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Marc Goldschmit, l’opéra entre la rédemption et la vie

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Marc Goldschmit. L’opéra sans rédemption ou Éros musicien. Aedam Musicae / Essais. 184 p. 22€. Décembre 2017.

 

Quand les philosophes d'aujourd'hui parlent de l'opéra, ils n'y vont pas de main-morte. , dans L'opéra sans rédemption ou Eros musicien fait s'affronter deux géants, Wagner et Mozart, sur le ring d'une analyse (opéra chrétien versus opéra païen) qui laissera peut-être KO idole et thuriféraires.

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« L'opéra est peut-être l'art métaphysique le plus profond quant à la pensée de la vie. » Face à l'opéra, les philosophes ont longtemps été comme la poule face au couteau, ainsi que le détaillait le récent ouvrage d'Olivier Lexa. À la lecture du petit essai de , ce temps-là semble révolu. La première partie (environ les deux tiers de l'ouvrage) est un brûlot. Comme Barrie Kosky l'été dernier à Bayreuth dans la nouvelle mise en scène des Maîtres-chanteurs de Nuremberg, le philosophe appelle à la barre des accusés . À la différence du metteur en scène australien, qui inculpait son héros pour mieux le rédimer, n'avancera aucune circonstance atténuante, pas même celle du génie musical. Âmes wagnériennes sensibles (et souvent susceptibles), s'abstenir.

Comment ne pas être cependant d'accord avec la radiographie très fine qu'il fait des dix scenarii wagnériens ? Même ceux que la musique du grand Richard aura accompagnés une vie durant ne peuvent que reconnaître le tortueux morbide, misogyne et raciste d'un système qui rappelle celui de la plupart des religions : la vraie vie est ailleurs que dans la Vie. L'auteur rappelle à ce propos la dédicace que le compositeur fit à Nietzsche du poème de Parsifal : « , dignitaire de l'Église ». On meurt d'amour chez Wagner comme on meurt de foi chez les croyants. Aucune joie dans l'amour selon Wagner dont Goldschmit révèle la « peur panique de la sexualité », commune avec Hitler. Il raille ce finale invraisemblable des deux amants enlacés montant au ciel dans le Vaisseau fantôme, parlant de falsification d'Éros en « amour éternel », procédé décliné à l'envi du premier opéra au dernier. Quant à la solaire exception des Maîtres-chanteurs, elle ourdit éhontément une machination suprémaciste détestable dont il convient aussi d'être conscient. On s'en doutait, mais jamais peut-être autant qu'ici, le verdict aura été sans appel. Si l'on s'est longtemps dit qu'Hitler avait récupéré Wagner, Goldschmit nous force à l'évidence : Wagner, de ses opéras à ses écrits (le pitoyable Judaïsme dans la musique) avait préparé la mise en scène et même la bande-son. Goldschmit affirme même crânement que Wagner « aurait adhéré sans réserve au nazisme et mis son art au service de la révolution nationale socialiste ».

Quoi de plus à propos alors que Mozart (que Wagner méprisait), et sa merveilleuse trilogie avec Da Ponte, pour réaffirmer les valeurs hédonistes dont les religions n'ont de cesse de vouloir priver les humains. La lecture de livrets archi-connus s'avère toute aussi fine, Goldschmit dévoilant des secrets insoupçonnés de beaucoup, tel ce triumvirat Alfonso/Don Giovanni/Cherubino, en fait une seule et même personne. La Flûte enchantée, également appelée à la barre (lauriers pour sa « bigarrure », « aux antipodes de l'unification tyrannique du symbolisme wagnérien », et pour la philosophie papagénienne, l'oiseleur-chantre de la Vie se voyant réhabilité en rôle principal) clôt une plaidoirie cohérente et salutaire, au prix peut-être un peu contestable d'une descente en flammes de l'ouvrage longtemps référence de Jacques Chailley (La Flûte enchantée, opéra maçonnique), qui voit l'ultime Mozart en équivalent de la messe parsifalienne, ce qui est bien sûr insupportable pour Goldschmit.

Après avoir également évoqué l'ironie du sort de la mort de Wagner à Venise (ville symbole de « la beauté folle de la vie », de l'Éros perdu) à l'occasion d'une belle mise en perspective Wagner/Mahler via les chefs-d'œuvres de Thomas Mann et Lucchino Visconti, Goldschmit clôt abruptement sur un arrangement tout personnel du chœur final de l'ultime Mozart : « La force (de la musique) a triomphé, la beauté (des femmes et de la vie) et la sagesse (terrestre de l'amour) pour l'éternité. »

La lecture de cet ouvrage intelligent, sans concession, d'une allègre lisibilité (nonobstant quelques fautes d'orthographe et erreurs factuelles : un acte III dans Cosi fan tutte ?) présuppose bien sûr que l'on soit prêt à remettre en cause certaine passion.

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Marc Goldschmit. L’opéra sans rédemption ou Éros musicien. Aedam Musicae / Essais. 184 p. 22€. Décembre 2017.

 
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1 commentaire sur “Marc Goldschmit, l’opéra entre la rédemption et la vie”

  • paul dit :

    Comme pour la mise en scène de Barry Kosky, je serais tenté de dire que Wagner est beaucoup plus subtil et complexe que cela.

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