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Paris. Philharmonie de Paris – Grande salle Pierre Boulez. 27-IV-2018. Hector Berlioz (1803-1869) : Requiem op. 5, Grande Messe des Morts. John Irvin, ténor. Chœur de Radio France ; Chœur de la Westdeutscher Rundfunk (chef de chœur : Nicolas Fink). Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Mikko Franck
Quatre années après Gustavo Dudamel à Notre-Dame-de-Paris, l'Orchestre et le Chœur de Radio France reprennent le Requiem de Berlioz, cette fois à la Philharmonie. Assisté des membres du WDR Rundfunkchor, le chœur superbement préparé par Nicolas Fink exalte toutes ses parties, accompagné par un Philharmonique des grands soirs emporté par la direction ample de Mikko Franck.
Dans une Philharmonie de Paris remplie dont l'acoustique est aujourd'hui rodée pour recevoir les plus larges formations, les membres de l'Orchestre Philharmonique de Radio France se mettent doucement en ordre de marche vers l'une des partitions religieuses les plus denses du répertoire, celle du Requiem d'Hector Berlioz, écrite à l'origine en 1837 pour commémorer la Révolution de 1830 et la mémoire du maréchal Mortier, puis finalement créée à l'occasion des funérailles du général Damrémont en décembre de la même année. Déjà le geste chaud de Mikko Franck donne aux cordes la plénitude qu'on leur connaît depuis qu'il a repris cet ensemble. Puis les hommes les plus graves entrent en jeu sur les mots de ‘Requiem aeternam', rejoints par les ténors et enfin par les femmes.
Il aura suffi d'à peine trois minutes pour que Mikko Franck gagne ce soir la bataille contre cette difficile pièce religieuse, car dès la première partie, Requiem et Kyrie, l'ampleur dégagée tant de la large formation symphonique que du massif chœur (environ cent-vingt musiciens dans chacun de ces deux groupes) impressionne et tient l'auditoire captif. Lancés comme une salve d'infanterie, les cuivres interviennent ensuite seuls en arrière-scène du second balcon, pour réduire à néant les derniers réfractaires et sonner le réveil des morts. Ici, leur justesse autant que leur vigueur affecte, mais s'accorde avec la puissance émotionnelle des mesures introductives des violoncelles au Dies Irae, ainsi qu'à la ferveur du chœur d'hommes qui porteront quelques minutes plus tard le Tuba Mirum. Aussi doit-on évoquer dès ce passage les timbales, encore plus puissantes plus tard dans l'œuvre lorsqu'elles joueront à dix en même temps, placées en cercle à l'arrière de l'orchestre, comme pour en protéger ses membres.
Dans la première fraction du Dies Irae, l'incroyable modernité de l'écriture de Berlioz est particulièrement mise en valeur par la netteté de la diction des choristes, lesquels sont tout aussi efficaces pour traiter l'émotion du passage plus doucereux du « Quantus tremor ». Cette partie à peine achevée, le premier cor anglais escorté par le premier basson puis par les contrebasses aborde un thème qui ne peut avoir été inconnu de Gounod lorsqu'il a composé l'air de Marguerite dans Faust. Le Quid sum miser prend le temps d'un lent développement avant de glisser vers le plus dynamique Rex tremendae, suivi d'un retour à la clarté grâce à la prestation des femmes lors du Quaerens me.
Une pause de quelques secondes est accordée avant le Lacrymosa, peut-être le moment discutable de cette interprétation par le manque de souplesse à l'orchestre lorsque ses instruments s'échangent entre eux un court thème, presque indépendamment de ce que chante de son côté le chœur. Les dernières minutes de cette partie regagnent toutefois en vigueur avant de laisser s'élever l'Offertorium, toujours empli de gravité grâce aux barytons et aux basses. L'Hostias maintient la même atmosphère avant qu'apparaisse le ténor. Michael Spyres était d'abord prévu, mais on a appris la veille qu'il était remplacé, et c'est donc le jeune John Irvin, pianiste de formation avant d'être passé au chant, qui s'attèle à entreprendre seul sur un tapis de violons le chemin du Sanctus, tout juste guidé dans l'éclat de la première flûte pour s'acheminer vers le chœur des femmes. Le timbre légèrement nasalisé du ténor américain convient parfaitement à cette pièce religieuse, où sa prononciation alliée à une véritable retenue offre une prestation de grande qualité.
L'Agnus dei conclut avec la même luminosité le Requiem du génie français. Il allie une dernière fois les magnifiques chœurs à l'orchestre, d'abord tout particulièrement à ses bois, avant que les cordes ne reprennent la primeur, puis laissent s'installer un court silence et enfin les applaudissements nourris du public, massivement présent encore plus de dix minutes après la fin de cette superbe interprétation.
Crédits photographiques : © Christophe Abramowitz / Radio France
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Paris. Philharmonie de Paris – Grande salle Pierre Boulez. 27-IV-2018. Hector Berlioz (1803-1869) : Requiem op. 5, Grande Messe des Morts. John Irvin, ténor. Chœur de Radio France ; Chœur de la Westdeutscher Rundfunk (chef de chœur : Nicolas Fink). Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Mikko Franck
Après le Requiem, à quand le superbe Te Deum ?
A quand EGALEMENT la splendide « Symphonie funèbre et triomphale », composée en 1840 pour le dixième anniversaire de la Révolution de 1830 (les « Trois Glorieuses ») et la cérémonie de translation des victimes dans les caveaux de la colonne de Juillet sur la place de la Bastille … ?
Il faut lire les Mémoires de Berlioz (aussi EMINENT écrivain que musicien GENIAL) en le chapitre 46 … Berlioz, de son style flamboyant, relate les circonstances de la commande par le ministre de l’Intérieur Gasparin, les « lenteurs » bureaucratiques et administratives (en fait, une tentative de sabotage destinée à « transférer » ladite commande à Cherubini) … les intrigues de Cherubini et de son clan … la création de l’œuvre aux Invalides où, semble-t-il (avec le génial Hector, il convient d’être toujours « prudent », attendu sa propension à l’exagération – mais avec quel art dans l’écriture ! -), le chef d’orchestre Habeneck (ami de Cherubini) tenta de « saboter » le « Tuba mirum » (la fameuse anecdote de la prise de tabac !) …