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À Genève, le triomphant vérisme à l’italienne

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Genève. Opéra des Nations. 17-III-2018. Pietro Mascagni (1863-1945) : Cavalleria Rusticana, opéra en un acte sur un livret de Giovanni Targioni-Tozzetti et Guido Menasci d’après la nouvelle éponyme de Giovanni Verga. Mise en scène : Emma Dante. Décors : Carmine Maringola. Costumes : Vanessa Sannino. Lumières : Cristian Zucaro. Chorégraphie : Manuela Lo Sicco. Avec : Roman Burdenko, Alfio ; Melody Louledjian, Lola ; Oksana Volokova, Santuzza ; Stefania Toczyska, Mamma Lucia ; Marcello Giordani, Turiddu.
Ruggero Leoncavallo (1857-1919) : I Pagliacci, opéra en deux actes et un prologue sur un livret du compositeur. Mise en scène : Serena Sinigaglia. Décors : Maria Spazzi. Costumes : Carla Teti. Lumières : Claudio De Pace. Avec : Diego Torre, Canio ; Nino Machaidze, Nedda ; Roman Burdenko, Tonio ; Migran Agadzhanyan, Beppo ; Markus Werba, Silvio ; Terige Siroli, un villageois ; Rodrigo Garcia Muñoz, un villageois.
Chœur du Grand Théâtre de Genève (chef des chœurs : Alan Woodbridge). Maîtrise du Conservatoire Populaire de musique, danse et théâtre (direction Magali Dami et Ruzsina Szuroni). Orchestre de la Suisse Romande, direction musicale : Alexander Joel

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Le Grand Théâtre de Genève se met à l'heure italienne avec les deux fameux opéras véristes souvent accouplés, Cavalleria Rusticana de Pietro Mascagni en coproduction avec le Teatro Comunale de Bologna et une nouvelle (et triomphante) production maison de I Pagliacci de .

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Disons-le d'emblée, qui nous avait tant enthousiasmés lors de sa mise en scène de Macbeth de Verdi au Teatro Regio de Turin semble ici moins inspirée. Alors que les sublimes musiques de l'Ouverture et de l'Intermezzo de Cavalleria Rusticana mériteraient amplement qu'elles soient données à rideau fermé, s'accroche assez lourdement sur des images symboliques envahissantes de Pâques (procession accompagnant la Passion d'un Christ noir à la démarche saccadée, invasion de croix descendues des cintres). Dans un mixage dérangeant de vérisme et de symbolisme, on frise le malaise avec l'arrivée du charretier Alfio () où, sorties d'une opérette, quatre ballerines levant vulgairement la jambe miment les chevaux fous d'Alfio, alors qu'une horde de bellâtres se tordent en pâmoison devant une Lola minaudant au balcon. Une (Lola) exposant ses indéniables qualités vocales mais chez qui reste le besoin de grandir avec des rôles à sa mesure. Un rôle mal distribué s'ajoutant à une Santuzza () guère convaincante. Engoncée dans une voix manquant singulièrement d'italianité et de personnalité pour imposer son personnage, théâtralement mal dirigée, elle forme avec (Turiddu) un couple auquel on ne croit pas un seul instant.

Dans un décor encombrant malgré ses dimensions réduites, c'est sur une scène complètement vide que l'émotion reprend ses droits. empoigne ses adieux à sa mère avec un Mamma quel vino è generoso admirable. Son chant se colore de la certitude de mourir et, en même temps, de l'apaisement qu'il doit à la douleur prochaine de sa mère. À ses côtés, la mezzo Stefania Toczyska (Mamma Lucia) est superbe d'humanité. Un grand moment offert par une Dame de soixante-quinze ans et un Monsieur de vingt ans son cadet donnant à tous une leçon d'artiste. Si le reste impressionnant, dans la fosse l' manque lui aussi d'italianité, avec un plus occupé à offrir une musique bien lissée qu'à donner l'esprit du drame de cette Santuzza maudite et vouée à l'abandon.

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Changement de décor avec I Pagliacci de Leoncavallo. En effet, la metteuse en scène fait une heureuse transition avec le spectacle précédent en envoyant, pendant la musique du prologue, régisseurs de scène et machinistes pour ranger les scènes du précédent opus et mettre en place le décor () de l'intrigue nouvelle. (Tonio) entre en survêtement et, comme pour s'excuser, annonce au public l'événement auquel il va assister dans un magnifique Si puo ? Si puo ? Signore ! Signori ! Son chant est d'une ampleur et d'une autorité superbe, si bien qu'on peine à croire qu'il s'agit du même chanteur qui quelques minutes avant était l'Alfio de Cavalleria Rusticana.

Au milieu des hautes herbes sèches de la campagne calabraise, un tréteau invite les habitants alentour à assister au spectacle de ce théâtre ambulant, où bientôt la réalité des enjeux va dépasser la scène théâtrale pour se changer en drame humain de la jalousie. Dans l'esprit du cinéma italien vériste des années cinquante, signe une mise en scène d'une rare vivacité. Admirable directrice d'acteurs, conteuse, elle fait immédiatement toucher à l'esprit de cette tragédie sans se servir de faux-fuyants. Quel théâtre ! Si les protagonistes sont constamment à leur place, s'ils ne font jamais de gestes inutiles, s'ils sont justes à tous instants, que dire du traitement théâtral du chœur ? Ainsi lorsque les gens arrivent avec leurs chaises pour s'installer pour la représentation, se poussant, se bousculant, se passant devant, s'invectivant (en silence), on ne croirait jamais à une mise en scène tant elle apparaît comme vécue par tout un chacun. Bien évidemment les acteurs ainsi mis à l'aise, les scènes se potentialisent vers l'excellence. Ainsi, si le est enthousiasmant (autant qu'enthousiasmé), l' et son chef sont ici brillants.

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Du côté des chanteurs, le magnifique , Tonio rustre et vicieux, est presque touchant tant son impuissance et sa vilenie l'accablent. La soprano , Nedda innocente frustrée, confirme les qualités d'interprète du répertoire italien qu'elle aborde intelligemment avec des rôles exacerbant sa sensibilité, sa fragilité et son sens du phrasé. L'entrée du ténor mexicain (Canio), occupé à son masque sur les à-côtés de la scène, cloue le spectateur avec un Un grande spettacolo, a ventitré ore époustouflant. Physiquement imposant, il l'est tout autant par la voix dont le grain chargé d'harmoniques charme immédiatement. La voix qu'on lui avait trouvée lors d'un Attila de Verdi à San Francisco en 2012 s'est aujourd'hui heureusement ouverte et a offert au public genevois un ténor à la fibre italienne des plus intéressants.

C'est donc par un tonnerre d'applaudissements que cette dernière production à été ovationnée. Un grand moment de théâtre lyrique.

Crédit photographique : © Carole Parodi

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Genève. Opéra des Nations. 17-III-2018. Pietro Mascagni (1863-1945) : Cavalleria Rusticana, opéra en un acte sur un livret de Giovanni Targioni-Tozzetti et Guido Menasci d’après la nouvelle éponyme de Giovanni Verga. Mise en scène : Emma Dante. Décors : Carmine Maringola. Costumes : Vanessa Sannino. Lumières : Cristian Zucaro. Chorégraphie : Manuela Lo Sicco. Avec : Roman Burdenko, Alfio ; Melody Louledjian, Lola ; Oksana Volokova, Santuzza ; Stefania Toczyska, Mamma Lucia ; Marcello Giordani, Turiddu.
Ruggero Leoncavallo (1857-1919) : I Pagliacci, opéra en deux actes et un prologue sur un livret du compositeur. Mise en scène : Serena Sinigaglia. Décors : Maria Spazzi. Costumes : Carla Teti. Lumières : Claudio De Pace. Avec : Diego Torre, Canio ; Nino Machaidze, Nedda ; Roman Burdenko, Tonio ; Migran Agadzhanyan, Beppo ; Markus Werba, Silvio ; Terige Siroli, un villageois ; Rodrigo Garcia Muñoz, un villageois.
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