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Francfort-sur-le-Main. Oper Frankfurt. 13-VI-2018. Franz Lehár (1870-1948) : Die lustige Witwe, opérette en trois actes sur un livret de Victor Léon et Leo Stein d’après la comédie d’Henri Meilhac « L’Attaché d’ambassade ». Mise en scène : Claus Guth. Chorégraphies : Ramses Sigl. Décors et costumes : Christian Schmidt. Lumières : Olaf Winter. Avec : Lurii Samoilov, Graf Danilo Danilowitsch ; Marlis Petersen, Hanna Glawari ; Barnaby Rea, Baron Mirko Zeta ; Elizabeth Reiter, Valencienne ; Martin Mitterrutzner, Camille de Rosillon ; Theo Lebow, Vicomte de Cascada ; Michael Porter, Raoul de St Brioche ; Gordon Bintner, Bogdanowitsch ; Julia Dawson, Sylviane ; Dietrich Volle, Kromow ; Maria Pantiukhova, Olga ; Franz Mayer, Pritschitsch ; Margit Neubauer, Praskowia ; Klaus Haderer, Njegus ; Mariusz Klubczuk, un pianiste ; Stefan Biasesch, Ein Kameramann ; Vanessa Schwab, Ein Scriptgirl. Chœur et Orchestre de l’Opéra de Francfort, direction : Joana Mallwitz
Régulièrement à l'affiche en territoire germanique, La Veuve joyeuse de Franz Lehár est une œuvre fétiche du public allemand. Et même si ce soir tous les clichés du genre sont bien à la fête, ce n'est pas une version routinière que propose l'Opéra de Francfort.
La cheffe d'orchestre Joana Mallwitz sait pourtant jouer sur tous les codes propres à l'opérette : sans se perdre dans l'enchevêtrement de toutes les danses de la partition (koko slave, cake-walk afro américain ou encore les couleurs vives d'un cancan parisien frénétique), elle offre élégance et cohérence en fosse, que ce soit dans les passages mélancoliques ou dans les festivités caractéristiques du genre. Toujours liée aux chanteurs sur le plateau, c'est une direction attentive et vivante qui mène l'Orchestre de l'Opéra de Francfort.
Avant les premières notes, Hanna Glawari apparaît seule dans une loge, au piano, à faire ses exercices vocaux. Perdue dans ses pensées, elle accroche sur une note de sa mélodie, symbole de la dissonance de sa vie, les battements froids d'un métronome faisant certainement écho aux battements de cœur de l'héroïne. Par la suite, le timbre lumineux de Marlis Petersen dégage une agréable mélancolie dans son incarnation d'une femme qui ne manque ni de séduction ni de glamour. La soprano allemande sait colorer les différentes voyelles de sa langue et joue intelligemment sur toutes les subtilités du rôle, mettant en lumière l'ensemble des facettes de sa vieille histoire d'amour avec Danilo et arrivant à se lover avec espièglerie dans l'immoralité bon enfant de l'ouvrage. Lurii Samoilov (Danilo), croisé l'été dernier à Pesaro, est à la hauteur pour lui donner le change, son timbre chaud et sa voix puissante provoquant un fort impact émotionnel à chacune de ses interventions. Suffisamment dépravé et romantique, le baryton possède le charisme nécessaire au personnage. Valencienne pour seulement une représentation, Elizabeth Reiter s'affirme comme une véritable bête de scène dans un rôle haut en couleurs qui lui sied à merveille, alors que Martin Mitterrutzner livre un Camille brillant de bout en bout doté d'un chant expressif riche en harmoniques lors de sa romance qu'il dédie à Valencienne dans le deuxième acte.
Avec Claus Guth, c'est dans la boite !
C'est au tournage d'un film auquel nous fait assister Claus Guth puisque l'on retrouve Hanna Glawari sur un plateau de cinéma qui n'a rien à envier à ceux de Hollywood. Un film détourné en une opérette dans un cadre luxueux et avec des costumes opulents, soit une représentation en costumes historiques de la période de la création de l'œuvre (1905) pour une transposition actuelle.
Le décor de Christian Schmidt, acolyte de longue date du metteur en scène, est aussi imposant que celui de Billy Budd vu dans cette salle quelques jours auparavant : la grande salle de bal se déplace de façon rotative, participant activement aux mouvements des différents protagonistes, pour laisser apparaître d'un côté les loges des deux héros, et de l'autre un plateau de cinéma plus intimiste avec le classique balcon pour des scènes amoureuses presque authentiques (les pétales de rose tombent grâce à un filet manipulé par un technicien ce qui fait beaucoup rire la salle !).
C'est un procédé astucieux que propose ainsi Claus Guth en alternant la conception de ce film de cinéma et la vie privée des acteurs recrutés pour celui-ci : non seulement Hanna et Danilo dévoilent les blessures douloureuses du passé, mais les stars de cinéma vivent elles aussi une expérience similaire. La présence sur scène de l'équipe technique de trois personnes, soit un caméraman, une assistante et le réalisateur du film (formidable acteur que Klaus Haderer à l'origine de nombreux exclamations joyeuses dans la salle) positionne l'intrigue de l'ouvrage à une certaine distance du spectateur et met aussi en lumière un kaléidoscope dramatique en constante évolution. Le regard nouveau de Claus Guth mêle subtilement le pathos de la comédie à l'ironie de la tragédie pour atteindre finalement un jeu virtuose sur la tromperie de l'apparence et la réalité toute nue.
Crédits photographiques : © Monika Rittershaus
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Francfort-sur-le-Main. Oper Frankfurt. 13-VI-2018. Franz Lehár (1870-1948) : Die lustige Witwe, opérette en trois actes sur un livret de Victor Léon et Leo Stein d’après la comédie d’Henri Meilhac « L’Attaché d’ambassade ». Mise en scène : Claus Guth. Chorégraphies : Ramses Sigl. Décors et costumes : Christian Schmidt. Lumières : Olaf Winter. Avec : Lurii Samoilov, Graf Danilo Danilowitsch ; Marlis Petersen, Hanna Glawari ; Barnaby Rea, Baron Mirko Zeta ; Elizabeth Reiter, Valencienne ; Martin Mitterrutzner, Camille de Rosillon ; Theo Lebow, Vicomte de Cascada ; Michael Porter, Raoul de St Brioche ; Gordon Bintner, Bogdanowitsch ; Julia Dawson, Sylviane ; Dietrich Volle, Kromow ; Maria Pantiukhova, Olga ; Franz Mayer, Pritschitsch ; Margit Neubauer, Praskowia ; Klaus Haderer, Njegus ; Mariusz Klubczuk, un pianiste ; Stefan Biasesch, Ein Kameramann ; Vanessa Schwab, Ein Scriptgirl. Chœur et Orchestre de l’Opéra de Francfort, direction : Joana Mallwitz