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C'est avec le cœur et les tripes que le metteur en scène et chanteur lyrique Olivier Tousis fait entendre chaque été, dans les Landes, les grands airs d'opéras. Depuis 2001, l'Opéra des Landes produit et représente annuellement à Soustons un opéra du répertoire en intégralité, pivot d'un festival de musique de belle qualité explorant le répertoire classique, contemporain et vocal. Rencontre avec son directeur artistique.
« Nous sommes à l'aube d'un grand projet lyrique : L'Opéra à la Plage. »
ResMusica : Nouveau logo, nouveau site Web, nouvelle thématique (L'Amour !)… L'Opéra des Landes semble rentrer dans une nouvelle ère pour cette dix-septième édition. Est-ce le cas ?
Olivier Tousis : En effet, et ce n'est pas tout ! Nous sommes à l'aube d'un grand projet lyrique : L'Opéra à la Plage. Dès cet été, nous donnerons un grand gala d'opéra et d'opérette à Seignosse le Penon, début août, dans une grande et belle salle. Avec musique, chant, images et mise en espace. Ce concept « L'Opéra à la Plage » pourrait nous amener sous d'autres cieux, notamment à Ostende l'été prochain, avec un opéra créé au Caire en 1871, mais je n'en dis pas plus…
RM : L'Opéra des Landes, c'est d'abord une nouvelle création lyrique chaque année. Avec un budget de 190 000 € pour l'ensemble du festival en 2017, dont 85 000 € pour la production de l'année dernière (La Traviata), et sans le soutien d'une grande institution musicale implantée dans la région, comment est-ce possible ?
OT : Avec beaucoup de temps, d'énergie et de rigueur, ainsi qu'une bonne gestion. Pas de stars, des productions économes et inventives, des aides pérennes comme celles du département, de la Communauté de Communes, de la ville, de la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (Spedidam) et du mécénat. Mais l'absence de soutien d'une institution musicale nous plonge dans une problématique difficile à résoudre.
Nous jouissons d'une autonomie totale dans le choix de la programmation et des artistes. En effet, peu nous importe que les compagnies et artistes que nous invitons soient adoubés par les réseaux habituels, la direction générale des affaires culturelles (DRAC) du ministère de la culture et la Région nous en font le reproche. Pas d'aide donc de leur part. En conséquence, nous ne sommes annoncés sur aucun support institutionnel comme la carte des festivals, les sites internet, et les brochures provenant de Nouvelle-Aquitaine.
Le prix de cette liberté est le caractère totalement atypique de l'Opéra des Landes : une compagnie qui crée plusieurs spectacles lyriques dans des conditions professionnelles chaque année (pour Hors les Murs, les jeunes, le festival, 4800 spectateurs en 2017) tout en ne bénéficiant d'aucune aide à la création.
« Le prix de cette liberté est le caractère totalement atypique de l'Opéra des Landes : une compagnie qui crée plusieurs spectacles lyriques dans des conditions professionnelles chaque année tout en ne bénéficiant d'aucune aide à la création. »
RM : C'est d'ailleurs assez surprenant dans le monde lyrique que l'on fasse preuve d'autant de transparence comme par exemple un budget détaillé sur le site Internet du festival. Quel est l'objectif de cela ?
OT : C'est surprenant tout court, sauf pour l'Opéra de Paris dont le rapport d'activité chiffré est en ligne. Mais il faudrait plutôt demander à tous les autres – les maisons d'opéra institutionnelles, les scènes nationales… – pourquoi ils n'annoncent pas leur budget détaillé sur leur site. L'Opéra des Landes use en effet une grande partie de ses forces bénévoles et professionnelles à équilibrer son budget, alors pourquoi ne pas en informer largement.
Un budget de 50 000 € est consacré à la diffusion et la médiation toute l'année : spectacles dans les Landes, résidence en lycée, interventions en collèges, centres de loisirs, maisons de retraite, écoles.
En multipliant par 1000 les chiffres de l'Opéra des Landes, nous obtenons exactement les lignes budgétaires de l'Opéra de Paris, en considérant le partenariat avec la Spedidam comme une aide publique. Et comme lui, la part de nos ressources propres (billetterie, mécénat) croît chaque année alors que les aides publiques stagnent depuis huit ans. Par contre, le prix moyen du billet à Soustons étant trois fois inférieur qu'à Paris… Et la même proportion d'employés en équivalent temps plein (2 pour 2 000).
L'objectif est donc d'assurer les partenaires, les artistes et le public de la bonne gestion et de la pérennité de la structure.
RM : Pour l'édition 2018, ce sera Les Noces de Figaro que vous aviez présenté à l'Opéra d'Alger l'année dernière, mais avec une distribution totalement renouvelée et Jean-Marc Andrieu à la direction musicale. Pouvez-vous nous en parler ?
OT : Les Noces à Alger-Soustons, c'est un hasard… Dès février 2017, lors d'une rencontre avec des enseignants de Nouvelle-Aquitaine organisée par le Rectorat et l'Opéra de Bordeaux, le Préac, nous avions engagé une résidence autour des Noces de Figaro au lycée de Saint-Paul-lès-Dax. Un exaltant projet qui s'est concrétisé tout au long de l'année scolaire 2017-2018. Le projet Noces à Alger est venu juste après. La réflexion autour de la dramaturgie des Noces s'est construite avec les élèves de Saint-Paul, pour une proposition joyeuse et intimiste de ce Mariage, expurgé et magnifié par Da Ponte et Mozart.
Jean-Marc Andrieu, fondateur de l'ensemble Les Passions et féru de musiques antérieures au romantisme nous fait le plaisir de diriger notre petit ensemble de dix musiciens, avec un continuo au clavecin.
RM : En mars, vous avez de nouveau proposé une mise en scène à Alger, Madama Butterfly. Devons-nous nous attendre à retrouver cette nouvelle production l'année prochaine dans les Landes ?
OT : Non. Amine Kouider me fait l'honneur de m'inviter régulièrement à l'Opéra d'Alger. Il m'a proposé une nouvelle production de Madama Butterfly avec en grande partie des moyens artistiques et technique locaux (lumières, technique, orchestre, chœur, rôles secondaires). Plus de 1500 algérois ont donc vu cette production de l'Opéra National d'Alger, événement largement relayé dans les médias nationaux. Depuis trois ans et trois productions (Le Barbier de Séville, Les Noces de Figaro, Madama Butterfly) de nombreuses amitiés se sont tissées que j'aurais plaisir à retrouver pour une éventuelle nouvelle production.
Les conditions de création en grande partie locales de l'Opéra d'Alger rendent donc difficile une coproduction avec l'Opéra des Landes.
RM : En début d'entretien, nous parlions d'une nouvelle création lyrique chaque année, mais cette année, c'est aussi un oratorio, La création de Haydn, autre nouveau cru de l'Opéra des Landes. N'est-ce pas un peu trop ambitieux ?
OT : Si ! Et en plus avec une mise en espace. Cet oratorio, bien que sacré, raconte une jolie histoire, avec des moyens musicaux et vocaux proches du « bel canto romantique ». Une musique dont on n'entend pas parler dans les cours d'harmonie du conservatoire, à l'instar de Donizetti ou Bellini, d'ailleurs. C'est l'imaginaire, le souffle de vie, la virtuosité qui nourrissent cette musique. Et c'est excitant en diable…
RM : L'Opéra des Landes a apporté dans le département, non dotée d'institution destinée à ce genre musical, le chant lyrique. Mais à vous, Olivier Tousis, que vous a-t-il apporté ?
OT : De l'argent, très peu, des ennuis, beaucoup. Cet investissement dans une activité terriblement humaine, nécessitant autant d'intervenants, sur la scène et dans la salle, autour d'une folle passion, aussi excitante qu'inutile, nourrit et guérit ma misanthropie, au service de l'opéra. Une manière de réguler la « surabondance de vie ». Psychisme finalement très banal chez les héros d'opéra… Comme l'a indiqué Bernard Marie Koltès : « faire du théâtre est la chose la plus superficielle, la plus inutile du monde, et du coup on a envie de la faire à la perfection ».
En bref, je crois que l'Opéra des Landes m'apporte ainsi qu'aux intervenants, amateurs, bénévoles, professionnels, au public, une foule de menus plaisirs qui font partie du bonheur.