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Le Requiem de Verdi superbement dramatique d’Enrique Mazzola

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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 20-V-2018. Pierre Boulez (1925-2016) : Mémorial, œuvre pour petit orchestre et flûte soliste. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Requiem. Hélène Giraud, flûte. Karine Babajanyan, soprano ; Sanja Radišic, mezzo-soprano ; Alexey Tatarintsev, ténor ; Nikolay Didenko, basse. Chœur de l’Orchestre de Paris (chef de chœur : Lionel Sow). Orchestre national d’Île-de-France, direction : Enrique Mazzola

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enrique-mazzola-ondif-2017Dans plusieurs salles de la région, dont la Philharmonie de Paris, l'Orchestre national d'Île-de-France et son directeur musical présentent un programme rassemblant deux ouvrages écrits à la pensée d'un être disparu. D'abord Mémoriale, courte pièce pour petit ensemble de , puis le magistral Requiem de Verdi, porté en grâce par le Chœur de l'Orchestre de Paris.

entre sur la scène de la Philharmonie accompagné de la flûtiste devant un effectif de huit instrumentistes de l'Orchestre national d'Île-de-France. D'un bref discours, le chef expose la raison d'un couplage autour de la mémoire, puis débute par Mémoriale, œuvre d'à peine sept minutes qui comporte tout le génie de , une écriture dont rappelle succinctement au micro la proximité avec la voix humaine. La flûtiste solo a eu pour professeure Sophie Cherrier, depuis plus de trente ans membre de l'Ensemble Intercontemporain et créatrice de la pièce dédiée à un autre flûtiste, Lawrence Beauregard, prématurément décédé en 1985. La soliste du jour ne présente pas encore la même fluidité naturelle que son aînée dans le discours extrêmement complexe et actuel de , mais elle fait montre d'une véritable agilité en même temps qu'elle développe un phrasé personnel. La qualité des huit autres musiciens, ajoutés ensuite à la partition par le compositeur, est ici irréprochable, à commencer par celle des deux cors et de la première violon de l'ensemble, tous parfaitement coordonnés à la battue nette du chef.

Après les applaudissements, un orchestre en grande formation s'associe maintenant à un chœur de plus de cent musiciens et quatre solistes, tous sur la scène de la Grande Salle Pierre Boulez pour interpréter le Requiem de Verdi. Également très complexe, cette partition présente surtout un risque pour le chef, qui doit absolument éviter la vulgarité. Et c'est dans une Philharmonie au complet (à l'arrière-scène près qui avait été réservée pour un chœur finalement mieux installé sur scène, juste derrière l'orchestre) que dès l'Introït, parvient à dépasser toutes les problématiques de l'ouvrage.

La première, déjà évoquée, est celle de massifier ou vulgariser la partition ; la seconde, de réussir à maintenir un discours dramatique, quasi opératique, dans un ouvrage pourtant religieux. En grand chef italien, Mazzola tient tout au long de la représentation un grand arc en même temps qu'à l'intérieur il développe l'instant, comme si le texte latin était un véritable échange entre les protagonistes et le chœur, à la manière justement de certains opéras de Verdi. La finesse du rossinien s'accorde alors avec la capacité à charger d'un coup lorsqu'il faut concentrer toutes les forces en puissance, comme au Kyrie. Composé en hommage à Alessandro Mazzoni en 1873, le Requiem alterne entre parties calmes et moments nettement plus dynamiques, les deux superbement traités par un Chœur de l'Orchestre de Paris devant lequel on s'incline une fois de plus, en reconnaissant l'excellent travail du chef de chœur . Profond au Requiem aeternam autant que discrètement présent pour soutenir la mezzo-soprano au Liber scriptus, la formation devient presque angélique pour accompagner le quatuor vocal au Lacrymosa, et livre une prestation exemplaire jusqu'au magnifique Libera me conclusif.

L'orchestre offre le même niveau de prestation et l'on remarque à nouveau la première violon, ainsi que les bassons, mais aussi des cuivres très nets, à commencer par les quatre trompettes déportées en hauteur lors du Tuba Mirum. Le quatuor vocal utilise des chanteurs principalement actifs en Allemagne. La soprano ne cache pas un vibrato souvent évident dans le haut du spectre, mais elle tient les notes sur la longueur comme sur la hauteur. a chanté auparavant Ulrica et Eboli ; elle connaît suffisamment la ligne verdienne et le désespoir inscrit dans les parties de mezzo pour interpréter ici avec conviction le Quid sum miser, à la façon d'un duo d'amour perdu avec le ténor – et le premier basson –, , lui-même très convaincant ensuite lors de l'Ingemisco. Quant à la basse , elle développe dès le départ le chant le plus sombre du groupe, bien incarné au Mors stupebit et parfaitement équilibré dans la communion du Lux æterna. Sans user des mêmes noms, cette interprétation place la barre très haut, avant celle prévue le 7 juin dans la même salle sous la direction de Riccardo Chailly avec les forces de La Scala.

Crédit photographique  : Enrique Mazzola © Eric Laforgue

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