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Paris. Opéra Bastille. 20-VI-2018. Giuseppe Verdi (1813-1883) : Il Trovatore, opéra en quatre actes sur un livret de Salvatore Cammarano et Leone Emanuele Bardare, d’après le drame El Trovador d’Antonio García Gutiérrez. Mise en scène : Àlex Ollé. Collaboration à la mise en scène : Valentina Carrasco. Décors : Alfons Flores. Costumes : Lluc Castells. Lumières : Urs Schönebaum. Avec : Sondra Radvanovsky, Leonora ; Élodie Hache, Inez ; Željko Lučić, Conte di Luna ; Mika Kares, Ferrando ; Anita Rachvelishvili, Azucena ; Marcelo Álvarez, Manrico ; Yu Shao, Ruiz ; Lucio Prete, un gitan ; Luca Sannai, un messager. Chœur de l’Opéra national de Paris (chef de chœur : José Luis Basso). Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction : Maurizio Benini
Fascinante un mois plus tôt sur la scène berlinoise, Anita Rachvelishvili porte triomphalement Azucena sur la scène de l'Opéra Bastille face à la magnifique Leonora de Sondra Radvanovsky. La distribution s'accompagne d'un chœur intéressant chez les hommes et d'un orchestre pertinent sous la direction de Maurizio Benini.
La mise en scène d'Il Trovatore d'Àlex Ollé dans des décors d'Alfons Flores n'avait pas convaincu à sa création en 2016 et force est de constater qu'elle n'offre rien d'autre à la reprise que d'agencer le plateau, pour laisser entre les pièges à trous et les blocs suspendus le loisir de profiter de la distribution. De l'opéra de Verdi, évidemment chanté en italien (bien qu'une version française existe et aurait pu être mise en regard du Don Carlos de début de saison), le quatuor vocal se divise entre deux hommes corrects et deux femmes sublimes.
Déjà réunies pour Aida sur la scène de l'Opéra Bastille quelques mois après la création de cette production du Trouvère, Anita Rachvelishvili et Sondra Radvanovsky se retrouvent sous les meilleures auspices pour un combat dans la tenue du souffle et la gestion de piani incroyables, avec sans doute la phrase la plus impressionnante de la soirée à l'ultime scène, sortie comme d'un rêve d'une Azucena allongée et presque entièrement recouverte. La mezzo-soprano impressionne dès l'entrée avec Stride la vampa, étonnamment conclu à l'orchestre par un accord mat qui coupe l'élan du public et n'est accompagné d'aucun applaudissement. Ce fait semble même surprendre l'artiste sur scène, mais cela n'était que calme avant la tempête du public, passés un magnifique Condotta ell'era in ceppi (aria enregistrée récemment sur son premier album), puis les aigus d'une superbe puissance pour décrire le bûcher, avant de glacer le bas-médium au maximum sur les mots Sento rizzarsi ancor !
Devant cette splendide chanteuse dont on espère rapidement apprendre la prise de rôle de Norma, la plus grande Norma et Aida actuelle en version soprano dramatique développe elle aussi un chant ardent. Et si Sondra Radvanovsky entre en scène le timbre encore légèrement émaillé de quelques duretés, tandis que la ligne montre un vibrato bien présent sur la première aria, à chaque nouvelle intervention, la voix se développe pour offrir un chant admirable d'éclat autant que de contrôle du souffle dans les plus grandes scènes des deux derniers actes. L'air D'amor sull'ali rosee et sa cabalette au dernier acte déclenche lui aussi un triomphe de la part du public.
Sans démériter, les hommes ne jouent pas dans la même cour, et si l'an passé l'on pouvait admirer la modularité de la ligne pour le Rigoletto de Željko Lučić, l'absence de couleur d'un timbre toujours monochrome n'offre pas plus de passion au Conte di Luna qu'au récent Macbeth londonien du baryton serbe. Marcelo Álvarez laisse ressortir plus d'éclat de sa voix solaire, mais jamais plus de nuance bien que le chant ne soit plus forcé comme à l'époque des plus larges moyens du ténor. Regrettons toutefois qu'après une telle prestation en Samson dix jours auparavant, Roberto Alagna ne prenne que deux fois le rôle de Manrico dans cette reprise, et seulement avec l'autre distribution.
Mika Kares devra gagner en ampleur s'il veut offrir sur cette même scène à la rentrée un Fiesco de haut niveau face au Simon Boccanegra de Ludovic Tézier, car son style manque de caractère et son chant de subtilité à la première scène. On se délecte en revanche de la prestation du jeune ténor Yu Shao pour un Ruiz remarquable, autant que de la très jolie présence et de la clarté de l'Ines d'Élodie Hache, tandis que le chœur rassure chez les hommes après les récentes prestations de Boris Godounov et Parsifal. Ici, et bien qu'évidemment Verdi corresponde mieux au chef de chœur José Luis Basso, se trouvent enfin sous les costumes de soldats de la Première Guerre mondiale des artistes engagés, chauds et nerveux. En comparaison les femmes sont moins percutantes et pas tout à fait en place en religieuses, bien que l'on voie dans le miroir que le chef de chœur donne la battue devant elles.
L'Orchestre de l'Opéra de Paris doit encore se redynamiser s'il veut revenir au niveau des formations des plus grandes salles du monde, car on l'excuserait de ne pas démarquer un bois de la soirée, si seulement l'introduction de l'acte IV qui leur est due n'était aussi fade. Cependant, le chef Maurizio Benini propose tout ce que l'on peut retenir de positif du terme de « répertoire ». Le style parfaitement italien témoigne de la tradition latine dans l'accentuation à la mesure et de nombreuses scènes parfaitement dynamisées par cette battue ne présentent jamais aucun instant de vulgarité. Il lui manque en revanche de la personnalité pour passionner autant que les deux chanteuses exceptionnelles sur le plateau.
Crédit photos : © Julien Benhamou
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