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Ludmila Berlinskaïa à Gaveau : une flânerie beethovénienne

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Paris. Salle Gaveau. 02-II-2018. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate pour piano n° 30 en mi majeur, op. 109. Nikolaï Medtner (1879-1951) : Sonate en la mineur « Réminiscence », op. 38 n° 1. Robert Schumann (1810-1856) : Kreisleriana, op. 16. Maurice Ravel (1875-1937) : Valses nobles et sentimentales. Ludmila Berlinskaïa, piano.

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LBerlinskaiaLa salle Gaveau retentit cette saison d'une série de concerts pensés comme des rêveries libres autour des sonates de Beethoven. Ce soir, brode autour de la Trentième, la première du célèbre trio des « dernières sonates ».

Vagabondage musical oblige, l'enchaînement des œuvres que a programmées n'obéit pas à une logique d'abord musicologique ; et au fond, ces pièces ne doivent à Beethoven que d'assez loin. Bien plutôt, elles brossent le portrait d'une pianiste d'aujourd'hui – dans un répertoire qui lui tient à cœur et qu'elle vient d'enregistrer pour Melodiya –, et condensent les aspirations esthétiques d'une artiste qui doit autant à la Russie natale (symbolisée par la délicate Sonate « Réminiscence » de Medtner) qu'à la France, où elle enseigne aujourd'hui à l'École Normale de Musique, et à laquelle les Valses nobles et sentimentales de Ravel nous ramènent.

Pour le décrire brièvement, l'art pianistique dont Berlinskaïa, au cours de la soirée, livre comme une synthèse, est surtout caractérisé par l'ampleur du geste. Non que la pianiste abuse au clavier d'effets théâtraux ; mais sa pensée, tendue vers l'avant dans un effort constant de narration, procède avant tout par phrases, par arcs expressifs, par progression sonore. Dans le premier mouvement de la Sonate op. 109 de Beethoven, c'est d'un effet superbe : les récitatifs qui entrecoupent l'ondoiement des doubles croches sont idéalement ciselés, lancés avec fougue, et magnifiés encore par un dosage savant de la pédale forte. La cohérence et la clarté du discours éclatent aussi dans des nuances forte pleinement maîtrisées, assumées avec panache, presque électriques, quoique sans violence – magnifiques dans les bouillonnements des Kreisleriana de Schumann, dont l'Äußerst bewegt initial n'épuise pas toutes les surprises.

Peut-être la primauté accordée au geste a-t-elle pourtant, comme toute médaille, un revers : le jeu de Berlinskaïa est semé d'achoppements minimes auxquels nos oreilles ne sont plus habituées, elles que la perfection lisse des enregistrements d'aujourd'hui a rendues si tatillonnes. De même, dans Medtner surtout, la limite entre l'élan et la précipitation, entre le rubato et le senza rigore, peut paraître se brouiller. Cela n'ôte rien à la finesse d'esprit de , dont les Valses nobles et sentimentales sont le véritable triomphe. Il faut entendre les minauderies ironiques de la troisième valse, notée Modéré, ou l'exubérance clinquante de la septième. Mais c'est surtout l'Épilogue qui laisse l'impression la plus vive : musique d'après la musique, où Ravel, comme dans un salon redevenu désert, passe en revue les thèmes entendus, en les effeuillant pensivement. La pianiste se prête au jeu avec grande inspiration, et sous ses doigts, on se laisse sombrer dans la torpeur, en écoutant ces bribes de valses qu'engloutissent peu à peu les résonances mystérieuses, puis le silence.

Crédit photographique : © Ira Polyarnaya

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Paris. Salle Gaveau. 02-II-2018. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate pour piano n° 30 en mi majeur, op. 109. Nikolaï Medtner (1879-1951) : Sonate en la mineur « Réminiscence », op. 38 n° 1. Robert Schumann (1810-1856) : Kreisleriana, op. 16. Maurice Ravel (1875-1937) : Valses nobles et sentimentales. Ludmila Berlinskaïa, piano.

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