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Karlheinz Stockhausen. Comment passe le temps : Essais sur la musique 1952-196. Préface de Philippe Albèra, traduction de Christian Meyer. Éditions Contrechamps. 250 p. 25 €. Octobre 2017.
Les éditions Contrechamps ont réuni sous le titre d'un des articles phares de Karlheinz Stockhausen, Comment passe le temps, un recueil d'essais écrits entre 1952 et 1961 en traduction française. Au-delà d'une source d'une immense richesse sur les réflexions de Stockhausen, ces écrits nous plongent dans le contexte passionnant du milieu du XXe siècle.
Le titre de l'admirable préface de Philippe Albèra intitulée « Stockhausen ou l'artisanat furieux » témoigne de l'importance de cette époque durant laquelle, en 1954, Pierre Boulez a écrit Le marteau sans maître dont la troisième partie est sur ce poème éponyme de René Char. Durant cette période essentielle pour le développement du sérialisme d'après guerre, la ville de Darmstadt était un des grands centres de discussion où se croisaient Boulez, Nono, Pousseur, Berio, Maderna et Zimmermann. Modes de valeurs et d'intensité d'Olivier Messiaen, modèle du sérialisme intégral, a justement été composé en 1949 à Darmstadt.
Un de ces essais fondateurs sert de titre à cet ouvrage. Comment le temps passe ou plus exactement Ainsi s'écoule le temps comme Célestine Deliège propose de traduire « Wie die Zeit vergeht ». Écrit en 1956 et paru un an plus tard, le contenu de cet article a été appliqué à un certain nombre d'œuvres du compositeur, notamment à Gruppen. Dans cette pièce essentielle des années 1950, Stockhausen s'approprie les règles du système sériel en les attribuant à tous les éléments du matériau de son œuvre pour trois orchestres. De nombreux essais renferment ses réflexions théoriques préalables à l'élaboration de ses œuvres, c'est pourquoi ils sont une mine d'informations indispensables à une meilleure intelligibilité de l'œuvre du compositeur.
Dans le premier des textes édités, Situation de l'artisanat, Stockhausen revient sur une idée conductrice de sa pensée : la recherche d'un langage musical nouveau basé sur le principe de l'unité. La composition est pour Stockhausen une « organisation sonore dans laquelle le singulier fusionne dans le tout et la diversité dans l'unité ». La série constitue ce principe d'unité et toutes ses caractéristiques sont applicables aux différents paramètres du matériau musical. Stockhausen en arrive donc à déduire que l'« artisanat » du compositeur est d'aller jusqu'à la composition des sons eux-mêmes et pas seulement des sons entre eux ; il pose ainsi les origines de la pensée spectrale. Cette réflexion le conduira tout d'abord dans le domaine de la musique électro-acoustique qui lui permettra de répondre à cette recherche de la composition du son.
La spiritualité est également une idée essentielle dans l'œuvre de Stockhausen, qui transparaît dans un grand nombre de ses œuvres, notamment dans son opéra Licht. L'au-delà peut se traduire de différentes manières pour le compositeur de Gruppen, notamment par les rapports avec la série de Fibonnacci. Ainsi, la construction sur différents principes de rapports permet d'élever une conception singulière du temps.
Ce rapport entre le sensible et l'intelligible qui est inhérent à Stockhausen renferme en son sens toute l'importance que l'on peut accorder à ces essais. Des écrits à l'écoute, de l'intelligible au sensible, du niveau poïétique au niveau esthésique, les éditions Contrechamps nous permettent avec cet ouvrage d'objectiver une compréhension plus globale de l'œuvre d'un des plus grands compositeurs du XXe siècle.
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Karlheinz Stockhausen. Comment passe le temps : Essais sur la musique 1952-196. Préface de Philippe Albèra, traduction de Christian Meyer. Éditions Contrechamps. 250 p. 25 €. Octobre 2017.
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