Au Louvre, le Trio Zimmermann revisite les Variations Goldberg
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Paris. Auditorium du Louvre. 28-III-2018. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Trio à cordes op. 45 ; Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Variations Goldberg BWV 988, transcrites pour trio à cordes par le Trio Zimmermann. Trio Zimmermann.
Affluence des grands soirs à l'Auditorium du Louvre pour ce concert très attendu du Trio Zimmermann, dans un programme rare convoquant Schoenberg et Bach, qui donne au public parisien l'occasion d'écouter, en première audition mondiale, les célèbres Variations Goldberg de Bach revisitées par les Zimmermann dans une transcription de leur propre cru.
Une mise en miroir passionnante, originale et contrastée où la déconstruction du Trio de Schoenberg répond à la rigueur contrapuntique du monument musical que représentent les Variations Goldberg.
Le Trio à cordes opus 45 de Schoenberg, composé en 1946, dans les circonstances troublées de l'exil et de la maladie, permet au compositeur de retrouver l'urgence et la rage expressionnistes de ses compositions des années 1910. Une œuvre d'une extravagante virtuosité, quasiment impossible à jouer selon les dires du compositeur, évoluant en un seul mouvement au phrasé abrupt, alternant lyrisme et fureur, où les membres du Trio Zimmermann (Frank Peter Zimmermann au violon, Antoine Tamestit à l'alto et Christian Poltéra au violoncelle) donnent immédiatement toute la mesure de leur magistral savoir-faire par la qualité de la mise en place, la clarté du jeu, la richesse des timbres, soutenu par une indéfectible, jubilatoire et éloquente complicité.
Si la transcription des Variations Goldberg par Dimitri Sitkovetsky est bien connue depuis les années 1980, maintenant intégrée au répertoire de nombreux trios à cordes, il n'en va pas de même de cette nouvelle transcription, du Trio Zimmermann présentée ce soir pour la première fois en public. À la différence de la première s'appuyant sur la version de Glenn Gould et comprenant de nombreuses coupures, notamment dans les reprises, celle des Zimmermann reste d'une fidélité absolue au texte, reprenant l'exhaustivité des trente-deux variations, ce qui sous-entend un travail colossal de réécriture. On notera la qualité du travail technique de transcription (répartition entre les deux mains du clavier, main droite pour violon et alto, main gauche pour le violoncelle), du travail stylistique (changement d'atmosphère à chaque variation) et du travail dynamique (articulations, phrasé) qui donne bien sûr à ces célèbres Variations Goldberg un éclairage totalement nouveau tout en respectant scrupuleusement l'authenticité de la partition. À la fois l'Autre et le Même, cette nouvelle mouture s'attache à majorer la polyphonie, à amplifier l'espace sonore et le relief des timbres, à accentuer le caractère concertant et l'expressivité de la partition originale, tout en gardant dans la durée la poésie enivrante de ce voyage débutant par cet Aria très simple pour finalement y revenir en conclusion après un dépaysement musical de 80 minutes. Là encore le Trio Zimmermann étonne par sa connivence, son plaisir de jouer, sa virtuosité dans les variations rapides très « digitales » et par son sublime legato dans les variations plus lentes.
Une interprétation d'exception qui devrait donner lieu prochainement à un enregistrement discographique.
Crédit photographique : Frank Peter Zimmermann, Christian Poltéra, Antoine Tamestit © Mats Backer
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Paris. Auditorium du Louvre. 28-III-2018. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Trio à cordes op. 45 ; Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Variations Goldberg BWV 988, transcrites pour trio à cordes par le Trio Zimmermann. Trio Zimmermann.