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La Passion de Veneziano, drame sacré napolitain à Versailles

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Versailles. Chapelle Royale. 30-III-2018. Antonio Nola (1642-1715) : Stabat Mater dolorosa à 4 voix. Gaetano Veneziano (1656-1716) : Passio per il Venerdi Santo. Valer Sabadus, l’Évangéliste ; Francisco Mañalich, le Christ ; Philippe Favette, Pilate. Chœur de chambre de Namur. Millenium Orchestra, direction : Leonardo García Alarcón

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Leonardo García AlarcónLe programme de cette Semaine Sainte à la Chapelle Royale sort des sentiers battus avec notamment les Histoires Sacrées de Charpentier déjà chroniqués sur ResMusica, mais surtout la Passion selon Saint Jean de , compositeur napolitain de la fin du XVIIe siècle formé par Francesco Provenzale, aujourd'hui quelque peu éclipsé par son illustre contemporain.

Avec le et le , avait déjà abordé la Passion selon Saint Jean d'Alessandro Scarlatti. Intéressant de confronter ces deux œuvres écrites dans la même période, tant la mise en musique est différente. Toutes deux fondées sur le principe de la narration continue tenue par un Évangéliste omniprésent lors de longues plages de récit entrecoupées par les brèves apparitions du Christ, de Ponce Pilate, de quelques personnages secondaires et de la foule, la Passion de Veneziano déploie une théâtralité sans exubérance alors que la Passion de Scarlatti est bien plus intériorisée. Et alors que l'approche de ce dernier est lugubre de bout en bout, la Passion jouée ce soir déploie étonnamment une séduisante luminosité pleine de couleurs et de vitalité, le Napolitain n'hésitant pas à recourir à des rythmes de danse sans perdre une occasion de souligner chaque effet dramatique du texte, tout cela régi par une architecture musicale savamment construite pour une puissance d'évocation manifeste.

L'œuvre donne ainsi une place de choix au contre-ténor (l'Évangéliste), dont le chant très « corporel » (le haut du corps est constamment en mouvement, le chanteur retranscrivant autant par ses bras, ses mains ou son buste, sa ligne mélodique), porte au mieux les changements d'atmosphères particulièrement foisonnantes. Ses différents « respondit », généralement marqués par des vocalises aériennes, sont d'une belle souplesse, alors que son accablement est à son paroxysme lorsque Jésus entend la sentence de la foule, paré d'une couronne d'épines et d'un manteau de couleur pourpre. Fort d'un investissement dramatique constant et d'une vocalité épanouie, délivre un chant techniquement précis, mais aussi une interprétation vivante tout autant que sensible.

À ses côtés, offre un chant plus ancré dans le sol, affirmant de cette manière une noblesse dans son interprétation comme un chant majestueux qu'il déploie au mieux lors de sa plus longue intervention « Regnum meum non est de hoc mundo » (« Mon royaume n'est pas de ce monde »). L'aplomb de incarnant Pilate ne se dément pas, même si celui-ci est positionné derrière l'orchestre, alors que la brièveté des turbae n'affaiblit à aucun instant l'intensité du .

La régulière netteté des finales et des silences soutenus, marque indubitablement la volonté d'une articulation orchestrale particulièrement précise de la part de . Les instrumentistes de , soutenus par la basse continue de la Cappella Mediterranea, offrent la dimension théâtrale de l'œuvre dans tous ses détails, en creusant les contrastes sans excès. La densité musicale est rendue avec brio, ponctuée notamment par un solo de basse de viole du virtuose Ronald Martin Alonso, et par l'implication totale des deux violoncelles solo (Diana Vinagre et Oleguer Aymani) à la fin de l'ouvrage.

C'est dans un silence religieux pour les uns, spirituel pour les autres (le chef l'ayant demandé expressément en début de concert, « que l'on soit croyant ou non »), que s'enchaîne le Stabat Mater d'Antonio Nola, partition qui fait la part belle au chœur, alternant soli et tutti homorythmiques ou contrapuntiques. Le sens de cette programmation s'impose : dramatique puisque Nola met en musique la douleur de la Vierge au pied de la croix, mais aussi musical puisque le Stabat Mater propose également des contrastes et des couleurs particulièrement marqués. La soirée se conclut en communion parfaite entre les artistes et le public, le chef proposant aux choristes de descendre de l'estrade pour se placer au premier plan afin de reprendre le chœur final, la direction de celui-ci s'exécutant face au public et se terminant par un signe de croix.

Crédits photographiques : © Jean-Baptiste Millot

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Versailles. Chapelle Royale. 30-III-2018. Antonio Nola (1642-1715) : Stabat Mater dolorosa à 4 voix. Gaetano Veneziano (1656-1716) : Passio per il Venerdi Santo. Valer Sabadus, l’Évangéliste ; Francisco Mañalich, le Christ ; Philippe Favette, Pilate. Chœur de chambre de Namur. Millenium Orchestra, direction : Leonardo García Alarcón

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