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Goût français contre goût italien avec Le Palais des songes

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Paris. Archives nationales, Hôtel de Soubise. 28-IV-2018. Œuvres d’Arcangelo Corelli (1653-1713), Michel Pignolet de Montéclair (1667-1737), Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Leonardo Vinci (1690-1730), Jean-Joseph Mouret (1682-1738), Antonio Caldara (1670-1736), Élisabeth Jacquet de La Guerre (1665-1729), Antonio Vivaldi (1678-1741), Marin Marais (1656-1728), Pietro Castrucci (1679-1752) et Agostino Steffani (1653-1728). Ensemble Le Palais des Songes, Nicolas Rosenfeld : flûte à bec, basson et direction

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palais_des_songesJeune ensemble à géométrie variable composé de musiciens pas tous encore sortis du conservatoire, se spécialise depuis trois ans dans des programmes originaux, véritables petits spectacles musicaux. L'un d'eux était à découvrir aux Archives nationales.

Le flûtiste et bassoniste et la gambiste ont conçu un programme construit autour de la controverse entre défenseurs des goûts français et italien en musique, qui se manifesta notamment entre 1752 et 1754 dans la querelle dite « des bouffons ». La soirée voit ainsi la reconstitution d'une joute entre la soprano Mademoiselle Chevalier et le haute-contre Pierre de Jélyotte. Pour les incarner, deux chanteurs déjà vus lors d'un concert d'élèves du CNSMD de Paris aux Invalides et qui nous avaient semblé très prometteurs : , pour défendre le goût français, et , en thuriféraire de l'italien.

Des pièces instrumentales et des airs d'opéras ou de cantates illustrent tour à tour chacun des goûts. Mais la vraie originalité du concert, ce sont des textes polémiques d'époque dits avec grande conviction par les chanteurs, notamment de Jean-Jacques Rousseau en faveur de l'opéra italien. Le sujet du texte est à chaque fois précisément illustré par la pièce précédente ou suivante, qu'il interrompt parfois à propos. Le lieu ajoute à la vraisemblance, lorsque l'on entend la voix des comédiens résonner dans l'enfilade de salons XVIIIe de l'Hôtel de Soubise. Il ne manque que les costumes…

Musicalement, la soirée est également très réussie. Clavecin et viole de gambe forment un continuo solide qui adapte bien son jeu aux différents styles. passe du basson à la flûte à bec (soprane, alto ou ténor) pour, dans les pièces vocales, suppléer notamment les violons. Il impressionne aussi dans des extraits de sonates de Corelli et Castrucci. Voix claire mais bien timbrée, expressive, séduit dans les pièces du répertoire français, particulièrement dans un bel air « Restez plaintifs » de la cantate Pan et Sirinx de Pignolet de Montéclair, ou dans un air de Lully extrait de La grotte de Versailles où les échos sont chantés, de manière parodique, par son adversaire. Le contre-ténor confirme décidément les promesses déjà données, notamment dans un Rinaldo récent. Son agilité, sa voix pleine et d'un timbre riche, sont servis par une présence et une expressivité remarquables. À l'entendre, on a presque peine à croire aux accusations de superficialité portées contre le style italien, à l'occasion par exemple d'un « Aimè, sento il mio core » de toute beauté, tiré de la cantate Vicino a un rivoletto de Caldara.

Finalement, qui de mieux que Lully, l'Italien créateur de la tragédie lyrique française, pour mettre tout le monde d'accord ? Un de ses duos, extrait du Bourgeois gentilhomme, fait la synthèse finale. Auparavant, un vaudeville de Mouret avait montré que la musique française pouvait aussi être écrite dans un style plus direct. Quitte à brouiller les cartes, on aurait aussi pu imaginer de convoquer Rameau.

Deux seuls regrets, finalement, à l'issue du concert : la brièveté du programme, et l'absence de pièce solo pour au clavecin.

Crédits photographiques : ©

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