La médaille Bach 2018 attribuée à Robert Levin
La médaille Bach 2018 a été attribuée au pianiste et musicologue américain Robert Levin pour ses enregistrements et pour ses travaux scientifiques et historiques sur des œuvres de Bach. Le prix lui sera remis le 14 juin lors du festival Bach de Leipzig où il interprètera des extraits du Clavier bien tempéré.
(Visited 498 times, 1 visits today)
Mots-clefs de cet article
Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte,
écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.
La Genèse de Bach – Une découverte récente du musicologue Georges Kan
Les volutes gracieuses et a priori innocentes du frontispice du Clavier bien tempéré ont livré, ces
dernières années, des indications précieuses concernant le tempérament recommandé par Bach pour jouer cette œuvre. Bradley Lehman1 fut le premier à proposer une lecture technique convaincante de la frise en haut de la page de garde en attribuant à chaque volute une lettre. La lecture se fait de droite à gauche ou, selon lui, en retournant le volume ou bien en se plaçant à sa tête, comme pour accorder un clavecin et en jouer. La première boucle (à droite) est liée à un prolongement du « C » de Clavier, appendice représentant lui-même la troisième lettre de l’alphabet, ce qui renforce l’idée que ce petit escargot n’est autre que le « do ». En continuant vers la gauche et en suivant le cycle des quintes, Lehman aboutit à une 9e boucle surmontant l’enluminure de la lettre « D » du mot Das.
C’est là que les choses se corsent car cette boucle doit correspondre à un ré dièse et en effet, le Das peut se lire Dis (ré dièse en allemand). A ce stade, on comprend que chaque détail compte et qu’il n’y a pas de faiblesses calligraphiques dans la plume de Bach mais plutôt des indices subtils. En y regardant de plus près, le « a » semble comme refait sur un « i » initial. L’enluminure du « D » comprend, outre le fût en forme de barre verticale fine prolongée au double en-dessous de la lettre et flanquée des deux points du signe de répétition, un « Eb » qui peut se lire également Es.
Mi bémol – Ré dièse sont évidemment les tonalités du prélude puis de la fugue du 8e couple de la série (BWV 853).
Sans vouloir aucunement remettre en cause les différents tempéraments qui découlent de cette lecture (d’autres ont emboîté le pas à Lehman avec des propositions tout aussi passionnantes), le musicologue Georges Kan tente de continuer l’exploration graphique de cette page. Tout d’abord, il fait remarquer que les 6e, 7e et 8e boucles (en partant de la droite) peuvent être vues comme 2 boucles, l’une composée des 6e et 7e boucles entrelacées formant un cœur parfaitement constitué, l’autre d’une boucle simple représentant un « 0 » ou un « o ». Ce qui signifie que les boucles peuvent se lire en 10 indices, la première un C, la huitième un Eb et un Dis, c’est à dire l’ordre des tonalités des Préludes et Fugues, cette fois.
Ensuite, Georges Kan propose de tester la perception des caractères du texte qui pourraient receler d’autres lectures : le « C » de Clavier est refermé sur lui-même, amorçant presque une volute ou un « G » prenant le mot (C)lavier pour empâtement. Ainsi, les deux majuscules créent la formule SDG (Soli Deo gloria), que l’on retrouve au complet dans l’enluminure du « P » de Præludia. (Le « S » est à la sortie de la dernière volute à gauche, et le « B » de Bach avant la première volute à droite). C’est la signature d’auteur que l’on retrouve 7 fois au complet dans le Prélude BWV 852 sous forme des notes : B – Es – D – G [si bémol, mi bémol, ré, sol]).
Revenant ensuite sur la lettrine « D » dont il est admis qu’elle puisse servir à la lecture de « Das » autant que de « Dis », Georges Kan propose d’en utiliser le fût très long pour lire le « P » de Par-(a)-Dis (les 2 points de répétition pour souligner que cette portion du fût sert 2 fois ; le « a » est enroulé autour du fût). Si l’équivalence Mi bémol – Ré dièse est bien le Graal de l’accordeur, soit le Paradis du huitième couple de préludes et fugues, il est à noter que dans le livre de la Genèse l’histoire du Jardin d’Eden intervient après les sept jours de Création. Bach aurait-il utilisé le texte biblique
pour séquencer son immense Clavier bien tempéré ? La page de titre semble en être une preuve.
Tout d’abord la séquence du Jardin d’Eden se positionnerait sur les couples 8 (la parole divine dans la fugue BWV 853), 9 (la 9e volute traversée par le serpent – cf. fugue BWV 854) et 10 (la tentation et le pêché du prélude BWV 855) avant l’expulsion (le « S »).
Le 7e jour, le repos du Seigneur serait indiqué par une volute vide, mais également l’évocation du Zayn, 7e lettre en hébreu (le magnifique prélude BWV 852, rythmé par la signature B-Es-D-G est le récapitulatif des 7 jours de création).
Le 6e jour qui voit l’apparition de l’homme et de la femme serait symbolisé par la double volute en forme de cœur (la virilité de la fugue BWV 851, mais aussi la tendresse provoquée par le renversement du thème).
Les contrepoinçons créés par les déliés des 5 premières volutes complexes (sous forme d’escargot soit le « G » de Genesis retourné de droite à gauche, ou le beyt de bara) livreraient les indices du texte des 5 premiers jours de la création :
# Volute 5 : un poisson (le prélude BWV 850 avec son Leviathan à la mes. 33 et la fugue BWV 850 suggérant l’envol des oiseaux).
# Volute 4 : la terre avec la lune et la lumière du soleil (prélude BWV 849 en plein Versailles pour le soleil, et la somptueuse fugue BWV 849 pour la lune, la Voie lactée à la mes. 36, et l’étoile de Sirius – Constellation du Chien à la mes. 49).
# Volute 3 : les 3 continents (la végétation proliférante et son Printemps à la mes. 34 dans la riche fugue BWV 848).
# Volute 2 : la terre avec les eaux du bas et les eaux du haut (le prélude BWV 847 et ses Colonnes d’Hercule à la mes. 34).
# Volute 1 : liée au « C » de Creaturae, au « B » de Bereshit et au « G » de Genesis,
l’escargot contient un « o » bien renforcé par le trait de la boucle et une surface en forme de faisceau. C’est la terre vide (tohu et bohu) et la création de la lumière (le prélude BWV 846 prend alors tout son sens…). A noter que la fugue BWV 846 comporte 24 entrées ; le premier jour !
—————————————————————
(1) Bradley Lehman « Bach extraordinary temperament – our Rosetta Stone – 1 » Early Music, XXXIII/1, (février 2005), pp. 3-23.
Georges Kan
Le 30 Mars 2018