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Pesaro. Arena. 16-VIII-2018. Gioachino Rossini (1792-1868) : Le Barbier de Séville, comédie en deux actes sur un livret de Cesare Sterbini. Édition critique d’Alberto Zedda pour la Fondation Rossini, en collaboration avec la Casa Ricordi. Mise en scène, décors et costumes, Pier Luigi Pizzi. Assistant à la mise en scène et lumières, Massimo Gasparon. Avec : Maxim Mironov, Il Conte d’Almaviva ; Pietro Spagnoli, Bartolo ; Aya Wakizono, Rosina ; Davide Luciano, Figaro ; Michele Pertusi, Basilio ; Elena Zilio, Berta ; William Corrò, Fiorello/un ufficiale ; Armando De Ceccon, Ambrogio ; Richard Barker, piano ; Eugenio Della Chiara, guitare. Chœur du théâtre Ventidio basso d’Ascoli Piceno (chef de chœur : Giovanni Farina), Orchestre Symphonique National de la RAI, direction : Yves Abel
Il y a 50 ans, dirigé par Claudio Abbado, la toute nouvelle production du Barbier de Séville revue par Alberto Zedda avait fait renaître l'opéra et donné à Gianfranco Mariotti l'idée du festival Rossini de Pesaro. Cette œuvre complexe, emblématique du compositeur, a pourtant été peu donnée au festival depuis, et jamais dans une production réellement satisfaisante. Pier Luigi Pizzi relève le défi.
Peut-être, comme l'explique Gianfranco Mariotti dans sa préface au programme du spectacle, parce que le Barbier est à part dans l'œuvre de Rossini. « On y trouve la quintessence de sa recherche de l'abstraction du comique absolu paradoxalement contredite par la présence de personnages crédibles. »
Rigueur, luminosité, élégance, trois mots résument la nouvelle production de Pier Luigi Pizzi, à contre-courant du stéréotype limité de l'opéra comique. « La vérité est qu'une tradition d'exécution pratiquement monocorde a homogénéisé et nivelé l'interprétation de cette partition sur ce seul registre. Après deux siècles, il serait bon de rendre à ce chef-d'œuvre éblouissant sa complexité originelle, » dit Gianfranco Mariotti, président d'honneur et guide moral du Rossini Opera Festival, dans son texte d'introduction au programme.
C'est ce que fait Pier Luigi Pizzi, rigoureusement fidèle à l'esprit de Rossini dans cet opéra, interprété dans sa version complète sans coupures. La comédie vient naturellement avec la musique et les dialogues. Partant du texte, il a conservé tous les récitatifs qui ont leur nécessité dramatique, approfondissant les personnages, « tous des monstres d'égoïsme, » dit-il dans l'interview donnée à la radio Rai Tre, mais « malgré tout sympathiques, humains, reconnaissables. » À 88 ans, il a derrière lui sept-cents spectacles en tant que metteur en scène et scénographe, dont vingt de Rossini, mais c'est son premier Barbier. Son décor est une évocation de Pesaro à l'époque de Rossini. Deux maisons blanches face à face, dans une lumière blanche aussi, éclatante. Quelques taches de couleurs vives, violet, rouge (manteau de Bartolo) ou pâles (robes pastel de Rosina).
Tout à l'air vrai et à la fois comme sorti d'un rêve. L'histoire se déroule en une journée, sous l'impulsion des jeunes personnages, fougueux et impatients qui ourdissent leurs stratégies et leurs blagues audacieuses. « C'est une véritable comédie, dans la tradition classique, de Plaute à Goldoni en passant par Machiavel et Molière. Une comédie d'intrigue, avec des personnages très caractérisés, mais tous déplaisants, » expliquait Pizzi au Corriere della Sera. « Don Bartolo est un opportuniste cynique, Don Basilio un profiteur sordide, Figaro un voyou diabolique sans scrupules, le comte un farceur qui gaspille sa fortune. » Les personnages sont si bien caractérisés, chacun parfait pour le rôle, tant par le physique que par la voix, et par leurs vêtements qui ne sont pas des costumes mais de vrais vêtements plausibles, les chanteurs sans perruques, que leur jeu d'acteur les fait sembler sincères. Ils se libèrent du cadre imposé par Pizzi, deviennent émouvants de vérité, et on finit pas croire vraiment à l'amour du comte et de Rosina. C'est splendide !
Les chanteurs sont parfaits, leur physique, leur âge les rend vraisemblables. La Rosina d'Aya Wakizono, voix pure et acidulée, est une jeune fille, vive, calculatrice, mais pleine d'enthousiasme. Le merveilleux comte de Maxim Mironov, dont la voix souple passe des aigus clairs et brillants, aux graves profonds et toujours veloutés, est très beau, jeune aussi, amoureux et drôle en méconnaissable maître de musique bouffon. Le Figaro de Davide Luciano, tout de vif argent, a une énergie pure portée par une voix claire, puissante et précise. Bartolo (Pietro Spagnoli ) et Basilio (Michele Pertusi) sont vieux et comiques à ravir, leurs voix théâtrales à souhait. Le premier séduit par son interprétation comique et l'agilité de sa voix. Le second chante l'air de la Calomnie avec un understatement qui le rend encore plus noir. Les cheveux blancs et le visage ridé de la parfaite Elena Zilio et sa technique vocale encore plus magnifique, particulièrement dans l'air « Il vecchietto cerca moglie », en font une Berta idéale.
La comédie vient naturellement avec la musique et les dialogues, grâce à la brillante direction du Canadien Yves Abel, sur le podium de l'Orchestre de la RAI, et à une distribution exceptionnelle. Il dirigeait déjà le Barbier à Pesaro en 1997, dans la mise en scène de Luigi Squarzina. Vingt et un ans plus tard, poussé par la recherche d'authenticité de Pier Luigi Pizzi, sa direction structurée est riche en nuances, au plus près de la partition et de l'esprit profond de l'œuvre. Dès l'ouverture il donne à entendre une articulation limpide, avec un sage dosage de rubato sans les clichés appuyés de la tradition « bouffe », dans une dynamique subtile à ravir.
Trois des chanteurs viennent de l'Accademia rossignana, Maxim Mironov (en 2011), Aya Wakizono (en 2014) Davide Luciano (en 2012). Et tous étaient, avec William Corro dans la merveilleuse et hilarante production de La Pietra del paragone, l'année dernière, une reprise de la mise en scène et des décors de Pizzi en 2002. Pizzi, qui à la fin des longues ovations, le public applaudissant aussi en tapant des pieds sur le sol, semblait un jeune homme élégantissime et joyeux, dans sa veste crème sur une chemise et un pantalon d'un très beau grenat, comme ses chaussures.
Crédits photographiques : Maxim Mironov, Figaro et Davide Luciano, le Comte © Amati Bacciardi
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