du Palais du Trocadéro au Théâtre national de la danse
Plus de détails
Devenu théâtre national de la danse en 2016, le Théâtre de Chaillot entretient avec la danse une longue histoire. Dès l'ouverture du Palais du Trocadéro, on retrouvait déjà les têtes d'affiche de la danse contemporaine et un rapport populaire et festif au public, enrichi et encouragé par la suite.
Le Palais du Trocadéro est construit pour l'Exposition universelle de 1878. C'est une immense salle des fêtes de 4 600 places qui n'accueille qu'exceptionnellement des spectacles chorégraphiques et où des compagnies et des artistes déjà célèbres répondent à la forte demande de leur public. Ce sera le cas d'Isadora Duncan, pionnière de la danse moderne, en mars 1913, dont les représentations sont précédées d'une conférence par Joséphin Péladan. Les élèves de son école de danse, avec ou sans elle, continueront à se produire à Chaillot jusqu'en 1923.
L'inauguration du Théâtre National Populaire, sous la direction de Firmin Gémier, en novembre 1920, se déroule avec le concours du ballet de l'Opéra, sous la houlette de Léo Staats, son maître de ballet. Au printemps 1921, s'ouvre la quatorzième saison des Ballets Russes, dont le succès est tel qu'il permet à d'autres artistes russes de se produire de mars à juin au Palais du Trocadéro. Enfin, la salle accueille la compagnie d'Anna Pavlova, héritière de la tradition classique russe et issue, elle aussi, des Ballets Russes, dont l'interprétation de La Mort du Cygne, une chorégraphie de Michel Fokine sur la musique de Camille Saint-Saëns, marque les esprits. Après cette apothéose, la danse à Chaillot s'endort pendant plus de dix ans.
Elle est réveillée par La Argentina, danseuse et chorégraphe espagnole née à Buenos Aires, qui devient la figure de proue du flamenco. Elle se produit à Chaillot en 1932, 1933 et 1935, notamment avec L'Amour sorcier, sur la musique de Manuel de Falla, qu'elle dansera encore quelques mois avant son décès en 1936.
Nouvelle ère pour le Palais de Chaillot
Avec la construction du Palais de Chaillot, s'ouvre en 1938 une période durant laquelle la danse prend une part croissante dans la programmation : danse moderne avec Alexandre et Clotilde Sakharoff lors d'un gala donné en 1939, ou répertoire des Ballets Russes interprété par les Ballets de Monte Carlo de René Blum en juin 1939. Après la Seconde Guerre mondiale, c'est Serge Lifar, à la tête des Nouveaux Ballets de Monte-Carlo ou Janine Solane, formée chez Léo Staats à l'Opéra de Paris, qui furent les figures emblématiques du renouveau de la danse à Chaillot. Sans oublier les nombreux galas de danse, à la programmation éclectique, qui réunissent des danseurs de l'Opéra, de l'Opéra Comique ou du Ballet des Champs-Élysées et des artistes de music-hall. Maurice Béjart y fait même des apparitions à deux reprises, en 1948 et 1950.
La refondation du TNP en 1951 par Jean Vilar modifie la part de la danse dans la programmation. Le théâtre accueille désormais des troupes venues d'ailleurs, qui initient le public aux danses du monde. C'est aussi de cette époque que datent les premiers bals modernes, où le public est invité à danser à l'occasion des Nuits dansantes imaginées par le TNP. Le tournant vers la danse contemporaine date des années 1960, avec l'invitation faite à Maurice Béjart et son Ballet du XXe siècle de se produire sur la scène de Chaillot avec Le Sacre du printemps. Cette période dure douze ans, jusqu'au départ de Georges Wilson, qui a succédé en 1963 à Jean Vilar, dont les grands noms seront Roland Petit, lequel se voit confier la direction artistique d'un Festival populaire de ballet, Zizi Jeanmaire et sa revue, ou Maurice Béjart, qui reviendra à Chaillot en novembre 1967 avec sa Messe pour le Temps présent présentée au Festival d'Avignon l'été précédent ; et de nouveau en 1970, qui verra également la première parisienne de Bhakti avec Jorge Donn.
La danse à Chaillot fera une éclipse dans les années 1970 et 1980, qui accueilleront néanmoins à plusieurs reprises Maurice Béjart, Joseph Russillo, Susan Buirge (hors les murs), Twyla Tharp et, pour la première fois, Blanca Li, à la fin des années 1980, quand Jérôme Savary devient directeur du Théâtre de Chaillot. Avec le cycle La Danse à Chaillot, de nouveaux noms font leur apparition, comme Jean-François Duroure, venu du Centre national de danse contemporaine d'Angers ou Catherine Diverrès, issue de l'École Mudra fondée par Béjart à Bruxelles.
Les années 1990 verront le retour de la danse à Chaillot, marqué par le succès en 1993 du premier Bal Moderne imaginé par Michel Reilhac, administrateur de Chaillot et ancien directeur du CNDC d'Angers, dans le cadre du Festival Paris quartier d'été. Sous la houlette de Philippe Decouflé, Daniel Larrieu, José Montalvo, Ann Carlson et Doug Elkins, le public est invité à apprendre et à reproduire des chorégraphies dans le grand foyer et l'ensemble des espaces du théâtre. Cette fête populaire de la danse sera renouvelée pendant plusieurs saisons à Chaillot, puis fera le tour du monde, jusqu'à son retour au Trocadéro en 2013, l'année de ses vingt ans.
La dimension chorégraphique du Théâtre de Chaillot se renforce à l'aube des années 2000, quand le nouveau directeur, Ariel Goldenberg, nomme José Montalvo comme conseiller artistique pour la danse et confie le jeune public à Dominique Hervieu. Ils assurent conjointement la direction du théâtre de 2008 à 2011, en y présentant chaque année un spectacle : Babelle heureuse, On danfe, Paradis, Y Olé !. Philippe Decouflé devient, lui aussi, un habitué de Chaillot, où il présente ses plus grands succès, comme Iris ou Sombrero. Jean-Claude Gallotta, directeur du Centre chorégraphique national de Grenoble, est régulièrement invité à présenter ses créations, d'Ulysse à Volver, en passant par Trois Générations ou Le Sacre du printemps. Angelin Preljocaj, quant à lui, remplit la salle Jean Vilar trois saisons durant avec Blanche-Neige, avant de proposer Suivront mille ans de calme, La Fresque ou la reprise de Roméo et Juliette.
Avec la nouvelle direction de Didier Deschamps en juillet 2011, s'ouvre l'ère des artistes associés, impliqués dans la vie du théâtre et y proposant chaque année des créations. Citons, entre autres, la flamenca contemporaine Rocío Molina, Philippe Decouflé, Carolyn Carlson, Françoise et Dominique Dupuy qui y proposent un parcours autour du silence ou aujourd'hui Jann Gallois et Emmanuel Gat. Une suprématie de la danse qui s'incarne dans le nouvel intitulé du théâtre depuis juin 2016 : Théâtre national de la Danse, qui en fait l'une des principales salles parisiennes consacrées à la danse aujourd'hui.
Crédits photographiques : Le Théâtre national de Chaillot © Gardel Bertrand ; Y Olé ! chorégraphie de José Montalvo, 2015 © Patrick Berger