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Luxembourg. Philharmonie. 28-III-2018. Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour deux pianos, percussion et orchestre ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 8 op. 65. Tamara Stefanovich, Pierre-Laurent Aimard, piano ; Gustav-Mahler-Jugendorchester ; direction : Vladimir Jurowski.
Voir le Gustav Mahler Jugendorchester (Orchestre des Jeunes Gustav Mahler), fondé il y a trente ans par Claudio Abbado, est un enchantement toujours renouvelé.
Comme tout orchestre, tous ses concerts ne sont certes pas toujours au même niveau, mais l'admiration et l'optimisme que suscite l'enthousiasme des jeunes musiciens, promotion après promotion, est une nourriture précieuse pour le mélomane sans cesse agressé par les sombres prévisions des déclinologues.
Et cet orchestre d'élite attire naturellement des collaborateurs d'élite : ce soir, c'est d'abord Vladimir Jurowski, tout juste auréolé de sa nomination comme directeur musical de l'Opéra de Munich – qui d'autre aurait pu succéder à Kirill Petrenko sans susciter d'éternels regrets ? Jurowski a choisi deux grandes œuvres d'Europe de l'Est, composées à peu d'années de distance avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans le Concerto pour deux pianos et percussion de Bartók, le beau rôle est confié à Pierre-Laurent Aimard et Tamara Stefanovich, aux côtés de deux percussionnistes de l'orchestre ; ils ont dans le premier mouvement tout ce qu'il faut d'énergie implacable dans le rythme, mais aussi un trésor de nuances dans la dynamique et la couleur. La poésie plus retenue du second mouvement en tire naturellement aussi profit, d'autant que tous, ici, parlent d'une même voix : tout au long de la partition, l'inventivité le dispute au naturel.
La huitième symphonie de Chostakovitch, créée en 1943, est l'occasion pour Jurowski de montrer la rare palette de ses talents : voilà un chef qui ne cherche jamais à en imposer par une gestuelle de théâtre, ni par des effets musicaux voyants, ni par la recherche absolue de l'originalité. Dès le motif initial des cordes, dessiné d'un trait ferme, soigneusement pesé, délicatement nuancé, l'art de Jurowski apparaît dans toute sa force, et la manière dont il tient au fil de la petite heure que dure ici la symphonie une constante intensité expressive, est le produit d'une musicalité raffinée où rien n'est laissé à l'inspiration du moment. Même dans les passages où Chostakovitch joue du grotesque et du fortissimo, il ne perd pas le cap : les décibels restent de la musique où on entend tout, et le grotesque ne laisse rien ignorer des affres sous-jacents. On est très loin, ici, d'une interprétation de pure séduction sonore, mais l'âpreté et l'amertume qui s'en dégagent sont le résultat d'une préparation musicale d'une précision redoutable, et Jurowski démontre une force de conception dont très peu de chefs sont capables.
L'orchestre se plie avec ardeur à ses demandes, qu'il s'agisse des cordes capables de proposer une multitude de textures et de couleurs ou des solistes (clarinette, piccolo, premier violon) dont l'enthousiasme se double de moyens musicaux souvent exceptionnels. L'orchestre propose dans sa brochure de présentation l'impressionnante liste de ses anciens membres entrés dans les plus grands orchestres européens et mondiaux : ce que peut ce soir applaudir le public de Luxembourg laisse penser que les membres actuels n'auront pas de mal à trouver leur place à un même niveau.
Photos : © Sébastien Grébille.
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Luxembourg. Philharmonie. 28-III-2018. Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour deux pianos, percussion et orchestre ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 8 op. 65. Tamara Stefanovich, Pierre-Laurent Aimard, piano ; Gustav-Mahler-Jugendorchester ; direction : Vladimir Jurowski.
A quand une intégrale Chostakovitch par Jurovski … ?