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Musique et religion aux époques modernes et contemporaines. Collectif, sous la direction de Martin Dumont. Honoré Champion Éditeur. 160 p. 30 €. Janvier 2018
En 2011, l'Institut de recherche pour l'étude des religions a organisé une journée d'étude centrée sur l'inspiration chrétienne dans la musique du XVIe au XXe siècle.
Ce livre d'histoire très pointu, recueil de neuf conférences, n'a pas l'ambition d'embrasser son sujet en totalité, mais il apporte autant d'éclairages sur une vaste question touchant la liturgie et l'affirmation de la foi chez certains compositeurs.
La musique doit-elle être une « prédication sonore », une « parodie spirituelle » ou la libre et sublime expression d'une spiritualité ? Quel usage politique de la musique ? En bref, quelle influence de l'art musical peut-on autoriser ? Le rêve d'une harmonie musicale transposée à la royauté travaille les esprits dans une France secouée par les guerres de religion, comme le rappelle Marie Goupil-Lucas-Fontaine dans son article intitulé « Pouvoir de la musique et musique au pouvoir : introduction à une recherche sur l'imaginaire musical à la cour de Charles IX ». Elle insiste sur l'influence de Marie de Médicis et montre comment l'alliance du verbe et de la mélodie est au cœur de la réflexion de l'Académie de Poésie et de Musique. Le point crucial est : quel emploi pourrait-on avoir du chant pour apaiser les tensions entre communautés ? À ce propos, Édith Weber revient dans « L'hymnologie au service de la Réforme » sur la participation active des fidèles au culte ainsi que le rôle joué par Clément Marot et Théodore de Bèze, auteurs d'un psautier en langue vernaculaire.
Pour Sophie-Honorine Hanc, l'exemple de Franz Liszt illustre parfaitement la difficulté de parler, dans le cadre musical, du sentiment religieux, car il manifeste le sens et les valeurs d'un corpus dogmatique tout en s'exprimant par le biais d'un art en perpétuelle évolution. Désireux d'écrire une musique qui soit religieuse, Liszt s'inspira du chant grégorien dans son recueil pour piano intitulé Harmonies poétiques et religieuses. Ailleurs, il se sert du style choral ou bien évite toute tension harmonique afin d'installer un certain climat.
Évoquant la création d'une revue spécialisée, la publication d'études théoriques ou encore l'organisation d'un congrès, « Joseph d'Ortigues et la musique d'église » fait le point sur ce critique, historien et homme très pieux (1802-1866), qui milita pour un retour au plain-chant.
Dans un article intéressant, « La séparation de l'Église et de l'Opéra « , Yves Bruley rappelle le grand tournant que fut le Motu proprio sur la musique d'Église du pape Pie X (1903), qui interdit les musiques profanes. Ce qui signifie séparation du spirituel et du temporel, et donc indépendance complète et reconnue des œuvres lyriques religieuses, telles celles de Vincent d'Indy, Honegger, Poulenc, Messiaen…
D'autres aspects sont abordés, ainsi le chant du catéchisme chez les jésuites de la province flandro-belge (XVIe-XVIIe s.), les rapports de Déodat de Séverac (1872-1921) avec la religion catholique et plus spécifiquement la Schola cantorum, ou encore la liturgie en langue quechua.
Entre plaisir et devoir, une histoire de pouvoir. Les mélomanes pourraient attendre une étude qui ferait pendant à celle-ci : celle du caractère proprement spirituel de la musique, en particulier d'aujourd'hui.
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Musique et religion aux époques modernes et contemporaines. Collectif, sous la direction de Martin Dumont. Honoré Champion Éditeur. 160 p. 30 €. Janvier 2018
Honoré Champion