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Premier prix du BBC Cardiff Singer of the World 2017, Catriona Morison est prête pour faire une grande carrière. Actuellement en troupe à l'Opéra de Wuppertal, la jeune mezzo écossaise connaît bien les avantages et inconvénients de ce système pratiqué par la majorité des théâtres d'outre-Rhin.
« Dans une troupe, on a la possibilité de se construire un répertoire. »
ResMusica : Vous avez gagné en 2017 la compétition BBC Cardiff Singer of the World comme ce fut le cas pour Karita Mattila, Dmitri Hvorostovsky ou Anja Harteros. Que ressentez-vous aujourd'hui en vous rappelant cette victoire ?
Catriona Morison : À vrai dire, j'en suis toujours un peu surprise. J'ai participé à cette compétition pour voir quelle était ma place au sein de ces jeunes chanteurs et jusqu'où je pourrais arriver. Et tout à coup, je me suis retrouvée gagnante ! Évidemment, c'est un grand honneur vu le prestige de cette compétition. Et un grand pas pour ma carrière ce dont je suis très reconnaissante.
RM : On peut imaginer qu'après une telle victoire, le téléphone n'arrête pas de sonner et que les offres se multiplient. Est-ce comme ça que les choses se sont passées ?
CM : Exactement comme ça ! C'était un peu comme une bombe. À partir de ce moment-là, rien n'était plus comme avant. D'un coup, j'ai reçu une multitude d'offres pour des récitals, des concerts et aussi pour des opéras. J'avoue que, dans un premier temps, j'étais submergée par tout ce qui me tombait dessus. Mais entre-temps, j'ai trouvé un très bon agent qui gère tout cela pour moi. Et elle le fait très bien.
RM : Cependant, vous êtes membre d'une troupe en Allemagne, à l'Opéra de Wuppertal. Disposez-vous de la flexibilité nécessaire pour réagir à toutes ces offres ?
CM : Il semble que j'ai de la chance à l'Opéra de Wuppertal. Évidemment, je dois honorer mes engagements ici. Mais la direction me laisse beaucoup de liberté pour chanter ailleurs. Elle est même convaincue que les expériences que je fais ailleurs ont un impact positif pour mon travail ici. Ceci dit, le planning s'avère souvent difficile. Mais ça vaut la peine.
RM : Comment êtes-vous arrivée à Wuppertal ?
CM : Cela fait quatre ans que j'habite en Allemagne. Pendant mes études, j'ai passé un semestre comme étudiante Erasmus à Berlin. Et depuis ce temps-là, j'avais l'idée de revenir. En plus, le nombre de théâtres qui existent en Allemagne est bien supérieur à celui de la Grande-Bretagne. J'étais donc convaincue d'avoir plus de possibilités ici que chez moi. En ce qui concerne Wuppertal, j'ai auditionné ici en 2016 alors que j'étais encore membre du Thüringer Opernstudio à Weimar. J'ai tout de suite senti qu'il y avait une ambiance particulière dans ce théâtre. Le nouveau directeur était en train de former une troupe et il y avait une atmosphère de renouveau qui m'a fascinée. J'étais donc très heureuse de savoir qu'on m'avait acceptée.
« Je ne veux pas me limiter à l'opéra. J'adore aussi des lieder de Brahms ou de Mahler. »
RM : Le système des troupes est très répandu en Allemagne. Quels en sont, d'après vous, les avantages et les inconvénients ?
CM : Disons-le d'emblée : avoir un revenu fixe tous les mois est un grand avantage pour un jeune chanteur. Mais évidemment, ce n'est pas que ça. On a la possibilité de se construire un répertoire. On a aussi la chance de travailler régulièrement avec les mêmes collègues et le même orchestre, ce qui rend le travail très détendu. Et finalement, on a la grande chance de fidéliser un public. Ça m'est arrivé plusieurs fois déjà que quelqu'un me reconnaisse dans la ville. Côté inconvénients, il y a le problème des offres extérieures. Il peut arriver qu'on doive refuser une offre alléchante pour un grand rôle parce que, à la même époque, on chante un petit rôle en troupe. Mais c'est la vie !
RM : Certains collègues citent un autre inconvénient. Il leur est arrivé que la direction les pousse à chanter un rôle qui ne leur convenait pas parce que l'opéra était au programme…
CM : Là aussi, il semble que j'ai de la chance. La direction est très prudente ici. Je peux vous citer un exemple : plus tard dans la saison, nous donnerons Carmen. Mais aucun membre de la troupe ne chantera l'un des quatre rôles principaux. On m'a proposé le rôle-titre. Je m'y suis essayée mais finalement nous sommes convenus sur le fait que ce serait trop tôt pour moi. Et j'en suis très contente vu que j'aspire à une carrière d'au moins 30 ans.
RM : Vous chantez un répertoire très vaste, de Maddalena à Julietta de Martinů en passant par Nicklausse ou Hänsel. Comment décririez-vous votre voix ?
CM : En Allemagne, il existe une tendance à cataloguer les chanteurs. On parle d'un certain Fach. J'avoue que j'ai des problèmes avec cette notion. Il y a des répertoires qui m'intéressent plus que d'autres dont le baroque, l'opéra allemand et le répertoire français. Ceci n'exclut pourtant pas des incursions dans d'autres répertoires. J'ai ainsi pris beaucoup de plaisir à chanter Maddalena dans Rigoletto.
RM : Y a-t-il des rôles dont vous rêvez d'ores et déjà ?
CM : Un jour, j'aimerais vraiment chanter Octavian (Der Rosenkavalier) et Charlotte (Werther). Mais je ne veux pas me limiter à l'opéra. J'adore aussi des lieder de Brahms ou de Mahler. Il y a beaucoup de musiques à explorer.
RM : Quels sont vos plans pour un avenir proche ? Resterez-vous en troupe à Wuppertal ?
CM : Avec le nombre d'offres que je reçois actuellement, ce serait bien difficile. Non, à partir de la saison 2018-2019, je me lancerai dans une carrière de chanteuse free-lance. Mais là aussi, je peux compter sur la bienveillance de la direction à Wuppertal. On a bien compris ici que je devais franchir ce pas. Encore mieux : je vais revenir. J'ai déjà des contrats pour la saison prochaine.